S’il est un domaine dans l’aéronautique militaire où les Américains ont indéniablement marqué de leur empreinte l’histoire c’est bien celui des avions furtifs. L’industrie des États-Unis a réussi au cours des années à prendre le pas sur tous ses concurrents, qu’ils soient chinois, européens, ou encore russes. Si la majorité des programmes débouchèrent sur des avions construits en série, il ne faut pas non plus oublier les démonstrateurs qui permirent des avancées scientifiques et technologiques indéniables. Parmi ceux-ci un des plus célèbres et paradoxalement des plus mystérieux demeure le surprenant Boeing Bird of Prey.
Tout commença en 1992, quand l’ultra-confidentiel bureau d’étude des Phantom Works, dépendant alors de l’avionneur McDonnell-Douglas se mit à travailler sur un démonstrateur technologique permettant d’étudier le domaine de vol des avions furtifs sans empennage vertical. Jusque-là l’expérience de McDonnell Douglas se limitait à une sous-traitance importante dans le cadre du projet du Northrop YF-23, le concurrent malheureux du Lockheed-Martin F-22 Raptor. Le constructeur espérait bien rattraper son retard sur les autres avionneurs américains.
Dès la fin 1992, les ingénieurs des Phantom Works présentèrent un avant-projet aux généraux de l’US Air Force qui accordèrent à l’avion un contrat de développement de (seulement) 67 millions de dollars. Mais surtout ils décidèrent de ne pas faire entrer la machine dans la catégorie des avions X. Du coup, les ingénieurs durent lui trouver un patronyme. Finalement aux vues de ses formes générales ses concepteurs décidèrent le nommer Bird of Prey (Oiseau de proie) en référence au vaisseau spatial klingon de la série télé Star Trek.
Dès lors le McDonnell Douglas Bird of Prey devint une priorité pour les femmes et les hommes du Phantom Works. Cependant, celui-ci était également frappé du plus haut niveau de confidentialité pour un programme aéronautique aux États-Unis. En effet, même si l’Union Soviétique ne représentait plus aucune menace certains de ses espions (désormais russes) continuaient de travailler sur le territoire américain.
Une difficulté cependant existait pour l’avionneur : la faiblesse du budget alloué par le Pentagone interdisait aux ingénieurs de travailler sur des pièces conçues spécialement pour le Bird of Prey. Ils devaient donc en prendre ça et là sur des machines existant déjà. Le propulseur du démonstrateur technologique par exemple était un réacteur Pratt & Whitney Canada JT15D-5C d’une poussée de 1447 kg issu des stocks de pièces de rechange d’un Cessna UC-35B de l’US Army. Le train d’atterrissage avait lui été prélevé sur celui d’un Beechcraft C-12D Huron de l’US Air Force tandis qu’une partie du cockpit était dérivée de celui du jet d’attaque et d’appui rapproché Douglas A-4M Skyhawk. Pour le reste, le Bird of Prey faisait appel à des pièces et équipements usinés spécialement pour lui.
Extérieurement, le prototype se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse en flèche ne disposant d’aucun empennage vertical. En fait sa voilure assurait cette fonction en plus de celle (plus normale) de portance. L’entrée d’air de son réacteur se trouvait sur l’extrados de fuselage tandis que la sortie était réduite au maximum. Bien entendu l’avion disposait d’un système de rétractation de son train d’atterrissage. Le pilote prenait place sur un siège non éjectable et disposait d’un cockpit réduit à sa plus stricte nécessité. Aucun équipement superflu ne se trouvait à bord, le Bird of Prey n’avait jamais été conçu autrement que comme un pur démonstrateur technologique sans aucune chance d’être un jour produit en série pour une quelconque mission. C’est dans cette configuration que ce petit avion vola pour la première fois en septembre 1996.
En fait, on en sait encore assez peu sur sa campagne d’essais en vol qui débuta l’année suivante au sein des installations de la très secrète zone 51, la base d’essais la plus confidentielle du Pentagone, sise dans l’état du Nevada. Durant cette période le constructeur McDonnell Douglas fut racheté par le géant Boeing. Les Phantom Works passèrent de facto sous le contrôle de l’avionneur de Seattle ainsi que le programme Bird of Prey. Finalement les essais cessèrent, à la grande satisfaction des deux pilotes en charge. Rudi Haug, pilote maison, et son collègue de l’US Air Force Douglas Benjamin menèrent des essais difficiles où ils poussèrent souvent le démonstrateur technologique dans ses dernières limites… très vite atteintes. Il semble bien que l’avion était lent, peu maniable, et peinait à monter à une altitude de croisière décente. D’autant que son cockpit n’était pas pressurisé.
Finalement, Boeing et le Pentagone stoppèrent le programme d’essais après le 38ème vol du Bird of Prey. Néanmoins il ne fut pas immédiatement révélé au grand public ! Les passionnés d’aviation durent attendre octobre 2002 et son entrée dans les collections de l’US Air Force Museum pour enfin découvrir l’étonnant avion. Dès lors, il devint la source de tous les fantasmes aéronautiques, dont certains relevaient exclusivement de la science-fiction et surtout pas de l’évolution technologique.
En fait le Bird of Prey n’est pas le premier avion de démonstration technologique important à ne pas être désigné par un code en X. Avant lui, les Lockheed Have Blue et Northrop Tacit Blue connurent le même sort. Et il semble bien que le petit monoréacteur ait rendu autant de services à McDonnell Douglas puis Boeing que ses prédécesseurs, notamment dans le cas du développement de programmes de drones furtifs comme le X-45.
Il est à noter que certaines sources (bibliographiques et web) le désignent en tant que Boeing YF-118G sans que cela ne soit vraiment crédible. Cette désignation n’existe absolument pas dans la nomenclature du Pentagone.
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