L’un des grands défis de l’industrie aéronautique américaine durant la guerre froide fut de maîtriser le décollage et l’atterrissage verticale en dehors des voilures tournantes. Cela prit bien sûr la forme des jets de combat, souvent sans vraiment de succès, mais également des avions de transport à turbopropulsion. C’est dans cette optique qu’un des plus ambitieux programme fut lancé par l’US Air Force, l’US Army, et l’US Navy sous le vocable de Tri-Service. Et son point d’orgue fut un étrange quadrimoteur qui préfigurait les actuels convertiplanes : le Bell X-22.
Plusieurs avionneurs furent appelés à la rescousse par le Tri-Service qui piétinait littéralement en ce début des années 1960. Les deux principaux étaient Bell Aircraft et Curtiss-Wright. En fait il s’agissait de permettre de donner corps aux avancées technologiques du Hiller X-18 ayant volé en 1959 mais dont le procédé de voilure basculante était d’ores et déjà considéré comme sans avenir.
Début 1962 Bell présenta son avant-projet D-2127. Il s’agissait d’un quadrimoteur doté non pas d’hélices classiques ou de rotors mais d’hélices soufflantes. Cette technologie consistait en quatre grosses hélices carénées dans des enveloppes circulaires et qui pouvaient basculer à 90° en extrémité de voilure. Un contrat de développement fut signé par l’US Navy au titre du Tri-Service. Le D-2127 devint alors Bell X-22.
Plutôt que de classiques moteurs à pistons le Tri-Service recommanda à l’avionneur d’avoir recours à des turbomoteurs General Electric-YT58-GE-8D d’une puissance unitaire de 1250 chevaux. Ceux-ci dérivaient des turbines employés sur des hélicoptères comme le Kaman HU2K-1 Seasprite ou le Sikorsky HU2S-1G Seaguard. C’était donc un propulseur bien connu aux États-Unis.
L’usinage des pièces du premier des deux prototypes commandés débuta en décembre 1964. C’est véritablement les quatre hélices soufflantes Hamilton Standard d’un diamètre unitaire de 2.13 mètres qui réclama le plus de travail aux ingénieurs et ouvriers. Outre cette structure métallique il fallait développer le système de translation à 90°.
Extérieurement le Bell X-22A se présentait donc sous la forme d’un biplan à voilures en tandem d’envergures inégales de construction entière métallique. Les quatre turbomoteurs entraînaient chacun une hélice soufflante. Pourtant ils étaient regroupés sur le plan arrière d voilure le long du fuselage à l’emplanture de l’aile. Un ingénieux système d’arbres de transmission actionnait les hélices avant ainsi que leur translation. Bien que dessiné à la manière d’une machine de transport le X-22 ne disposait d’aucune capacité d’accueil et se contentait ainsi de ses deux pilotes d’essais assis côte à côte dans un poste de pilotage de taille assez réduite. Le train d’atterrissage tricycle était prévu pour se rétracter.
C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 17 mars 1966.
Sous le serial 1520 cet appareil expérimental réalisa ce jour-là un total de quatre décollages à la verticale suivis d’atterrissages. Une translation fut réalisée permettant au Bell X-22A de franchir une demi-douzaine de kilomètres en circuit fermé. À cette époque cet avion était un des plus secrets en développement aux États-Unis. Ce 17 mars 1966 lors du quatrième décollage l’avion atteignit la hauteur de 7.60 mètres.
Les essais en vol furent menés jusqu’au 8 août 1966, date à laquelle l’appareil s’écrasa à l’atterrissage suite à une panne électrique généralisée. Le X-22 fut détruit à plus de 30% rendant impossible tout retour aux opérations. Plusieurs éléments furent alors prélevés et l’appareil cannibalisé afin de permettre l’assemblage rapide du second prototype.
Ce second Bell X-22A vola donc pour la première fois le 26 janvier 1967. Il portait le serial 1521. Environ 20% de ses éléments provenaient du premier appareil. C’est avec lui que Bell Aircraft et l’US Navy réalisèrent le plus gros des vols d’essais. Lors de l’un d’entre-eux l’avion réussit à atteindre 509 kilomètres-heures au niveau de la mer. C’est aussi ce second exemplaire qui réalisa le vol le plus long avec 716 kilomètres en circuit fermé, décollages et atterrissages verticaux compris. De mai 1969 à octobre 1971 ce sont des pilotes d’essais de l’US Army et de l’US Air Force qui le prirent en main au titre du Tri-Service. Quand ils eurent terminés le programme fut clos. Le Bell X-22 fut alors livré à la NASA qui l’utilisa encore treize années pour différents programmes technologiques en relation avec la Federal Aviation Administration. Fin 1984 la carrière de cette surprenante machine s’arrêta.
À cette époque il fut question d’envoyer le prototype à la casse. Mais le conservateur du musée aéronautique de Niagara Falls dans l’état de New York réussit à sauver le Bell X-22A. C’est aujourd’hui la pièce maîtresse de ses collections. Détail intéressant : entre 1966 et 1971 les deux avions expérimentaux totalisèrent 110 heures de vol tandis que le second n’enregistra que 15 heures de vol entre 1971 et 1984. Le ratio entre ces deux périodes en dit long sur l’utilité des prototypes récupérés alors par la NASA.
Quoiqu’il en soit le Bell X-22 est un gros morceau de l’histoire aéronautique américaine. Les enseignements tirés de son expérimentation permirent de développer les Bell XV-15 et surtout le Bell-Boeing V-22 Osprey. Ce dernier est aujourd’hui totalement opérationnel au sein des forces américaines.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.