Le nom d’André Herbemont est intimement lié à l’histoire de l’aviation française entre la fin de la Première Guerre mondiale et l’entre-deux-guerres. Cet ingénieur de génie a travaillé auprès de Louis Béchereau sur les derniers chasseurs SPAD avant de lui succéder chez Blériot-SPAD. Pour ce constructeur il sut concevoir quelques uns des chasseurs français les plus marquants, du S.20 au S.510 en passant par le S.81. Ses principes étaient de toujours s’inspirer des réalisations précédentes tout en y ajoutant à chaque fois une touche de modernité. Cela ne garantissait pas forcément des bonds technologiques en avant mais une perpétuelle progression. L’un des exemples les plus intéressants dans ce sens fut le biplace école Blériot-SPAD S.34.
La signature de l’Armistice le 11 novembre 1918 laissa une Europe à feu et à sang. Le continent était ravagé. Tout était à reconstruire. Tout, sauf les industries d’armement. L’aéronautique en faisait alors partie, l’aviation civile n’étant alors que balbutiante. Bien évidemment les crédits alloués aux matériels de guerre fondirent alors comme neige au soleil. L’année 1919 marqua le début d’une période de vache maigre pour les jeunes forces aériennes, y compris pour l’Aéronautique Militaire.
Pourtant comme les autres elle avait besoin de sang neuf, de jeunes pilotes à même de défendre les intérêts du pays dans le ciel, et notamment dans l’immense empire colonial français. Pour cela il fallait former les aviateurs en question. Sauf que dans l’Aéronautique Militaire, comme d’ailleurs dans la Regia Aeronautica ou encore dans la Royal Air Force, l’entraînement primaire et intermédiaire reposait encore quasi exclusivement sur des biplans de bombardement ou de reconnaissance conçus entre 1914 et 1915 et transformés à la va-vite. De tels avions, à l’images des Caudron G.III et Farman MF-11, ne permettaient plus de former les pilotes. Il fallait de nouveaux avions écoles. Une fiche programme réussit à l’automne 1919 à être rédigée en ce sens et à être envoyé à tous les constructeurs d’avions français.
Plusieurs d’entre eux envoyèrent au ministère de la Guerre des avant-projets, un seul fut retenu. Il s’agissait du Blériot-SPAD S.34 pensé par André Herbemont. Dès le départ son architecture assez audacieuse intéressa les officiers supérieurs français. L’avion reprenait trait pour trait les codes de la chasse de l’époque mais y ajoutant un poste de pilotage biplace côte à côte. Ce dernier ne détonnait pas à l’époque, le cockpit en tandem ne s’étant pas encore imposé ! Sachant les crédits limités l’ingénieur français avait pris soin d’avoir recours au maximum d’éléments existant déjà. Ainsi le moteur rotatif Le Rhône 9C qui équipa durant la guerre des avions aussi différents que le Nieuport XI ou le Royal Aircraft Factory F.E.8 fut choisi. Il n’était pas onéreux et disponible immédiatement car construit en grande série.
Afin de se donner le plus de chances possibles Herbemont avait ainsi repris des éléments issu aussi bien du récent chasseur Blériot-SPAD S.20 que du chasseur plus ancien SPAD S.XIII. Et le résultat bluffa les généraux français présents lors de son vol inaugural survenu le 16 juillet 1920. Le Blériot-SPAD S.34 fut immédiatement commandé à 125 exemplaires et affecté dès le mois de novembre dans les écoles de pilotages de l’Aéronautique Militaire. Les instructeurs virent immédiatement la différence avec les machines précédentes. Ils pouvaient bénéficier d’un avion école aux capacités très proches de celles d’un avion de chasse notamment en terme de vitesse pure ou encore de voltige aérienne.
La Marine Nationale se fit développer sa propre version appelée S.34 Bis et mue par un Clerget 9B à neuf cylindres rotatifs en étoile. Ils furent les premiers avions de formation à voler au sein de la jeune aéronavale française, de 1921 à 1932. Les six exemplaires furent largement appréciés dans le ciel varois où ils opéraient à l’année. Les instructeurs formaient avec eux aussi bien les futurs pilotes de l’aviation embarqué (à bord du porte-avions Béarn) que ceux de patrouille maritime qui œuvraient alors sur hydravions à coques. Pour autant le S.34 Bis ne fut jamais navalisé !
L’année suivante Blériot-SPAD exposa à Paris, au Grand Palais, son S.34 dans l’espoir de le vendre à l’export. Et cela marcha. Quatre pays approchèrent l’avionneur français et lui commandèrent des avions d’entraînement. Le plus important fut l’Argentine avec six exemplaires tandis que l’Autriche et la Finlande en achetèrent chacun deux et la Bolivie un seul. Tous furent livrés avant fin 1921. Dans le même temps le constructeur obtint du ministère de la Guerre de pouvoir proposer son avion sur le marché civil. Et là encore il reçut un avis favorable puisque trois écoles de pilotage, deux en France et une en Grande Bretagne, achetèrent le S.34 pour un total de vingt-trois machines.
Si au sein de l’Aéronautique Militaire française et du Grupo 1 de Aviación argentin le Blériot-SPAD S.34 fut grandement apprécié en raison de ses facilités de prise en main il en fut tout autrement en Finlande. En fait le biplan français n’avait pas été pensé pour les rigueurs scandinaves et de ce fait il souffrait de fréquentes pannes qui conduisirent l’Ilmavoimat à se séparer de ses exemplaires en 1925, après seulement quatre ans d’exploitation. L’Autriche lui emboita le pas à Noël 1927. Cette seconde décision résultait de la perte spectaculaire d’un des deux exemplaires lors d’une démonstration publique le septembre 1927 à Vienne. Le pilote instructeur, seul à bord, perdit le contrôle de son appareil et s’écrasa devant des spectateurs médusés. Il fut tué sur le coup.
En parallèle le Blériot-SPAD S.34 demeura le principal avion école français, d’abord de début puis intermédiaire, durant toutes les années 1920. Rejoint en 1925 par une nouvelle génération d’avions il demeura en service actif jusqu’en 1936, volant donc aussi sous les couleurs de l’Armée de l’Air née deux ans plus tôt. Sous la cocarde tricolore française le S.34 ne connut finalement que peu d’accidents, pas plus de six ayant entraînés des blessures ou alors la mort de tout ou partie de ses équipages. Pour l’époque c’était un bon ratio.
Premier véritable avion d’entraînement militaire français conçu dans ce but le Blériot-SPAD S.34 a souffert des mêmes maux que les autres appareils écoles qui lui succédèrent : il ne fut jamais en haut de l’affiche. Il peut pourtant être considéré comme le précurseur de machines de légende comme le Nord N.3202 Master ou le SOCATA TB.30 Epsilon. Aucun exemplaire n’a été préservé et n’est donc parvenu jusqu’à nous de ce biplan école pourtant si important pour l’histoire aéronautique française.
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