Constructeur majeur dans l’histoire de l’aéronautique Breguet sut développer quelques uns des principaux avions civils et militaires français de la Première Guerre mondiale jusqu’aux années 1970. Cependant à l’instar de nombreux autres avionneurs majeurs il connut quelques déconvenues dont l’une des plus fameuses concerne une famille d’avions de transport polyvalent, c’est à dire destinés aussi bien à des compagnies aériennes qu’à l’Armée de l’Air. Il s’agit des Breguet Br.890 Mercure et Br.891 Mars.
C’est fin 1946 que les responsables de Breguet eurent l’idée de développer un nouvel avion de ligne destiné aux compagnies aériennes européennes. Aux vues des évolutions possibles du marché aérien les ingénieurs français décidèrent que l’avion devait pouvoir également remplir des missions de transport de fret.
Les clients privilégiés de ce nouvel appareil étaient bien entendu les compagnies françaises qui desservait le vaste territoire colonial français d’Afrique et d’Asie. Dans ces conditions l’appareil se devait de pouvoir se poser sur des distances assez courtes sur des terrains sommairement préparés.
Le programme visait également la fourniture à l’Armée de l’Air d’un nouvel avion de transport tactique, à même de remplacer les AAC Toucan et Douglas C-47 hérités de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait aussi pour Breguet de démontrer que malgré les années d’Occupation l’outil industriel était bel et bien là.
Partant de ce principe ce n’est pas deux mais trois avions différents qui furent alors lancés. Le premier le Br.890 se présentait sur le papier comme un bimoteur propulsé par des moteurs allemands Junkers Jumo 211 d’une puissance unitaire de 1550 chevaux. Le deuxième était le Br.891, destiné aux militaires, et reprenait les grandes lignes du Br.890 mais avec deux moteurs en étoile SNECMA 14R de 1600 chevaux. Le troisième enfin était celui qui changeait le plus radicalement. Désigné Br.892, il se présentait sous la forme d’un quadrimoteur doté de moteurs Renault 12S d’une puissance de 500 chevaux chacun. Ceux ci étaient en fait des moteurs allemands Argus dont les plans avaient été confisqués à la Libération aux termes des dommages de guerre.
En fait dans ces trois avions, hormis la motorisation ils étaient globalement identiques. L’aménagement intérieur du Br.891 était là aussi différent, un avion de transport militaire présentant un confort bien moindre qu’un appareil civil.
Les premiers essais du Breguet Br.890 démontrèrent que les Junkers Jumo 211 étaient largement insuffisants pour le cahier des charges, on décida de les remplacer par des Bristol Hercules de 2030 chevaux chacun. Ainsi la désignation de l’avion fut modifiée en Br.890H.
Ces modifications entraînèrent un certain retard, si bien que c’est le Br.892 qui réalisa le premier son vol inaugural, le 1er mars 1949. Il fut suivi quelques semaines plus tard, le 15 novembre 1949 du Br.891, puis enfin le 5 avril 1950 du Br.890H.
Les responsables de Breguet prirent alors la décision de désigner les Br.890 et Br.892 du nom de Mercure tandis que le Br.891 devenait le Mars.
Les essais en vol du Br.892 démontrèrent rapidement que cet avion n’avait aucun intérêt, sa motorisation était alors jugée ridicule. Le programme de cet avion s’interrompit en décembre 1950. Les quatre moteurs furent démontés et remplacés par ceux du Br.890H. Le Br.892 devint alors le Br.890H numéro 02. Il permis aux ingénieurs et pilotes du Centre d’Essais en Vol de disposer de leur propre avion, tandis que ceux de Breguet conservaient le premier appareil.
Pendant ce temps les mêmes ingénieurs du CEV soumettaient le Br.891 Mars a toute une série de tests afin de s’assurer qu’il était apte aux missions que pourrait lui confier l’Armée de l’Air. Cependant l’avion militaire de Breguet, s’il ne présentait pas de défauts majeurs, avait un sérieux concurrent en face de lui, le tout nouveau bipoutre N.2501 sortis des ateliers de la SNCAN.
Début 1952 les responsables de Breguet annoncèrent qu’ils jetaient l’éponge dans le développement du Mercure. Tous leurs espoirs reposaient désormais sur le Mars.
Cependant face au N.2501 leur avion ne semblait pas faire particulièrement le poids, et c’est sans trop de surprise générale que l’état-major de l’Armée de l’Air sélectionna l’avion de la SNCAN.
Le sort du Breguet Br.891 Mars était scellé. Cependant le Centre d’Essais en Vol décida de conserver l’avion comme appareil de soutien et de servitude. Il y vola de 1952 à 1956, avant d’être remplacé bien entendu, par un N.2501 Noratlas. Quelques temps plus tard le Mars fut envoyé au ferrailleur.
Si la famille des Mercure et Mars est petit à petit replongée dans l’oubli c’est aussi parce que les responsables aéronautiques de l’époque n’ont pas cru bon de préserver l’une de ces machines pour les générations futures. Quoi qu’il en soit elle est bien représentative du bouillonnement intellectuel qui caractérisait l’industrie aéronautique française en cette fin des années 1940, où chaque projet, même un peu fou ou simplement inutile, débouchait forcément sur l’élaboration d’un prototype.
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