Entre 1925 et 1940 la Royal Air Force mit en service rien moins que dix-neuf modèles différents de bombardiers légers et moyens. Un nombre qui en dit long sur la doctrine d’emploi de ces avions qui ne privilégiait alors pas la rationalité dans les flottes mais plutôt une hétérogénéité confinant quasiment à l’anarchie. Certaines de ces avions eurent de longues et riches carrières à l’images des biplans Hawker Hart et Vickers Virginia tandis que d’autres, tels les Avro Aldershot et Blackburn Ripon, ne passèrent que trois ou quatre années sous cocarde britannique. La moyenne de durée d’une activité pour un bombardier était alors dans la RAF de sept ans. Et c’est justement le temps que dura le service actif d’un biplan bimoteur jugé globalement très bon mais qui se déprécia bien vite : le Boulton Paul P.29 Sidestrand.
Dès la fin de la Première Guerre mondiale l’avionneur britannique Boulton Paul se lança dans l’étude et le développement de bombardiers moyens bimoteurs. L’idée de son fondateur était de doter la jeune Royal Air Force d’une flotte d’avions capable de frapper les ennemis de la Grande Bretagne et de revenir à leur base. Boulton Paul se heurtait alors principalement à la concurrence de De Havilland et Vickers.
Ses premières créations dans ce genre, le P.7 Bourges de 1919 puis le P.15 Bolton de 1922 furent remarquées mais non commandées en série. Malgré ses revers le constructeur se tailla une bonne réputation dans le domaine des bombardiers moyens.
Cette même année 1922 l’Air Ministry faillit acheter le biplan bimoteur P.25 Bugle mais là encore Boulton Paul échoua à la dernière minute. En fait si ses ingénieurs réussissaient à proposer des avions de qualité c’est la volonté politique qui faisait défaut à Londres. Beaucoup pensaient alors que l’Allemagne, écrasée par le traité de Versailles signé trois ans plus tôt, ne représentait plus de menace. La Belgique, la France, ou encore l’Italie étaient alors des alliés indéfectibles du Royaume-Uni.
Pour autant certains généraux de la RAF ne voulaient par perdre les acquis de la guerre et demandèrent à Boulton Paul de pousser plus avant leurs travaux entrepris sur le P.25 Bugle. Sans la certitude d’une commande à la clef l’entreprise se mettait en péril.
C’est pourquoi la Royal Air Force fit pression pour que l’Air Ministry charge officiellement Boulton Paul du développement d’un tel avion. Ce fut chose faite en 1924 avec la Specification 9/24 relative à un bombardier diurne moyen. Chaque avionneur britannique avait compris que le programme devait favoriser le créateur du P.25 Bugle. Pourtant Westland présenta un avant-projet désigné WT.23 face au P.29 de Boulton Paul.
Et ce qui devait arriver arriva : Westland n’eut même pas l’occasion de lancer les premiers travaux d’assemblage de son prototype que le P.29 était commandé. Le Westland WT.23 disparut pour toujours.
Une fois vainqueur l’avionneur décida de donner au P.29 le patronyme de Sidestrand, du nom d’une petite ville anglaise du comté de Norfolk.
Extérieurement le Boulton Paul P.29 Sidestrand devait beaucoup au P.25 Bugle. Il s’agissait d’un bombardier de construction mixte en tubes de métal, bois entoilé, et contreplaqué. Son architecture était du type biplan doté d’un train d’atterrissage classique fixe. Sa propulsion était assurée par deux moteurs à neuf cylindres en étoile Bristol Jupiter VI de 425 chevaux de puissance unitaire, et entraînant chacun une hélice bipale en bois.
Prévu pour un équipage de quatre personnes le P.29 Sidestrand accueillait son pilote et son copilote dans un cockpit à l’air libre tandis que deux servant de mitrailleuses se trouvaient dans des postes de tirs dans le nez et la partie dorsale de l’avion. Tous étaient à l’air libre. L’armement se composait de trois mitrailleuses mobiles Lewis de calibre 7.7mm montées une par une dans les dits postes de tirs dédiés et la troisième dans une trappe de plancher sous le poste dorsal. Une charge de bombes en soute de 470 kilogrammes venait compléter cet arsenal.
C’est dans cette configuration que l’avion réalisa son premier vol le 10 mars 1926. Une commande officielle fut passée pour dix-huit avions de série.
Aux deux prototypes Sidestrand Mk-I succédèrent douze Sidestrand Mk-II qui entrèrent en service en 1929. L’année suivante Boulton Paul continua le développement de son avion et livra les six avions restant au standard Sidestrand Mk-III. Ceux-ci se distinguaient des premiers par des moteurs plus puissants, des Bristol Jupiter VIIIF de 460 chevaux chacun. De ce fait ces six nouveaux avions gagnèrent en autonomie, d’environ 20%.
Une seule unité de la Royal Air Force vola sur Boulton Paul Sidestrand : le N°101 Squadron basé à RAF Bircham Newton, à quelques kilomètres seulement de… Sidestrand. Au sein de cette unité le nouveau bombardier remplaça le monomoteur Airco D.H.9A conçu au lendemain de la guerre.
Et très vite le Boulton Paul Sidestrand se tailla une excellente réputation auprès des équipages. Ses pilotes lui donnèrent même le surnom de : «aerobatic bomber», le bombardier voltigeur. Cela en disait long sur ses capacités en matière d’agilité.
Il faut dire que pour son époque c’était un avion assez élégant, fin, et au final très aérodynamique.
Dans le même temps qu’il servait son concepteur se lança dans deux sous-versions. Le Sidestrand Mk-IV ne dépassa pas la planche à dessins tandis que le Sidestrand Mk-V était un avion radicalement modifiée. Une tourelle mobile était apparue en lieu et place du poste mitrailleur avant, une idée alors révolutionnaire.
Finalement le Sidestrand Mk-V fut commandé en série, mais sous la désignation d’Overstrand Mk-I. Aux yeux de l’Air Ministry il s’agissait d’un avion nouveau. Afin de garantir des livraisons rapides les quatre Sidestrand Mk-III les plus récents furent transformés au standard de cette nouvelle machine.
Le N°101 Squadron utilisa un temps les deux modèles de bombardier avant finalement de retirer du service le Sidestrand en 1936. L’avion était alors en phase d’obsolescence, malgré ses très bonnes qualités intrinsèques.
Malheureusement pour lui l’avionneur Boulton Paul est aujourd’hui encore trop souvent ramené à son seul chasseur Defiant, un des avions les plus étonnants de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant le Sidestrand démontre bien qu’il a eu une riche carrière industrielle auparavant et a su concevoir des avions de qualité. Mais il en est ainsi, la mémoire collective a parfois des trous.
En 2021 il ne reste plus rien du Boulton Paul Sidestrand.
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