Bell H-12

Si globalement la course à la propulsion à réaction des bombardiers et chasseurs éclipsa la majorité des autres programmes de développement de l’immédiat après-guerre ceux relatifs aux applications militaires de l’hélicoptère furent assez nombreux. Dans ce domaine, comme dans d’autre, les États-Unis furent leader. Il faut dire qu’ils avaient expérimenté l’emploi de ces machines durant la guerre du Pacifique, grâce notamment au révolutionnaire Sikorsky R-4. De ce fait de nombreuses machines furent lancées en étude sans forcément de ligne claire dans leur doctrine d’emploi. L’un des exemples les plus significatifs fut l’hélicoptère de transport d’assaut Bell H-12.

Les origines de cette machines sont pourtant à chercher dans une volonté de conquérir un marché naissant : l’hélicoptère civil. Alors que le Model 47 était annoncé prometteur Bell Helicopter décida de lancer les études et le développement d’un appareil plus ambitieux connu sous la désignation constructeur de Model 42. L’idée de cette machine était à la fois d’élargir l’offre civile mais aussi de créer un nouveau besoin auprès des futurs utilisateurs : le transport de personnes par hélicoptères.

Sur ce nouvel appareil la célèbre verrière en forme de bulle du Model 47 laissa la place à un poste de pilotage plus conventionnel avec un nez bien dessiné. Afin de trancher entre les deux hélicoptères Bell choisit de ne pas conserver le moteur à six cylindres en ligne Franklin O-335 jugé trop peu puissant pour le Model 42 et de le remplacer par un Pratt & Whitney R-1340-AN-1 Wasp à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 548 chevaux . Il s’agissait alors d’un des moteurs réputés les plus fiables d’Amérique, ayant notamment équipé l’avion d’observation Curtiss O-52 Owl ou encore l’avion d’entraînement North American T-6 Texan. Ce moteur entraînait un rotor principal bipale et un rotor anticouple lui aussi à deux pales. Pour le reste le Model 42 était assemblé en alliage léger de métaux et disposait d’un train tricycle fixe. Il pouvait accueillir trois passagers en plus du pilote.
Le prototype réalisa son premier vol en août 1946 sous l’immatriculation provisoire américaine NX33540.

Très rapidement l’US Army Air Force s’intéressa au programme du Bell Model 42. Elle l’envisageait comme un futur hélicoptère utilitaire et demanda à l’hélicoptériste de planchr sur cette version. Ainsi naquit le Bell Model 48 qui n’était ni plus ni moins qu’un Model 42 rallongé et au confort des passagers bien plus spartiate.
Ce Model 48 intégra un programme dans lequel était déjà engagé le Kellet KH-1, connu auprès des militaires comme XR-10. L’appareil de Bell reçut la désignation militaire expérimentale de XR-12. Pour autant celle de XR-11 ne participait pas à la compétition, étant déjà prise par le démonstrateur technologique de birotor en tandem Rotorcraft X-2 Dragonfly. La compétition entre le XR-10 et le XR-12 s’annonçait donc âpre.

Pour mémoire le R signifiait alors dans la nomenclature américaine Rotorcraft, et désignait aussi bien les hélicoptères que les autogires. Le Bell XR-12 ne mit pas longtemps à l’emporter sur le Kellet XR-10. Non pas qu’il était plus efficace ou qu’il volait mieux simplement l’US Army Air Force se méfiait de la technologie de ses rotors engrenants jugée trop fragile.
Un hélicoptère de présérie disposant d’un atterrisseur à flotteurs et trente-quatre machines de série furent commandées. Ces dernières devaient pouvoir accueillir six soldats équipés et disposer soit d’un atterrisseur tricycle comme sur le Model 42 soit d’un atterrisseur à flotteur comme sur l’YR-12 de présérie. Finalement seul celui-ci fut construit avant que la commande ne soit annulée au printemps 1947. En effet la séparation entre l’armée et l’aviation avait commencé et les dirigeants de la future US Army ne voulaient pas de cette machine.

Une seconde étude fut donc lancée cette fois aux stricts besoins de l’US Air Force. Bell dut revoir sa copie et présenta le Model 48A, légèrement agrandi et ayant perdu son nez au profit d’une cockpit arrondi largement vitré. Désormais l’hélicoptère pouvait accueillir neuf fantassins équipés en plus du pilote. Le prototype vola en juillet 1947 alors que l’US Army Air Force existait officiellement encore. Il reçut la désignation de XR-12B tandis qu’un appareil de présérie disposant de l’aménagement intérieur demandé par les militaires vola lui le mois suivant.
En septembre 1947 enfin les deux entités se séparèrent créant officiellement l’US Air Force et amenant une nouvelle nomenclature. Désormais la lettre R de Rotorcaft disparaissait des voilures tournantes pour être remplacée par le H de Helicopter. Dix exemplaires de série issus du YR-12B furent commandés sous la désignation de Bell H-12B. La désignation H-12A fut affectée à l’ensemble des hélicoptères expérimentaux dérivés eux du R-12 d’origine.

Les six premiers Bell H-12 de série furent livrés à l’US Air Force en décembre 1947. Ils lui permirent alors de défricher un domaine de vol qui allait devenir la spécialité… de l’US Army. Il s’agit de celui des hélicoptères d’assaut. Pourtant sur le papier comme dans la réalité jamais les H-12 ne servirent dans une unité opérationnelle. Ils ne furent employés que pour des tests et des validations de doctrine. Les quatre derniers exemplaires, livrés en février 1948 avaient reçu un treuil mécanique sur le flanc gauche.
Huit des H-12 possédaient un train d’atterrissage quadricycle et les deux autres un atterrisseur à flotteurs. En mai 1948 un hélicoptère fut prêté à l’US Marines Corps pour des essais de deux mois dans le cadre de manœuvres en Californie. Le H-12 en question fut alors désigné XHU2L. Malgré des qualités certaines l’appareil ne fut pas commandé en série et fut rendu à l’US Air Force.

Finalement en octobre 1949 l’US Air Force décida de retirer totalement d’un service dans lequel ils n’étaient jamais entrés officiellement les dix Bell H-12. Ce que l’aviation américaine avait appris avec cette machine allait lui être très utile sur Sikorsky H-19 Chickasaw.
Les retours d’expérience de l’emploi de cette machine demeurée plus ou moins expérimentale permirent aussi à l’US Army de concevoir la doctrine de l’hélicoptère d’assaut, essentielle en Corée et plus tard au Vietnam. L’enseignement le plus important fut la nécessité d’équiper les hélicoptères d’un armement défensif, les fameuses gundoors. Celui-ci n’a jamais existé sur H-12.
En 1956 l’hélicoptériste italien racheta les droits du Bell Model 48 pour en tirer son propre appareil appelé Agusta AB-102.

Malgré une carrière très courte et pour le moins chaotique, véritable valse-hésitation entre usage opérationnel et tests permanents le Bell H-12 fut donc une mine d’enseignements pour les militaires américains, mais pas que. Il permit aussi à Bell Helicopter d’en apprendre plus sur la conception des hélicoptères d’assaut, ce qui allait se révéler primordial quelques années plus tard quand il fallut développer l’UH-1 Iroquois. Celui-ci est mondialement connu comme Huey !
Il ne semble plus de nos jours rester le moindre H-12 préservé aux États-Unis.