La guerre froide permit à l’US Air Force de marquer de son empreinte la recherche aéroportée du renseignement. Si la reconnaissance tactique était souvent la spécialité d’appareils issus de jets de chasse la reconnaissance stratégique réclamant moins de vitesse mais plus d’endurance était celle d’appareils dérivés des avions de lignes et bombardiers. Pour autant c’est bien durant la Seconde Guerre mondiale que cette spécialité fit son apparition à partir de l’été 1943. Le premier, à défaut d’être le plus réussi, de ces aéronefs fut le Boeing F-9 Photo Fortress.
Au début de l’année 1943 l’US Army Air Force comprit qu’elle manquait cruellement de capacité de reconnaissance à longue distance au-dessus des territoires allemands et japonais. L’échec deux ans plus tôt du bimoteur Douglas YF-3, dérivé de l’A-20 Havoc, avait laissé un vide total dans la mission stratégique. Les Lockheed F-5 Lightning ne pouvaient pas le combler étant donné qu’ils étaient réservés aux vols tactiques. Elle avait donc en urgence besoin d’avions de reconnaissance stratégique dignes de ce nom.
Un appel d’offres fut ouvert à la fois aux avionneurs américains mais également britanniques. Boeing, Consolidated, De Havilland, Douglas, Martin, et North American y répondirent. Les avions proposés comme bases de travail furent respectivement le B-17F Flying Fortress, le B-24D Liberator, le D.H.98 Mosquito B Mk-VII, le DC-5, le B-26C Marauder, et le B-25D Mitchell.
Devant l’urgence de la situation l’USAAF passa commande en urgence pour quarante De Havilland D.H.98 Mosquito B Mk-VII adaptés à la reconnaissance sous la désignation F-8. Ils furent assemblés par De Havilland Canada et livré dès le mois d’avril 1943.
Prenant par la suite plus son temps elle décida de fournir un contrat à Consolidated sous la désignation F-7, un à Boeing sous celle de F-9, et enfin un dernier à North American en tant que F-10. Les propositions de Douglas et de Martin furent rejetées.
Pour mener à bien le chantier du F-9 l’avionneur Boeing préleva seize bombardiers B-17F à qui elle installa des caméra K-17B de focales 305 millimètres dans le nez, en lieu et place de la soute à bombes, et la queue de l’avion. Onze autres B-17F reçurent une caméra K-22 de focale 1016 millimètres installée en lieu et place de la caméra de soute à bombes.
Ces vingt-sept premiers avions entrèrent en service en juillet 1943 sous les désignations respectives de Boeing F-9 et F-9A. Ils ne conservaient comme seuls armements que les deux mitrailleuses de calibre 12.7 millimètres tirant en sabords latéraux.
Ils furent les premiers avions de reconnaissance stratégique américains à survoler le Japon, en août 1943, réussissant notamment des images de l’arsenal de Yokosuka. En Europe les F-9A furent employés pour préparer l’invasion de la Belgique et de la France.
Pour autant fin 1943 vingt B-17F et cinq F-9A furent repris par les usines Boeing afin d’être transformés en F-9B. Outre l’abandon de tout armement ils se virent désormais équipés de caméras K-17B1 de focale 610 millimètres en lieu et place des K-17B d’origine. En outre un phare de recherche fut installé sous voilure pour les missions de reconnaissance nocturne.
L’ensemble des Boeing F-9B fut stationné en Angleterre et déployé au-dessus de l’Allemagne et des territoires occupés de Belgique, de France, et des Pays-Bas.
Dans le même temps l’avionneur travaillait sur une version encore plus perfectionnée : le F-9C.
Avec ses trois caméras K-17B2 de focale 305 millimètres, sa K-22 de 1610 millimètres, et ses deux K-22A de 152 millimètres à grande vitesse d’obturation ce nouvel avion était véritablement l’aboutissement du programme F-9. Malheureusement cet avion n’avait déjà plus les faveurs de l’US Army Air Force. De ce fait seuls dix B-17G furent modifiés en F-9C, l’aviation américaine lui préférant le Consolidated F-7B Photo Liberator. Ce dernier était issu du B-24J.
En fait dès le mois d’avril 1944 seuls les Boeing F-9B et F-9C étaient encore autorisés à voler en opérations. Les premiers opéraient en Europe et les seconds dans le Pacifique. Les derniers F-9 et F-9A furent renvoyés aux États-Unis où dotés de doubles commandes ils servirent à la formation des équipages d’avions de reconnaissance stratégique.
Globalement l’ensemble de la production du F-9 était considérée comme trop lente et donc trop vulnérable aux tirs des chasses et DCA ennemis. À tel point même que les deux mitrailleuses de sabords de calibre 12.7 millimètres firent leur retour sur F-9C.
L’apparition en 1945 sur le théâtre d’opérations du Pacifique du Boeing F-13 Superfortress termina de ringardiser la version de reconnaissance du Flying Fortress.
On crut alors que la fin de la Seconde Guerre mondiale allait sonner le glas pour ce type d’avion. Il n’en fut rien, même si la flotte fut globalement réduite.
Les huit Boeing F-9C encore en dotation furent conservés tandis que deux F-9A à doubles commandes et cinq F-9B furent modifiés à ce standard, y compris avec changement de moteurs. Les quinze avions reçurent en octobre 1945 la désignation de FB-17G. C’est à cette époque le patronyme de Photo Fortress fit son apparition. Le rôle de ces avions était alors de réaliser des survols diurnes et nocturnes du Japon vaincu afin de vérifier l’avancée du démantèlement des arsenaux et installations militaires nippones.
Quand en septembre 1947 l’US Air Force remplaça l’US Army Air Force, gagnant ainsi son indépendance, les Boeing FB-17G devinrent des RB-17G. Par la même occasion ils perdirent de nouveau leurs mitrailleuses défensives ; définitivement cette fois !
Dans le même temps ces avions furent repeints en noir et dotés de codes tactiques en rouge foncé. Leur destination était donc évidente : les vols les plus discrets possibles.
Alors stationnés au Japon les Boeing RB-17G Photo Fortress furent employés pour des missions d’espionnage aéroporté. Leurs cibles étaient les bases soviétiques extrême-orientales et les implantations navales chinoises, la guerre froide commençant alors à se dessiner aussi en Asie. Pour autant ils furent là aussi remplacés par les Boeing F-13, entre temps devenus RB-29A. Ils quittèrent l’archipel nippon.
Dès lors qu’ils se posèrent à Clark Field AFB aux Philippines où ils se concentrèrent sur le sud-est asiatique. La France y menait depuis 1946 une guerre de décolonisation très violente, dans ce que l’on appelait alors l’Indochine. Généralement avec l’accord de Paris, parfois aussi sans, les avions espions américains observaient les mouvements de troupes de la résistance locale. Dans le même temps les RB-17G étaient engagés pour suivre les évolutions des troupes communistes en Corée où une guerre venait d’éclater, à laquelle l’Amérique prenait part. En mars 1952 d’ailleurs un de ces quadrimoteurs de reconnaissance fut abattu par un chasseur ennemi, un Mikoyan-Gurevich MiG-15 Fagot. L’ensemble de l’équipage fut tué sur le coup.
En septembre 1957 les Boeing RB-17G Photo Fortress étaient les derniers dérivés du B-17 encore en service dans l’US Air Force. Ils furent rapatriés aux États-Unis où on décida que leur fin d’activité était proche. Pour autant deux furent encore stationnés hors du pays, à Howard AFB au plus près du très stratégique canal de Panama. Ils y restèrent jusqu’en décembre 1958, date à laquelle l’avion quitta définitivement le service actif.
Officiellement aucun avion ne le remplaça mais dans la réalité des opérations ce fut le rôle du biréacteur Douglas RB-66B Destroyer.
Avion souvent considéré par les historiens comme conçu à la va-vite, dans l’urgence de la Seconde Guerre mondiale, le Boeing F-9 Photo Fortress connut pourtant une carrière au final assez longue. Les F-9/RB-17 sont parfois confondus avec les Boeing PB-1W de l’US Navy, c’est une erreur ces derniers étant en fait des AWACS et non des avions de reconnaissance stratégique.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.