Boeing E-7 Wedgetail

L’acronyme AWACS, pour Airborne Warning And Control System, désigne des avions porteurs d’un radar destiné à voir le plus loin possible et ainsi à assurer un contrôle avancé d’un espace aérien. Si plusieurs avionneurs se sont essayés, parfois avec succès, à la conception de tels aéronefs le spécialiste incontesté est bien Boeing. Le géant américain a en effet posé les premières bases du genre avec son PB-1W issu du bombardier B-17 Flying Fortress puis dans les années 1970 avec son remarquable E-3 Sentry conçu à partir de l’avion de transport de personnels  C-137 Stratoliner. Soucieux de ne pas se faire déborder par d’autres constructeurs Boeing a toujours su s’adapter aux demandes de ses clients jusqu’à se lancer à la toute fin du 20e siècle dans le développement d’un avion de nouvelle génération dont le succès a mis un certain temps à apparaitre : l’E-7 Wedgetail.

Une fois n’est pas coutume ce n’est pas l’US Air Force qui est à l’origine de cet avion mais la Royal Australian Air Force. À la fin de l’année 1997 Canberra fit savoir à Boeing qu’elle cherchait à acquérir un AWACS d’un nouveau genre, plus moderne que les E-3 Sentry alors en dotation aux États-Unis, en France, ou encore au Royaume-Uni. Les décideurs de l’avionneur américain proposèrent alors à la RAAF l’E-767 dont le développement avait été lancé quelques temps auparavant à la demande du Japon. L’Australie refusa. En fait depuis un an avant la demande officielle la RAAF avait une idée précise de ce qu’elle voulait, elle l’avait publié dans un livre blanc appelé projet Wedgetail. Celui-ci s’articulait autour d’un avion bien plus petit que le Boeing 767 des Japonais. Les Australiens voulaient le Boeing 737.

Il faut préciser que dans un premier temps l’idée de transformer un monocouloir biréacteur en AWACS semblait au mieux ridicule pour les ingénieurs de Boeing. Pourtant ils relevèrent le défi. L’étroitesse du fuselage interdisait ici l’usage d’un radar à rotodôme circulaire comme sur les E-3 Sentry et E-767. Boeing retint le radar à antenne active MESA développé par Northrop Grumman et fonctionnant en bande L. Assez logiquement pour l’époque c’est un 737 Next Generation qui fut retenu comme base de travail, en l’objet un 737-700. Celui-ci avait déjà, en cette année 2000, été acquis pour une version militaire dérivée par l’US Navy. Il était à la base du C-40 Clipper de soutien logistique. Outre le radar MESA installé dans sa baignoire au-dessus du fuselage de l’avion fut doté d’un équipement de communication à haute et très haute fréquence incluant des liaisons 11 et 16.
En décembre 2000 la Royal Australian Air Force passa officiellement commande pour quatre exemplaires de celui qui venait d’être désigné officiellement Boeing 737 AEW&C. Une option fut posée pour deux exemplaires supplémentaires. Les premiers exemplaires furent livrés en novembre 2009 et les cinquièmes et sixièmes, représentant la transformation ferme de l’option, en juin 2012. En novembre de la même année ils étaient déclarés opérationnels.

À peine l’encre était t-elle sèche sur le contrat australien que Boeing reçut une autre proposition pour son 737AEW&C. La Turquie, dans le cadre de son programme Peace Eagle, passa elle aussi commande pour quatre exemplaires. La Türk Hava Kuvvetleri exigea cependant que les avions intègrent des technologies locales ainsi que des équipements d’origine israélienne. Dans ce pays asiatique membre de l’OTAN l’avion reçut la désignation d’E-7T Peace Eagle. C’est en décembre 2015 que les nouveaux AWACS turcs furent officiellement déclarés opérationnels.

Si auprès de ces deux forces aériennes le Boeing 737AEW&C n’eut jamais à affronter la moindre concurrence il en fut autrement auprès de la Republic Of Korea Air Force. Pour la première fois ce biréacteur participait à une compétition. Il se retrouva face à face avec le Gulfstream G550CAEW et son radar israélien. Et il la gagna à l’été 2006 ouvrant la voie à la commande de quatre exemplaires qui furent livrés entre 2011 et 2012 pour une entrée en service opérationnel au même moment que les avions turcs. Ils sont localement désignés E-7K Peace Eye.

Comprenant la force que pouvait représenter son 737AEW&C l’avionneur Boeing a pris sur lui de baptiser son avion E-7 Wedgetail, mélangeant ainsi les désignations australiennes et turques. Désormais le 737-700ER remplaçait le 737-700 d’origine. Quelques mois plus tard à l’automne 2018 la Royal Air Force a annoncé son intention de commander l’avion comme successeur naturel de ses Boeing E-3D Sentry désormais dépassés. Plusieurs hauts responsables britanniques firent savoir que le choix de ce dérivé militaire du Boeing 737 était un pis-aller, du fait de l’absence d’Airbus sur ce créneau. Le contrat fut signé en mars 2019 et le premier avion présenté officiellement en octobre 2024. La RAF appelle cet avion Boeing Wedgetail AEW.1.

Avion adapté aux besoins des pays de l’alliance Atlantique le Boeing E-7 Wedgetail a été choisi en novembre 2023 afin de remplacer les plus vieux des E-3A Sentry appartenant justement à l’OTAN. Ils lui seront livrés à partir de 2031. Pour autant le plus gros contrat en cours concerne l’US Air Force qui a elle aussi choisi cet avion afin de remplacer ses E-3 Sentry. Le plan du Pentagone prévoit d’acquérir vingt-six E-7A Wedgetail à livrer entre 2030 et 2037.

Fin 2024 le carnet de commande de Boeing pour son E-7 Wedgetail était donc bel et bien garni et l’avenir de l’avion garanti. Pour autant un doute subsistait : l’arrêt de la production du 737-700ER allait obliger à l’adaptation de l’avion vers le 737 Max 7, un avion qui avait subi de plein fouet un des scandales les plus retentissants de l’histoire de l’aviation. Les clients potentiels allaient t-ils l’accepter ? Et à cette période ils s’appelaient Aviation Royale Canadienne, Força Aérea Brasileira, ou encore Royal Saudi Air Force.