L’histoire de l’aviation est truffée d’aéronefs n’ayant pas dépassé le stade de prototype. Tous les référencer serait sans doute impossible pourtant certains méritent notre attention de par leur originalité ou bien l’histoire mouvementé de leur développement. Quand une machine volante réunit ces deux critères alors là pas de doute il s’agit d’un aéronef marquant. Pour autant certains de ces prototypes sont passablement retombés dans l’oubli. Si vous prenez en compte tous ces facteurs vous arriverez forcément à vous intéresser à l’étonnant Boulton Paul P.92/2 daté du tout début des années 1940.
C’est au printemps 1937 que l’Air Ministry émit à la demande de la Royal Air Force la Specification 11/37. Elle concernait un futur chasseur bimoteur à long rayon d’action doté d’une tourelle dorsale commandée à distance et accueillant quatre canons de calibre 20 millimètres. Le futur avion devait pouvoir atteindre les 35000 pieds et disposer d’une vitesse de croisière de 595 kilomètres heures à 15000 pieds. Autant dire que le cahier des charges était très précis et ô combien ambitieux.
Les avionneurs ne se bousculèrent de ce fait pas aux portillons.
Seuls Boulton Paul et Gloster avancèrent chacun un avant-projet. Le premier était un modèle totalement nouveau connu comme P.92 tandis que le second dérivait de son G.39 développé dans le cadre de la Specification 9/37 émise quelques semaines plus tôt. Ce second avion fut rejeté et peu avant Noël 1938 la Royal Air Force passa commande pour trois prototypes.
Avec les risques grandissants de conflit contre l’Allemagne nazie le marché pour cet avion était évalué à plusieurs centaines d’exemplaires. Depuis son P.82 Defiant l’avionneur Boulton Paul était considéré, à juste titre, comme le grand spécialiste des chasseurs dotés de tourelles.
Alors que les ingénieurs armement de Boulton Paul travaillaient ardemment sur la tourelle télécommandée un accord fut passée avec le motoriste Rolls Royce. Celui-ci s’engageait à fournir des Vulture Mk-II à vingt-quatre cylindres en X d’une puissance unitaire de 1710 chevaux. Cet inhabituel moteur équipait alors le bombardier lourd Avro Manchester.
Les premières études futur P.92 laissaient entrapercevoir un poste de pilotage assez surprenant : biplace côte à côte. La mode était alors, depuis la Première Guerre mondiale, aux cockpits biplaces en tandem.
Quand l’Air Ministry demanda à Boulton Paul d’avoir un avion ayant la possibilité d’emporter une charge de bombes de 150 kilogrammes en soutes l’avionneur décida de lancer la conception d’une maquette un peu particulière.
Avec l’aide du bureau d’études Heston Aircraft Co. les ingénieurs de Boulton Paul et du Royal Aircraft Establishment se lancèrent dans le développement d’une version représentant la moitié du futur avion. Elle reçut la désignation temporaire de Heston JA-8. Non dédié aux essais d’armement cette maquette allait pouvoir être piloté… par une seule personne. Plus le programme du P.92 avançait et plus la Royal Air Force s’impatientait d’obtenir son avion.
En mai 1940 le programme subit un premier revers quand les deuxièmes et troisièmes prototypes d’origine furent annulés. La RAF annonça alors vouloir reprendre en profondeur le programme, eut égard aux enseignements des premiers mois de la Seconde Guerre mondiale. L’avion expérimental Heston JA-8 avançait à grand pas, une motorisation ayant été sélectionnée sous la forme de deux De Havilland Gipsy Major Mk-Ii à quatre cylindres en ligne d’une puissance nominale de 130 chevaux et entraînant chacun une hélice bipale en bois. Ce moteur équipait alors notamment les biplans De Havilland DH.82 Tiger Moth et monoplans Miles M.14 Magister.
En janvier 1941 Heston livra le JA-8 à Boulton Paul qui lui octroya la désignation finale de P.92/2. Il réalisa son premier vol le mois suivant, depuis les installations de Heston Airfield dans la banlieue de Londres.
En fait ni Boulton Paul ni Heston ne se faisaient plus d’illusion. La Bataille de France puis celle d’Angleterre avaient démontré l’inaptitude au combat des avions de chasse à tourelles télécommandés. Blackburn Roc et Boulton Paul Defiant s’étaient littéralement faits découpés par la chasse allemande dotée de Messerschmitt Bf 109 et Bf 110, les Defiant réussissant tout juste à s’en tirer comme chasseurs de nuit. En mars 1941 le programme du P.92 fut abandonné par la Royal Air Force au profit des Bristol Beaufighter et De Havilland Mosquito plus conventionnels. Cela ne tua pourtant pas la maquette volante.
En effet le Boulton Paul P.92/2 vola encore jusqu’en octobre 1944 aussi bien pour les besoins de son constructeur que ceux du Royal Aircraft Establishment. L’Aeroplane & Armament Experimental Establishment employa notamment l’avion en soutien du constructeur Vickers pour le développement de son bombardier stratégique Windsor.
Une fois son service actif terminé cette maquette volante fut envoyée à la ferraille. Ainsi se terminait un programme finalement assez complexe et sans doute totalement inadapté.
Le Boulton Paul P.92/2 ne fut pas la seule maquette pilotée qui exista. L’une des plus fameuses fut l’hydravion Martin Model 162A Tadpole Clipper qui préfigurait au trois huitièmes le futur PBM Mariner. Durant toute sa «carrière» le P.92/2 vola avec la lettre P cerclée, synonyme de prototype dans la RAF de l’époque.
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