Pour la plus part des béotiens et néophytes en aéronautique l’évocation des avions expérimentaux ramène à des machines fines, élancées, et racées à l’image d’un Bell X-2, d’un Bristol 188, ou encore d’un Dassault MD.550 Mystère Delta. C’est vrai et faux à la fois. Car certains aéronefs n’ont pas dépassé le stade expérimental en grande partie parce qu’ils ne répondaient pas aux attentes aérodynamiques. Voyez par exemple le LACAB GR.8 Doryphore belge. En France les avionneurs ont également dans ce domaine quelques squelettes dans le placard dont l’un des plus fameux fut conçu comme avion de ligne à la toute fin des années 1920 et fort heureusement jamais construit en série : le Blériot 125.
L’essor de l’aviation commerciale dans les années 1920 conduisit bien souvent les constructeurs à se lancer tous azimuts dans des programmes parfois délirants. Celui initié en 1928 par les bureaux d’études de Blériot est de ceux-ci. Ils visaient à développer un avion de lignes régulières pouvant accueillir entre dix et douze passagers sur une distance franchissable de 1000 kilomètres. Les canons esthétiques de l’aviation civile n’étant alors pas encore pleinement établis chacun pouvait faire un peu ce qu’il voulait. Au risque que cela tourne au grand n’importe quoi.
Or les designers et ingénieurs de Blériot sous l’autorité de l’ingénieur-chef Léon Kirste semblèrent particulièrement inspirés quand ils développèrent ce Blériot 125. Construit en bois et contreplaqué l’avion se présentait sous la forme d’un bimoteur push-pull. Cela signifie que l’un des moteurs était tractif et l’autre propulsif avec ainsi deux hélices tripales, l’une classiquement placée à l’avant et l’autre à l’arrière de l’aéronef. Les deux membres d’équipage prenaient place côte à côte dans un poste de pilotage installé entre les deux moteurs en ligne Hispano-Suiza 12HBr.
Les passagers quant à eux étaient installées dans deux fuselages distincts de part et d’autres de l’ensemble moteurs-cockpit et indépendants l’un de l’autre. Chaque fuselage accueillait entre cinq et six passagers dans de luxueux fauteuils en cuir. Les fuselages accueillaient également le train d’atterrissage fixe semi encastré. Le Blériot 125 possédait en outre un empennage double dérive et des haubans renforçant la structure entre les deux fuselages et le groupe moteurs-cockpit.
C’est au Grand Palais à Paris en 1930 que les Français découvrirent cet étrange Blériot 125. Les journalistes et les curieux furent surpris par son architecture inhabituelle. Comprenant que l’avion n’était pas mu par un moteur en étoile comme le laissait supposé les premières impressions un correspondant de presse américain qualifia le bimoteur français de «Flying Joke», la blague volante. Et pourtant ce prototype n’avait toujours pas volé.
Son premier vol n’intervint que le 9 mars 1931 dans des conditions assez chaotiques. En plein vol le moteur arrière cala et l’équipage ne réussit à le relancer qu’à l’approche du sol. Pour y remédier on changea notamment les hélices, passant de trois à quatre pales. Quelques jours plus tard le Blériot 125 reçut l’immatriculation civile provisoire F-ALZD. Pour autant les autorités du Ministère de l’Air continuèrent d’attribuer au push-pull français sa certification de type. Faute de ce sésame la carrière de l’avion de ligne ne put jamais avoir lieu. Au début de l’année 1933 Blériot proposa son avion aux militaires qui ne le testèrent même pas et le rejetèrent directement.
En février 1934 l’avion fut envoyé à la casse.
Près de 90 ans après son premier vol le Blériot 125 demeure un avion qui surprend. D’abord de par son esthétique mais également par le choix du push-pull qui n’était pas particulièrement répandu à cette époque. Cette technologie donnera pourtant naissance à des avions particulièrement réussis comme le chasseur allemand Dornier Do 335 ou encore l’avion d’observation américain Cessna O-2 Skymaster. Deux modèles qui à la différence du Blériot 125 dépassèrent largement le stade expérimental.
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