La Seconde Guerre mondiale fut l’une des périodes les plus fécondes de l’Histoire en matière de conception et de production aéronautique. Ce fut d’autant plus vrai aux États-Unis, y compris avant l’attaque de Pearl Harbor. Comme dans la totalité des pays engagés dans le conflit les avionneurs américains connurent des ratés à cette époque, des aéronefs qui ne dépassèrent pas le stade expérimental. On en trouva dans toutes les catégories d’appareils militaires, y compris au sein des machines d’entraînement. Une des plus intéressantes est sans doute le Boeing XAT-15 Crewmaker.
Au début de l’année 1941 alors que l’Amérique vivait encore paisiblement ses généraux étaient conscients que tôt ou tard ils entreraient en guerre aux côtés des Britanniques. Anticipant cela ils firent en sorte que l’US Army Air Corps lance un programme visant à se doter d’une flotte d’avions d’entraînement avancé en lien avec le bombardement aérien. Il s’agissait alors aussi bien de former les navigateurs, que les transmetteurs radios, ou encore les servants des tourelles de mitrailleuses. Le cahier des charges était suffisamment large pour intéresser plusieurs constructeurs. Douze avionneurs y répondirent. Cependant seuls cinq avionneurs virent leurs projets retenus : Beechcraft, Boeing, Cessna, Fairchild, et Lockheed. Si Beechcraft, Cessna, et Lockheed proposaient des versions dérivées de machines existant déjà sur le marché civil il en était tout autrement des deux autres.
Chez Boeing c’est le bureau d’étude issu de la société Stearman, rachetée en 1938, qui fut chargé du programme. Celui-ci s’appuya notamment sur les travaux qui avait permis l’assemblage du XA-21, un prototype de bimoteur d’attaque au sol et de bombardement léger qui quelques années auparavant avait échoué à s’imposer face au Douglas A-20 Havoc. Les ingénieurs de l’entreprise étaient convaincus que leur avion n’était pourtant pas raté, il avait juste affronter des machines plus performantes à l’image du Martin 167 Maryland rejeté par les Américains mais commandé par la France. Le programme d’avion d’entraînement avancé reçut chez Stearman la désignation de X-120 Crewmaker.
Extérieurement ce Boeing X-120 Crewmaker se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute bimoteur au fuselage de construction mixte en tubes d’aciers, contreplaqué, et feuilles de métal. La voilure de son côté était en bois et contreplaqué. Il était animé par deux moteurs Pratt & Whitney R-1340-AN-1 Wasp à neuf cylindres en étoile d’une puissance unitaire de 600 chevaux. Il disposait d’un train d’atterrissage classique escamotable. Niveau armement l’avion possédait un total de deux mitrailleuses de calibre 7.62 millimètres, l’une montée dans le nez et l’autre dans la tourelle dorsale. Dix bombes d’entraînement de 45 kilogrammes chacune complétait cet arsenal.
C’est dans cette configuration que le X-120 réalisa son premier vol en mai 1942.
À cette époque l’Amérique était entrée en guerre et les besoins en avions d’entraînement avancé n’avaient plus rien à voir avec l’avant Pearl Harbor. Le X-120, depuis officiellement devenu XAT-15, fut immédiatement commandé à hauteur de 1045 exemplaires. Le patronyme Crewmaker fut conservé et accepté par les militaires. Afin de lui permettre de miser le maximum de ses capacités industrielles sur les bombardiers lourds B-17 Flying Fortress et YB-29 Superfortress, alors ultra secret, la jeune US Army Air Force fit en sorte que seuls les 360 premiers AT-15 Crewmaker soient assemblés dans les usines Boeing. Bellanca et McDonnell devaient assurer le reste de la production.
Malheureusement pour l’avion d’entraînement avancé, qui à l’époque réussissaient tous ses vols d’essais, la production des B-17 connut un net ralentissement. Celui-ci n’avait aucun rapport avec l’AT-15. Mais il n’en fallut pas plus à l’US Department of War pour décider d’annuler la commande des 1045 avions, et ainsi tuer le Crewmaker. Les deux prototypes furent pourtant conservés par l’avionneur qui les employa jusqu’à la fin du conflit comme plastrons volants pour les essais en vol et comme avions d’entraînement avancé pour ses propres employés.
Pour la petite histoire les avions qu’il affronta en 1941 entrèrent dans la légende des airs comme Beechcraft AT-11 Kansan, Cessna AT-17 Bobcat, Fairchild AT-21 Gunner, et Lockheed AT-18 Electra II. Mieux encore l’ironie de l’Histoire voulut que quelques mois après l’abandon du Crewmaker l’US Army Air Force soit obligé de demander à North American d’adapter son bombardier moyen B-25 Mitchell en AT-24.
Retombé dans l’oubli le Boeing XAT-15 Crewmaker n’était pas un mauvais avion d’entraînement. Il eut juste le défaut d’avoir été conçu par un avionneur qui devait fournir en temps de guerre des avions plus importants que lui. Il ne reste de nos jours plus rien des deux prototypes, ferraillés en 1946.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.