Si elle est aujourd’hui communément considérée comme la plus importante force aéronavale au monde l’US Navy n’a pas toujours eu cette aura. En fait jusqu’à la Seconde Guerre mondiale elle tâtonnait, se cherchant très souvent entre modernité et conservation d’une certaine tradition héritée des premiers aviateurs. Les années 1930 furent donc décisives pour elle car elles permirent de s’affranchir petit à petit des biplans embarqués, que ce soit dans la chasse autant que dans le bombardement en piqué. Fait rare un avion fut proposé à la fois dans les deux catégories, avec malheureusement pour lui un refus catégorique à l’issue. Il s’agissait du méconnu Boeing XBFB.
C’est en 1932 que l’US Navy émit un cahier des charges relatifs à un nouveau chasseur monoplace embarqué capable de remplacer les Boeing F4B-1 et Curtiss F7C-1 alors en dotation. Par contre les F4B-2, F4B-3, et surtout F4B-4 n’étaient pas concerné par cette volonté de changement.
Il n’en demeurait pas moins alors que le contrat devait porter sur quarante-cinq avions d’une nouvelle série, ce qui aiguisa largement les appétits des uns et des autres. Cinq avionneurs répondirent donc présents à l’appel d’offres : Atlantic Aircraft, Berliner-Joyce, Boeing, Grumman, et Loening. Leurs avant-projets réussirent à convaincre les amiraux américains, à l’exception de celui du dernier avionneur. Les ingénieurs de Loening durent donc se contenter d’observer la compétition qui se jouerait sans eux.
Les avions en compétition reçurent les désignations provisoires officielles d’Atlantic Aircraft XFA, de Berliner-Joyce XF2J, de Boeing XF6B, et de Grumman XF3F. Si tous étaient des biplans l’avion de Grumman se différenciait des autres par son train d’atterrissage escamotable en lieu et place du train fixe. Malgré cette avancée technologique indéniable les ingénieurs de chez Boeing croyaient durent comme fer dans leur projet. D’ailleurs à leurs yeux le XFA américano-néerlandais était un bien plus redoutable adversaire que le XF3F qu’ils considéraient comme trop fragile.
Extérieurement le Boeing Model 236, ou XF6B donc, se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure égale de construction quasi entièrement métallique. En effet les deux plans de voilures et les jambes du train d’atterrissage classique fixe faisaient appel à du tissu de couverture. Le XF6B était animé par un moteur à quatorze cylindres en étoile Pratt & Whitney R-1535-44 entraînant une hélice bipale en métal. Afin de gagner en sécurité et en aérodymanique les cylindres étaient protégés par un capotage. Ses deux mitrailleuses synchronisées avaient la particularité d’être installées dans les jambes du train, même si leurs magasins de munitions se situaient dans le fuselage de l’avion.
Ce prototype réalisa son premier vol le 1er février 1933.
Et très rapidement les pilotes d’essais découvrir que si le Boeing XF6B était rapide et plutôt bien pensé, malgré son architecture peu novatrice, c’était surtout un avion difficile à manœuvrer dans les virages. Par contre fait surprenant l’avion était plutôt plus agile que tous ses concurrents dans les manœuvres en piqué, ce qui n’avait alors aucun intérêt pour un chasseur. Sans grande surprise c’est Grumman qui emporta le marché avec son F3F à train rentrant.
On aurait alors pu croire que l’aventure technologique et humaine du Model 236 allait s’arrêter là. Il n’en fut rien.
En effet les très bonnes qualités de l’avion en phase de piqué donnèrent l’idée aux ingénieurs de Boeing de lui greffer une bombe de 227 kilogrammes sous le fuselage. Ainsi armé il fut proposé de nouveau à l’US Navy mais cette fois comme bombardier en piqué embarqué. En fait une telle catégorie d’avions n’existait alors pas dans l’aéronavale américaine et celle-ci hésita quelque peu avant de renouveler les essais du Model 236.
Finalement elle accepta car un autre avionneur, Curtiss, avait développé un chasseur aux remarquables qualités similaires. Désormais plus question de parler de XF6B l’avion était renommé XBFB. Pour le reste hormis sa charge de bombes il n’avait pas changé du tout.
Malheureusement pour lui face à son concurrent le Boeing XBFB ne réussit jamais à démontrer quoi que ce soit. Sa charge externe avait dramatiquement réduit de plus de 50% son rayon d’action. Pire encore le prototype fut partiellement détruit lors d’un essai d’appontage au printemps 1936, arrachant au passage le tout nouveau filet anti crash du porte-avions USS Lexington. L’avion ne fut pas reconstruit et l’idée de sa commercialisation s’arrêta net.
Du fait de cet accident il ne reste de nos jours plus rien du Boeing XBFB. C’est pourtant un avion à part dans l’histoire de son mythique constructeur puisqu’il s’agit de son dernier biplan à vocation militaire. Le XBFB marqua aussi le début d’une période de vache maigre pour Boeing avec l’US Navy, période qui ne prit fin qu’avec l’apparition de l’actuel F/A-18E/F Super Hornet. Autant dire une très longue traversée du désert.
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