L’histoire de l’aviation est jalonnée de machines volantes qui pour bien des raisons ne connurent pas le succès escompté voire pas le moindre succès. Dans ce dernier cas il s’agissait souvent d’aéronefs ne réussissant pas à convaincre leurs potentiels clients de leurs réussites ou simplement de leurs capacités. Ils affrontèrent souvent en compétition de sélection des appareils plus efficaces et perdirent donc à la régulière, à l’image au 21e siècle du Boeing X-32 américain. Dans d’autres cas les aéronefs en question étaient seuls en lice mais réussirent tout de même le tour de force de ne pas être commandés en série. C’est notamment le cas du Blackburn T-4 Cubaroo britannique.
C’est grâce aux très réussis Short Type 184 et Sopwith T.1 Cuckoo qu’à l’immédiat lendemain de la Première Guerre mondiale la jeune Royal Air Force pouvait s’enorgueillir de disposer d’une véritable expérience en matière de torpillage aérien. Seulement voilà au début des années 1920 ces biplans se révélèrent dépassés et la RAF se devait de leur trouver un ou plusieurs remplaçants. En face la Royal Navy comptait bien récupérer totalement les missions de bombardements torpillages aussi bien depuis ses navires qu’à partir du plancher des vaches. Une lutte fratricide s’était engagée en ce sens. Une première solution fut trouvée avec le Blackburn T-2 Dart hérité de la Specification 3/20 de début 1920. Cependant la RAF voyait plus grand et souhaitait disposer d’un avion similaire capable d’emporter et de tirer une version aérienne de la torpille de calibre 533 millimètres, une arme pesant tout de même 900 kilogrammes.
En 1921 la Specification 8/21 fut émise en ce sens. Celle-ci prévoyait que le futur avion ne soit animé que par un seul moteur, d’une puissance minimale de 1000 chevaux et dispose d’un armement défensif. Devant la complexité du cahier des charges peu d’avionneurs se présentèrent. Avro et Boulton-Paul présentèrent des avant-projets qui ne furent pas retenus pour aller jusqu’au prototype. Seul Blackburn eut cette chance. Son T-4 fut commandé à un exemplaire d’essais. Sa motorisation était assurée par un très complexe Napier Cub à seize cylindres en X d’une puissance de 1000 chevaux.
La compétition étant jugée biaisée l’année suivante un nouveau cahier des charges fut proposé comme Specification 16/22. Cette fois les bimoteurs étaient acceptés. Avro proposa son Model 557 Ava.
Extérieurement le Blackburn T-4 était un avion hors norme. Il était bien plus long et possédait une envergure plus importante que n’importe quel autre biplan monomoteur jusque là développé en Grande Bretagne. Les deux pilotes prenaient places dans un petit cockpit à l’air libre protégés du vent par un pare-brise double. Le T-4 possédait un train d’atterrissage classique à double essieu à l’avant ainsi qu’un empennage double dérive. Une cabine intérieur permettait d’accueillir un navigateur et un servant de mitrailleuses. Justement l’armement se composait d’une mitrailleuse Lewis de calibre 7.7 millimètres en poste de tir dorsal et de deux armes identiques montées une par une en sabords de tir latéraux au niveau de l’emplanture basse de voilure. La torpille de 533 millimètres
Si les ailes étaient fabriquées en bois entoilé et contreplaqué le fuselage de l’avion lui d’une structure en tubes d’aciers recouverts de plaques de Duralumin. À bien des égards donc ce T-4 était un avion dernier cri.
Ayant reçu le patronyme de Cubaroo le Blackburn T-4 réalisa son premier vol le 21 août 1924. Et dès le départ cela ne se passa pas bien. L’avion était trop volumineux et le champ de vision des pilotes s’en trouvait restreint lors des phases d’atterrissage et de décollage.
À partir du mois d’octobre c’est la Royal Air Force qui prit le relai des essais en vol jusque là réalisés par l’avionneur. Et là encore les pilotes d’essais critiquèrent la position du poste de pilotage. Dans le même temps ils estimèrent que la motorisation était bonne mais légèrement insuffisante. Ils recommandèrent l’étude d’une version bimoteur axée autour du Rolls-Royce Condor Mk-IV à seize cylindres en V d’une puissance unitaire de 650 chevaux. Cette solution fut étudiée par Blackburn mais non en application sur l’assemblage du second prototype, celui destiné à emporter l’armement. Grosse innovation par contre cet avion possédait désormais une voilure repliable afin de permettre l’entreposage du T-4 Cubaroo dans les hangars de la RAF.
Fin janvier 1925 ce second prototype fut livré à la RAF, juste à temps. En effet quelques jours plus tard, le 2 février, le premier s’écrasa à l’atterrissage blessant grièvement un de ses pilotes. L’avion fut jugé irréparable. Les essais reprirent donc avec le second Blackburn T-4 Cubaroo. Pourtant ils tournèrent court. En effet à l’été 1925 la Royal Air Force avait changé son fusil d’épaule et ne considérait plus les gros bombardiers torpilleurs comme une solution viable à l’avenir. L’époque était surtout au pacifisme, y compris outre-Manche. Un tel avion faisait tâche pour les tenants de la «Der des Ders», la logique qui voulait que la guerre de 14/18 soit l’ultime conflit majeur dans le monde. Désarmé le Cubaroo servit tout de même jusqu’en 1927 comme banc d’essais en vol, notamment pour le méconnu moteur diesel Beardmore Simoon à huit cylindres en ligne. Par la suite ce prototype fut envoyé à la ferraille.
Durant huit ans à partir de son premier vol le Blackburn T-4 Cubaroo fut le plus gros biplan monomoteur construit au monde. Aujourd’hui encore il serait plus imposant que le mythique Antonov An-2 Colt soviétique de l’après-guerre. Factuellement à bien des égards ce bombardier torpilleur était un avion hors-norme. Et cela participa aussi à son échec.
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