Lorsque les grandes puissances militaires contemporaines comme la France, le Royaume-Uni, ou encore la Russie achètent du matériel de défense et à fortiori des aéronefs ils le font en passant commande de matériels neufs. Il s’agit d’ailleurs généralement du nec plus ultra du moment. Pourtant dans un cas resté célèbre les États-Unis firent autrement, préférant acheter des avions d’occasion à l’époque de leur achat déjà surpassés par d’autres appareils plus récents. Ces avions ayant servi une vingtaine d’années dans l’US Air Force sont appelés Boeing C-22.
En fait tout est partie d’une volonté de l’US Southern Command, aussi connu comme USSOUTHCOM, qui en 1982 réclama à l’US Air Force un avion de transport de personnels et de soutien logistique capable d’opérer sur l’ensemble de sa zone d’action : l’Amérique centrale, l’Amérique du sud, et la zone caribéenne. Pour mémoire ce grand commandement américain crée en 1947 chapeaute toutes les actions militaires dans la région et a donc sous ses ordres aussi bien des éléments de l’US Army, de l’US Air Force, de l’US Navy, que de l’US Marines Corps, voire même de l’US Coast Guard et d’agences fédérales américaines. C’est notamment l’US Southern Command qui en ce début des années 1980 coordonnait la lutte contre les trafiquants de cocaïne.
Seulement voilà le cahier des charges de l’USSOUTHCOM prévoyait que l’avion ne porte ni une livrée militaire classique ni celle des avion de transport officielle que l’on retrouve par exemple sur les deux Boeing VC-25A. En outre son chef d’état-major avait personnellement exigé que l’appareil en question soit un avion de ligne et non un Lockheed C-130 Hercules. Il s’agissait de permettre à ce futur avion de transport d’opérer sur des plateformes aéroportuaires classiques sans risquer de froisser diplomatiquement les pays en question.
À l’état-major de l’US Air Force on envisagea plusieurs scenarii possibles et l’un des plus raisonnables était l’acquisition d’un McDonnell Douglas MD-82, un avion de ligne court moyen-courrier de nouvelle génération dérivé du Douglas DC-9. Dans le même temps des membres du groupe de travail soumirent une proposition différente et assez originale : acheter d’occasion un avion de ligne beaucoup moins cher qu’un MD-82 neuf.
En fait ces experts avaient déjà en ligne de mire l’avion idéal. Il s’agissait d’un triréacteur Boeing 727-030 appartenant alors à la Federal Aviation Agency et volant sous l’immatriculation civile N78. L’avion originellement livré à la compagnie ouest-allemande Lufthansa avait été reconditionnée en 1976 lors de son achat par l’aviation civile américaine. Depuis il assurait des missions très similaires à celles demandées par l’US Souther Command.
Seul hic dans cette histoire l’US Air Force n’avait pas l’habitude d’acheter des avions d’occasion. Pour autant le contrat fut signé entre la FAA et le Pentagone en mai 1983. L’avion reçut la désignation officielle de Boeing C-22A. Il fut remis à l’US Air Force et plus particulièrement au 24th Composite Wing stationné à Howard AFB dans la zone du canal de Panama.
Mais le groupe de travail à l’origine de son acquisition ne fut pas immédiatement dissous car le concept de racheter d’occasion des Boeing 727 avaient fait son petit bonhomme de chemin dans la tête des généraux américains. D’autant qu’à l’époque une autre unité de l’US Air Force réclamait un avion similaire : le 201st Airlift Squadron. Stationné à Andrews AFB celle-ci n’avait pas pour mission le soutien aux vols présidentiels ou encore aux très hautes autorités de l’état américain mais à celui des administrations fédérales. Par ailleurs le 201st AS assuraient également des transports au profit des inspecteurs de l’aviation civile opérant sur les bases américaines. Et en cette été 1983 elle ne possédait en tout et pour tout qu’un Boeing CT-43A Gator et trois North Americain CT-39A Sabreliner. Il lui manquait au moins huit à dix avions pour remédier à cela. Or à cette même époque la compagnie aérienne américaine PanAm cherchait à revendre les Boeing 727-035 qu’elle avait hérité en 1980 de feue la compagnie National Airlines. Ces avions étaient littéralement alors bradés et l’US Air Force décida d’en acheter quatre auxquels elle attribua la désignation de Boeing C-22B.
En fait le commun des mortels aux États-Unis ignorait tout de ces avions. Le Pentagone ne communiquait pas dessus et les Boeing C-22 réalisaient surtout des missions logistiques hors des zones de combat. Surtout le seul C-22A avait tendance à réaliser des missions classés top-secrètes notamment dans le cas de la lutte contre les narco-trafiquants ou quand il volait pour le compte de la CIA. Les C-22B de leur côté réalisaient surtout des vols intérieurs, ou bien ne dépassant pas le Canada. Et la presse spécialisée se désintéressait grandement de ces machines de servitude.
En 1985 le 99th Airlift Squadron lui aussi stationné à Andrews AFB demanda à disposer d’un Boeing 727 mais en précisant qu’il désirait une version mixte passagers et fret sur palettes et non juste passagers comme les C-22A/B. La situation se tendait pour l’US Air Force, le groupe de travail à l’origine de ces avions ayant été dissous quelques semaines auparavant. Mais en prospectant le marché des avions d’occasion, le 727 n’était alors plus en production depuis un an, des experts américains découvrirent un 727-200 qui devait pouvoir convenir. Il était mis en vente par Singapore Airlines pour un prix très compétitif et serait ensuite transformés dans des ateliers de l’US Air Force. Racheté à l’été 1985 il entra en service en décembre de la même année sous la désignation de Boeing C-22C.
Quelques semaines plus tard, en février 1986 le Pentagone annonça qu’il mettait fin au programme d’achat de Boeing 727 d’occasions. En fait il s’agissait surtout d’en finir avec un casse-tête administratif sans précédent.
Et le moins qu’on puisse dire c’est que ce Boeing C-22C a connu une carrière chaotique. D’abord apparu dans une livrée classique blanche rehaussée des marquages militaires il adopta en 1991 celle à dominante bleue des avions de transport de hautes personnalités. Pourtant il ne servit jamais à transporter le moindre secrétaire américain (l’équivalent de nos ministres français) ni même de hautes autorités militaires et civiles. En fait il remplissait des missions logistiques mais sous une livrée assez classe.
Sans jamais recevoir de patronyme les Boeing C-22 servirent dans l’US Air Force jusqu’au début du vingt-et-unième siècle. Ils ont globalement laissé la place aux Boeing C-40C Clipper sauf dans le cas du C-22C qui fut remplacé par un Gulfstream C-37A… inapte au transport de fret. Aujourd’hui ces avions sont quasiment retombés dans l’oubli général alors qu’ils ont su durant une vingtaine d’années servir sans faille les forces américaines.
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