Au début des années 1950, alors que la plus part des colonies françaises montraient des velléités indépendantistes l’Armée de l’Air dut supporter d’importants flux de transport entre la métropole et l’Indochine ou l’Afrique du Nord afin de soutenir les troupes engagées dans ces conflits. Disposant principalement d’avions d’origine américaine ou allemande depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la France chercha par tous les moyens à acquérir des appareils de transport stratégique, ou de transport gros-porteur, comme en disposaient alors l’US Air Force et la Royal Air Force. L’un des appareils les plus imposants de cette époque était un gros quadrimoteur conçu par Breguet pour les besoins d’Air France, et finalement adopté par l’Armée de l’Air : le Deux-Ponts.
Tout commença en 1948 quand l’avionneur Breguet se lança dans l’étude d’un avion de ligne gros-porteur susceptible de remplacer les premiers Douglas DC-4, la version civile du C-54. Le constructeur français s’orienta alors vers une formule peu courante, celle du double pont. En effet le nouvel avion, désigné Br-761 présentait la particularité de pouvoir embarquer 59 de ses passagers sur un pont supérieur et 48 autres sur un pont inférieur, dans la configuration standard voulu par Air France. Vu la forme général de l’avion les ingénieurs de Breguet baptisèrent le Br-761 sous le nom de Deux-Ponts.
Il s’agissait d’un monoplan quadrimoteur à ailes médiane disposant d’un train d’atterrissage rétractable sur trois points. L’avionneur retint comme propulsion le moteur en étoile SNECMA-14R de 1600 chevaux, mais la compagnie aérienne française préféra le remotoriser avec des Pratt & Whitney R-2800-CA18 de 2400 chevaux chacun. Outre sa très particulière configuration à double pont, l’avion disposait d’un empennage principal tronqué et de deux stabilisateurs verticaux gréés sur les plans horizontaux des gouvernes de profondeur. Le Breguet Deux-Ponts ne disposait de hublots, rectangulaires, que sur la partie supérieure du fuselage. Il effectua son vol inaugural le 15 janvier 1949.
Alors qu’Air France passa sa commande en 1951 pour un lot de douze avions, désignée Br-763, l’Armée de l’Air reçu la même année les trois exemplaires de présérie du Deux-Ponts qu’elle désigna Br-761S. Ils furent mis en service par l’Escadron de Transport 2/64 (ou ET-2/64) « Maine » pour des missions de transport de personnels, de transport de troupe, et de transport d’état-major. Malgré l’engagement français en Indochine, les Deux-Ponts de l’Armée de l’Air n’effectuèrent que trois voyages entre leur base d’Orléans et l’Asie du Sud-Est. Toutefois ils furent fréquemment utilisés pour desservir Berlin dans le cadre de la présence française dans l’ex-capitale du Troisième Reich. Lorsque la guerre d’Algérie éclata les trois Br-761S furent employés pour le transport des troupes envoyés sur place, en sus des navires réquisitionnés.
En 1956, l’état-major de l’Armée de l’Air envisagea la commande d’une vingtaine d’une version améliorée Deux-Ponts, désignée Br-765 Sahara, spécialement étudié pour le compte des militaires avec des réservoirs supplémentaire de carburants, des moteurs plus puissants, et une double porte-coquille, à la manière du Noratlas. Le train d’atterrissage avait en outre été renforcé de manière à permettre les posées sur des terrains en herbe. Finalement, l’Armée de l’Air ne passa commande que pour quatre avions qui furent versés à partir de 1958 à l’ET-1/64 « Béarn ». Les Sahara effectuaient principalement des missions de transport de fret, notamment de transport de blindés légers, et de véhicules légers type Jeep ou 2CV.
En 1964, Air France retira du service ses douze Deux-Ponts pour les remplacer par des De Havilland Comet et des Sud-Aviation Caravelle, deux modèles d’avions de ligne à réaction. Air France proposa à la vente huit de ces avions. Six d’entre eux furent acquis par l’Armée de l’Air sous la désignation de Br-763 Provence. Les quatre premiers furent expédiés dans le Pacifique sur la base de Tahiti Faaa pour servir au sein du Groupe Aérien Mixte 82 (ou GAM-82) « Maine », tandis que les deux derniers furent déployés au sein de l’ET-2/64 en renfort des Br-761S.
Les Deux-Ponts, dans leurs trois versions servirent pleinement jusqu’en 1972, date à laquelle il commencèrent à céder la place aux Transall C-160 franco-allemand. Le dernier Deux-Ponts, un Br-765 Sahara, quitta le service en juillet 1974. Toutefois l’un de ces avions servit jusqu’en 1975 comme plastron statique à l’EPNER. Une version de patrouille maritime désignée Br-764 fut envisagée, et même construite à partir du prototype Br-761 mais l’Aéronautique Navale préféra moderniser et remotoriser ses Lockheed P2V Neptune. Le Deux-Ponts fut le dernier avion de transport stratégique gros-porteur utilisé par l’Armée de l’Air avant l’entrée en service du Lockheed C-130H-30.
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