Dans le courant des années 50, l’OTAN émit plusieurs fiches programmes pour des aéronefs militaires, mais les plus célèbres furent sans aucune hésitation possible les NBMR-1 et 2 (NBMR pour NATO Basic Military Requirement) qui concernaient respectivement un chasseur léger et un avion de patrouille maritime. Si la première fiche programme déboucha sur le Fiat G.91 italien, la seconde donna naissance à ce qui allait être un des fleurons de l’industrie aéronautique française, le Breguet Br.1150 Atlantic.
En fait, l’Atlantic fut déclaré vainqueur en 1956 après une âpre compétition entre 24 projets différents représentant neuf pays membres de l’organisation. A cette époque, plusieurs des anciens concurrents s’associèrent autours de Breguet pour assurer un usinage plus efficace du Br.1150 Atlantic. Outre l’avionneur maître d’oeuvre s’associèrent le français Sud-Aviation, les sociétés Fairey, FN Herstal, et SABCA, l’avionneur néerlandais Fokker, et son homologue allemand Dornier. Le motoriste britannique Rolls & Royce fut déclaré responsable de la propulsion, avec l’assistance de son concurrent français SNECMA. Toutes ces sociétés étaient réunies sous la direction de Breguet au sein du consortium SECBAT, pour Société d’Etude et de Construction du Breguet Atlantic. A peine la SECBAT formée que le programme subit un lourd choc, lorsque l’US Navy annonça sa décision de ne pas acquérir l’Atlantic, mais de se tourner vers le Lockheed P-3A Orion nouvellement conçu.
Malgré cela le chantier de l’Atlantic allait bon train et le turbopropulseur Tyne fut sélectionné. Les premiers travaux industriels étaient lancés. Le prototype fut assez rapidement construit. Extérieurement, il se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse bimoteur. Mû par deux turbopropulseurs Rolls & Royce Tyne RTy-20 Mk-20 d’une puissance unitaire de 6 110 chevaux entraînant chacun une hélice quadripale métallique. Ce turbopropulseur était construit sous licence par la SNECMA.
Trois membres d’équipages (pilote, copilote, et navigateur) prenaient place dans un cockpit classique tandis qu’un observateur était installé sous ceux ci dans une bulle vitrée du nez de l’avion. L’équipage de patrouille comptant entre sept et dix membres prenait place dans la carlingue de l’avion. En plus du radar de recherche rétractable Thomson-CSF installé à l’avant de l’avion et du détecteur d’anomalie magnétique installé en pointe arrière sous l’empennage, l’Atlantic disposait d’un radome installé tout en haut de celui-ci et renfermant divers systèmes de repérages air-surface et air-air. Un radar doppler était également installé sous le fuselage de l’avion. Niveau armement l’avion emportait trois tonnes et demie en soute ou sous les ailes, principalement des torpilles, des charges de profondeur, et des mines classiques.
C’est sous cette forme que l’Atlantic vola pour la première fois le 21 octobre 1961 entre les mains du pilote d’essais Bernard Witt et d’un équipage provenant de chez Breguet dont l’ingénieur d’essais René Perineau. Lors de ce vol de 42 minutes l’avion démontra de bonnes qualités notamment à faible vitesse. Par la suite, les vols menés par les équipes du CEV apportèrent la preuve d’une autonomie record de 18 heures. Mais surtout les ingénieurs français firent en sorte d’adapter le Br.1150 au tir de missiles antinavires Nord AS-12, AS-20, et AS-30 pour répondre aux besoins allemands et français, principaux clients de l’avion, avec respectivement vingt et quarante appareils.
C’est en 1965, que ces deux pays touchèrent leurs premiers Atlantic. En France, la Marine Nationale les affecta aux flottilles 21F, 23F, et 24F respectivement basées à Nîmes-Garons pour la première et à Lann-Bihoué pour les deux autres. De son côté, la Marineflieger dota son MFG-3 avec ses Atlantic à Nordholz sur la côte Baltique. Clairement les Breguet Br.1150 représentaient alors une menace pour les submersibles soviétiques. Toutefois seulement quinze Atlantic allemands étaient dédiés à la patrouille maritime, les cinq autres assurant des missions d’espionnage aérien et de guerre électronique notamment le long du corridor de Berlin.
Au début de l’année 1968, l’avionneur italien Aeritalia, alors branche du géant automobile Fiat, rejoignit la SECBAT en tant que sous-traitant. En effet, l’Aeronautica Militare Italiana (AMI) s’était mis en quête d’un nouveau patrouilleur maritime et avait jeté son dévolu sur l’avion français. Un an plus tard, la marine néerlandaise reçut le premier de ses neuf Breguet SP-13A, la désignation locale du Br.1150. Cependant ces avions ne demeurèrent pas longtemps en service, l’Atlantic se traînant une réputation atroce au Pays Bas suite à l’accident de trois exemplaires qui eurent pour résultat le ferraillage de ces avions. Le résultat fut que les autorités hollandaises achetèrent rapidement des P-3C Orion pour remplacer les avions français. En 1985, ils furent revendus à la France qui les remis immédiatement à la Flottille 22F de Nîmes-Garons où ils terminèrent leur carrière.
La commande italienne pour 18 Atlantic prit forme avec la livraison du premier exemplaire de série à l’été 1972. Affectés à l’AMI, ces avions étaient mis en oeuvre par des équipages mixtes d’aviateurs et de marins. Parmi les améliorations, l’Italie avait exigé que Breguet monte sous voilure un pod renfermant un FLIR, c’est à dire une caméra infrarouge à longue portée tous temps. Les Atlantic transalpins appartenaient tous au 88° Gruppo, volant depuis les bases de Catane en Sicile et de Cagliari en Sardaigne.
Mais la commande la plus surprenante vint du Pakistan, un pays qui utilisait déjà l’Orion américain. Sa marine fit l’acquisition de trois appareils, mais faute de temps, ils furent prélevés directement sur les stocks de la Marine Nationale. Dans ce pays ils volaient eux aussi sous équipage mixte marine et force aérienne.
Construit au total à 87 exemplaires le Breguet Br.1150 Atlantic peut s’enorgueillir d’être le seul avion de patrouille maritime de son époque conçu ab-initio comme tel. En effet, le Lockheed P-3 Orion est directement dérivé de l’avion de ligne L-188 Electra, tandis que l’Illyushin Il-38 soviétique vient lui de l’Il-18 également civil. Le Bae Nimrod en service dans la RAF a lui directement été conçu à partir de l’avion de ligne De Havilland Comet.
En 2012, la majorité des Atlantic avaient quitté le service actif, en France ils ont été remplacés par le Dassault Atlantique 2, version modernisée. Tandis que l’Allemagne, l’Italie, et le Pakistan ont acquis des P-3C pour les remplacer. Les Atlantic espions allemands ont eux laissé la place à des drones Eurohawk, directement dérivés du Global Hawk américain.
Avion bien conçu, le Br.1150 Atlantic est souvent considéré comme le premier avion d’arme vraiment européen. Aujourd’hui l’une de ces machines est visible, sous les couleurs de la Marine Nationale, sur le tarmac du Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget. Elle est installée non loin du Lockheed P2V Neptune, l’avion qu’elle était censée remplacer, ce qu’elle fit avec talent.
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