Au sein des unités de l’US Air Force les avions de reconnaissance météorologique ont toujours tenus une place à part. En effet si les Lockheed WC-130 « chasseurs de tornades » ont fait et font encore très souvent la une des médias du monde entier il en est tout autrement de l’autre grande catégorie d’avions de reconnaissance météo : les appareils de collecte atmosphérique et de prélèvement des échantillons radioactifs, c’est à dire les appareils chargés de surveiller les essais nucléaires. Et dans cette catégorie d’aéronefs il figure une machine très complexe qui demeure un des avions militaires à la plus grande longévité : le Boeing WC-135 Constant Phoenix.
C’est en 1963 que le Department of Defence, ou DoD c’est à dire le ministère américain de la défense, émit le désir de disposer d’un nouvel avion de prélèvement des échantillons radioactif et de suivit actif des explosions nucléaires atmosphériques. En effet à cette époque, mis à part les deux Lockheed WU-2D mis à disposition par la CIA (Central Intelligence Agency, les services de renseignement américains) et transformés par l’avionneur, les unités de reconnaissance météo ne disposaient que de quelques vieux bombardiers Boeing B-50 Superfortress et de trois B-47 Stratojet modifiés à la va-vite.
Le choix se porta assez logiquement sur le Boeing C-135B Stratolifter pour fournir la base de son nouvel appareil.
En premier lieu furent commandés six WC-135B, rapidement rejoints par dix WC-135C qui se différenciaient par l’installation d’un réceptacle de ravitaillement en vol au-dessus du cockpit. Ils entrèrent en service en 1965.
Mis à part quelques antennes et bosses diverses ces avions ne se différenciaient guère de leurs homologues de transport. D’autant que pour noyer le poisson (soviétique bien sûr) les responsables américains apposèrent sur ces avions les marquages du Military Airlift Command, ou MAC, le commandement du transport aérien militaire américain de la Guerre Froide.
Dans les faits leur unité, le 56th WRS (pour Weather Reconnaissance Squadron) dépendait directement du Strategic Air Command, le fameux SAC dont dépendaient également les avions de reconnaissance stratégique et les bombardiers nucléaires.
Commandés à dix exemplaires les Boeing WC-135C reçurent le nom de baptême de Constant Phoenix dans l’arsenal de l’US Air Force.
Ils furent intensivement utilisés durant toute la Guerre Froide pour pister et « récolter » les nuages radioactifs des explosions atomiques soviétiques. En outre les Américains s’intéressaient de près aux essais nucléaires menés par les Français dans le Pacifique.
Les quadriréacteurs de l’US Air Force volaient souvent depuis les bases de l’OTAN en Europe, mais aussi en Libye, ou encore depuis des bases aériennes israéliennes. En effet l’état hébreu était inquiet des risques de prolifération des armes nucléaires par les pays arabes. Toutefois ces détachement ne donnèrent rien, et l’US Air Force sembla les stopper en 1984.
L’année suivante les WC-135C furent transformés en WC-135W avec un équipage de pilotage limité à deux personnes seulement. En fait le cockpit n’avait plus grand chose de celui d’origine, puisqu’il se rapprochait alors de celui du biréacteur de ligne Boeing 767-200. L’équipement des opérateurs fut lui aussi revu, avec notamment de nouveaux ordinateurs plus compacts et rapides que ceux datant des années 1960.
Avions fantomatiques par nature les Boeing WC-135W Constant Phoenix sortirent de l’anonymat au printemps 1986 lorsque le gouvernement américain déploya au grand jour quatre de ces avions pour suivre le nuage radioactif consécutif à l’explosion de la centrale nucléaire soviétique de Tchernobyl. Pendant que les Soviétiques essayaient de prendre des mesures directs au-dessus de l’usine avec leurs hélicoptères Mil Mi-8, les pilotes de l’US Air Force poursuivait le nuage à travers l’Europe et l’Atlantique nord.
La chute du Mur de Berlin, et la fin de l’empire communiste, semblèrent avoir scellé le sort des WC-135 Constant Phoenix, toutefois la volonté d’indépendance nucléaire de certains pays comme la Chine, l’Inde, ou encore le Pakistan donna un second souffle à ces vieux soldats.
Mais c’est surtout la Corée du Nord et ses essais nucléaires de l’automne 2006 qui permirent aux WC-135W de revenir sur le devant de la scène. À partir de bases situées au Japon et dans l’océan indien les avions de reconnaissance météorologique du 56th WRS menèrent leur mission malgré la menace des chasseurs et missiles nord-coréens. Un doux parfum de retour de Guerre Froide en quelques sortes…
En mars 2011 au moins un Boeing WC-135W a été déployé par le Pentagone aux abords de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima afin de détecter d’éventuelles fuites radioactives. Cette installation énergétique avait en effet été la scène d’une catastrophe naturelle sous la forme à la fois d’un séisme et d’un tsunami. L’équipage du quadriréacteur américain a permis d’apporter des réponses claires aux nombreuses interrogations de la communauté internationale sur la question.
Début 2018 il a été annoncé que trois ravitailleurs en vol KC-135R Stratotanker, dotés des réacteurs franco-américains F108-CF-100, allaient être transformés en WC-135R pour entrée en service prévu vers la mi-2020. Ces avions devraient demeurer en service jusqu’à ce que l’US Air Force ne leur trouve un éventuel successeur, pourquoi pas sur base des biréacteurs 767 ou 777. Mais cela ne se fera pas avant 2030 au plus tôt.
Finalement l’aventure des Boeing WC-135 Constant Phoenix ne se terminera pas de sitôt. Ces avions ô combien discrets et méconnus continueront de rendre de fiers services au renseignement américain.
Bien évidemment jamais cet avion n’a été vendu à l’export.
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