Parmi les prototypes restés dans l’histoire aéronautique figurent les avions expérimentaux destinés à tester des situations particulières ou à élaborer des domaines de vols, à l’image du célèbre Bell X-1 de la fin des années 1940. D’autres sont moins connus, mais tout aussi importants, car ils ont été les « perdants » de certains programmes. Parmi eux figure un surprenant monoplace monoréacteur conçu durant les années 1990, le Boeing X-32.
C’est en 1992 que le Pentagone se lança dans deux programmes aéronautiques différents, visant au remplacement de divers avions de combat. Le premier, désigné JAST (pour Joint Advanced Strike Technology) concernait un avion d’attaque de nouvelle génération capable de remplacer aussi bien des avions terrestres qu’embarqués. Étaient concernés les Grumman A-6 Intruder, Vought A-7 Corsair II, et General Dynamics F-111 Aardvark. Ces trois machines, en voie d’obsolescence, avaient participé activement à la récente guerre du Golfe.
Le second programme était appelé CALF (pour Common Affordable Lightweight Fighter) et s’intéressait à un avion de combat léger multirôle là encore apte aussi bien aux opérations à bord d’un porte-avions que depuis le tarmac d’une base aérienne. Il s’agissait cette fois ci de remplacer les Grumman F-14 Tomcat, mais également les premiers exemplaires des General Dynamics F-16 Fighting Falcon.
Pour répondre au programme JAST les ingénieurs de Boeing eurent l’idée de concevoir un étonnant avion aux capacités furtives avérées. Il faut dire que depuis l’entrée en service opérationnel du Lockheed F-117 Nighthawk, au cours des années 1980, la recherche de furtivité était pleinement devenue le leitmotiv des avionneurs américains. Finis les travaux expérimentaux, il fallait désormais concevoir des avions furtifs de série. La réponse de Boeing au programme JAST prit la désignation officielle de X-32.
Assez curieusement un seul candidat se posa en concurrent : McDonnell Douglas. Il proposait une version revue et corrigée de son aile volante furtive avortée, le XA-12 Avenger II. Mais cette proposition ne suscita aucun engouement de la part des généraux américains. Seul le Boeing X-32 fit l’objet d’une commande officielle en décembre 1993. Il faut aussi dire qu’à l’époque le poids politique de Boeing était bien supérieur à celui de son concurrent, d’autant que McDonnell Douglas n’était pas une société fleurissante à l’époque.
Les travaux allaient à un bon rythme quand au second semestre 1995 le programme JAST fut annulé. En fait il ne fut pas supprimé mais fusionna avec le CALF afin de donner naissance au programme JSF (pour Joint Strike Fighter) qui devait donner naissance à un chasseur-bombardier destiné aussi bien à l’US Air Force qu’à l’US Navy et l’US Marines Corps.
Une décision politique et économique qui n’allaient pas du tout dans le sens du Boeing X-32. En effet, si l’avion semblait bien parti pour devenir le futur avion d’attaque des forces américaines, il n’avait pas du tout été conçu pour mener des missions de combat aérien. D’autant que le programme JSF prévoyait qu’une version puisse décoller et atterrir à la verticale, afin de remplacer les McDonnell Douglas AV-8B Harrier II en dotation au sein de l’USMC.
Cependant Boeing décida de ne pas stopper son X-32. Celui-ci était désormais trop avancé pour faire machine arrière et repenser un nouvel avion. Il conserva donc son esthétique plutôt surprenante.
Il faut dire que le Boeing X-32 se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute en delta monoréacteur faisant appel à une construction mixte : alliage de métaux et de matériaux composites. Il possédait un empennage double dérive et une vaste entrée d’air qui n’était pas sans rappeler les avions Vought comme le Crusader.
Le pilote prenait place à bord d’un cockpit monoplace très en avant et doté d’équipement ultramodernes. Le premier vol de ce prototype intervint le 18 septembre 2000.
Face à son concurrent, le Lockheed-Martin X-35, le Boeing X-32 détonnait. Il manquait cruellement de finesse et son esthétique n’était pas des plus académiques. Très tôt les dirigeants américains laissèrent entrevoir une défaite du X-32 au programme JSF, et ce malgré les pressions politiques que faisaient peser les dirigeants de l’avionneur sur les parlementaires américains.
Il fut décidé d’appliquer deux désignations différentes aux deux prototypes prévus. Le X-32A allait donc préfigurer un chasseur polyvalent terrestre et embarqué tandis que le X-32B serait le prototype de la version ADAV.
Les travaux des ingénieurs de Boeing s’étaient néanmoins trouvés facilités en 1997 par l’arrivée de leurs collègues de chez McDonnell Douglas, une société qui avait été rachetée par le géant de Seattle. Néanmoins plusieurs de leurs homologues avaient eux rejoint les rangs de Lockheed-Martin. Le Boeing X-32B faisait appel à la technologie dite de la poussée vectorielle. Les ingénieurs de Boeing purent notamment s’appuyer sur les travaux menés à partir du HARV (pour High Alpha Research Vehicle), un F/A-18A Hornet spécialement modifié pour tester cette technologie et qui vola entre 1987 et 1996 . Le X-32B réalisa son vol inaugural en mars 2001.
Quelques mois plus tard en octobre 2001 le Pentagone rendit son avis : il déclarait vainqueur le Lockheed-Martin X-35, futur F-35 Lightning II. Le programme de développement des deux Boeing X-32 fut donc abandonné. Aujourd’hui ces deux avions sont devenus des pièces de musée. Le X-32A est préservé à l’US Air Force Museum dans l’Ohio, tandis que le X-32B est exposé au Patuxtent River Air Museum dans le Maryland.
Rétrospectivement, on peut clairement se dire que le Boeing X-32 était parfaitement adapté au programme JAST pour lequel il avait quasiment été déclaré vainqueur après l’écartement du XA-12. La faute revient donc aux concepteurs qui eurent la possibilité de transformer leur X-32 en chasseur, mais ne surent jamais le faire. Le résultat consolida la puissance économique de Lockheed-Martin sur le marché de l’aéronautique de défense, et réorienta Boeing vers celui de l’aéronautique civile, sans toutefois que cette société ne tourne le dos aux avions de combat.
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