L’année 1919 fut pour bon nombre d’avionneurs de la Première Guerre mondiale le début d’une période de disette qui allait se révéler fatale pour certains d’entre eux. Ce fut d’autant plus vrai en Grande Bretagne où vînt se greffer un souci technique majeur : le motoriste ABC Motors ne réussissait pas à développer son Dragonfly à neuf cylindres en étoile. Un moteur sur lequel comptaient plusieurs constructeurs afin de développer des machines innovantes. Parmi celles-ci on retrouvait le bombardier diurne bimoteur Boulton Paul P.7 Bourges demeuré malheureusement à l’état expérimental.
À l’été 1918, prévoyant le futur et alors que la guerre se poursuivait la jeune Royal Air Force demanda au Joint War Air Committee, l’ancêtre du fameux Air Ministry, d’élaborer un cahier des charges en vue du remplacement de l’Airco D.H.10 Amiens. Particularité notable cet avion n’était pas encore en service mais les généraux britanniques craignaient qu’il soit vite surclassé par les chasses allemandes et austro-hongroises. Quatre avionneurs y répondirent immédiatement : Airco avec son D.H.11 Oxford, Boulton Paul et son P.7 Bourges, Graham-White avec son E.IV Ganymede, et enfin Sopwith et son B.3 Cobham. La RAF passa commande d’un prototype à chacun. Pourtant dès le départ elle privilégiait les travaux des deux premiers.
Assez étrangement l’Armistice du 11 novembre 1918 n’enterra pas le programme. La Royal Air Force croyait encore dur comme fer qu’elle aurait besoin de ce bombardier bimoteur en remplacement du D.H.10 Amiens. Malgré cela elle annonça à Graham-White et à Sopwith qu’elle ne donnait pas suite et annulait leurs prototypes respectifs. De leurs côtés le D.H.11 Oxford et le P.7 Bourges pouvaient poursuivre leur développement. Cependant tous les deux avaient fait le choix de l’ABC Dragonfly et en subissaient les conséquences. Le moteur tardait à être prêt. Alors que sur un plan strictement architectural les deux avions étaient en avance sur leur époque ils ne pouvaient pas voler, faute de moteur.
L’ingénieur en chef John North, en charge des travaux chez Boulton Paul, décida de changer son fusil d’épaule. Puisque le P.7 Bourges n’allait pas pouvoir voler avec son moteur ABC Dragonfly de 320 chevaux il fallait trouver une alternative. Chat échaudé craint l’eau froide dit l’adage. Il se tourna donc vers deux autres industriels, Bentley et Napier et leur demanda respectivement leur BR2 rotatif à neuf cylindres en étoile et Napier Lion à douze cylindres en W. De ce fait deux P.7 Bourges supplémentaires furent produits. Ironie de l’Histoire ABC Motors livra les Dragonfly quelques jours seulement avant que ses concurrents en fassent de même. L’avionneur se retrouva donc à l’été 1919 avec trois prototypes du P.7 Bourges avec trois motorisations différentes.
Le Bourges Mk-I était la version à moteur ABC Dragonfly. C’est elle qui vola en premier en juillet 1919. Il fut suivi du Bourges Mk-II à moteur Bentley BR2 et du Bourges Mk-III doté des Napier Lion Mk-IIB. Les essais des trois avions eurent lieu jusqu’à l’été 1920, époque à laquelle la Royal Air Force annula le programme. Finalement elle conserva ses Airco D.H.10 Amiens encore trois ans.
Là où le P.7 Bourges était assemblé en bois et toile de manière très classique pour l’époque l’ingénieur John North décida de construire un quatrième exemplaire en lui donnant une architecture faisant appel massivement au métal. Désigné Boulton Paul P.15 Bolton et répondant à la Specification 4/20 celui-ci n’avait aucun concurrent. Sa victoire semblait donc acquise. Sauf que là encore rien ne se passa comme prévu. D’abord le Bolton n’était pas un bombardier mais un avion de reconnaissance photographique à long rayon d’action. Il avait été pensé afin de permettre de remplir des missions au-dessus des territoires allemands et ex austro-hongrois.
Son rôle était de contrôler leur démilitarisation imposée par le Traité de Versailles. Doté de deux moteurs Napier Lion Mk-IIB de 450 chevaux il réalisa son vol inaugural en novembre 1922. À cette époque le Boulton Paul P.15 Bolton était l’avion militaire disposant de la plus grande part d’éléments en métal, hors motorisation. Sa structure en tubes d’aciers recouverts d’alliages légers et de contreplaqué était révolutionnaire pour l’époque. Pourtant ses performances en vol n’étaient pas à la hauteur des espérances de la RAF. Et là encore ce fut un échec.
Demeurés à l’état de prototypes les Boulton Paul P.7 Bourges et P.15 Bolton ont cependant permis à l’avionneur de se faire remarquer par la Royal Air Force. Les travaux de John North portèrent leurs fruits quelques mois plus tard avec le P.29 Sidestrand puis le P.75 Overstrand. Le succès était désormais au rendez-vous. Il ne reste de nos jours plus rien des P.7 et P.15. Il est à noter qu’un P.8 Atlantic de transport civil fut également développé sur la même série que le Bourges et le Bolton. Lui aussi en resta à l’état expérimental. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.