Bell-Boeing MV-22 Osprey

Le premier quart du vingt-et-unième siècle aura été synonyme de changements profonds pour les éléments aériens de l’US Marines Corps avec l’apparition de modèles d’aéronefs inédits. Ça a notamment été le cas de l’hélicoptère de transport lourd de nouvelle génération Sikorsky CH-53K King Stallion ou encore celui du chasseur furtif à décollages et atterrissages très courts Lockheed-Martin F-35B Lightning II. Pourtant l’appareil qui est le symbole même de ce renouveau est une petite révolution en lui-même puisqu’il est le premier de son genre non seulement dans cet arme américaine mais également sur l’ensemble de la planète. Il s’agit du convertiplane de transport d’assaut Bell-Boeing MV-22 Osprey.

Au sein du programme JVX, pour Joint-service Vertical take-off-landing Experimental, l’US Marines Corps a toujours été un participant à part. En effet il était celui qui fut désigné à l’époque comme la première force à être servie par une version de série dérivée du V-22A Osprey. Surtout le corps des Marines avait très rapidement au cours du programme de développement une idée très claire de ce qu’allait devenir sous sa cocarde le convertiplane de Bell-Boeing. Et pourtant ce cheminement ne se fit pas sans un certain renoncement.

En effet quand le corps des Marines décida de rejoindre le programme JVX il était clair dans l’esprit de ses décideurs que les convertiplanes allaient totalement remplacer les hélicoptères de transport d’assaut qu’étaient alors les Boeing Vertol CH-46D/E Sea Knight et les Sikorsky CH-53D Sea Stallion et CH-53E Super Stallion, et ce avant la fin du 20e siècle. Les promesses de cette machine étaient telles que les généraux envisageaient désormais des opérations amphibies dans lesquelles des convertiplanes seraient appuyés au-dessus des plages par des avions d’attaque McDonnell-Douglas AV-8B Harrier II sans la moindre présence d’hélicoptères devenus de facto obsolètes. Si cette vision des choses faisait largement les affaires du consortium Bell-Boeing il en était tout autrement de l’hélicoptériste Sikorsky qui ne comptait pas quitter la scène aussi facilement.

Désigné Bell-Boeing MV-22B Osprey l’avion adapté aux besoins de l’US Marines Corps était sur le papier la version la plus basique, la plus rustique. Sauf que ce convertiplane était à la fin des années 1990 beaucoup de choses mais sûrement pas rustique. C’était un concentré de haute technologie asservie aux exigences du corps des Marines. Surtout très vite il se rendit compte qu’en plus de former de jeunes pilotes sur simulateurs de vol il allait très rapidement falloir transformer des équipages d’hélicoptères afin de voler sur cette nouvelle machine. C’est pourquoi les premiers appareils de série sont entrés en service en mars 2000 au sein de l’unité d’entraînement avancé et de transformation opérationnelle VMMT-204 Raptors.

Quelques jours après cette entrée en service quatre exemplaires participaient à un exercice nocturne de dépose de troupes. Et ce 8 avril 2000 les Bell-Boeing MV-22B Osprey opéraient depuis l’aéroport régional de Marana dans l’Arizona quand l’un d’entre eux fut victime d’un état d’anneaux tourbillonnaires. Évoluant avec les hélices en mode pales de rotors le convertiplane en question décrocha rapidement et s’écrasa à terre tuant ses quatre membres d’équipage et ses quinze passagers parmi lesquels le colonel commandant le VMMT-204 Raptors. Un autre MV-22B se trouvant à proximité fut destabilisé et heurta violemment le sol. Fort heureusement il n’y eu que deux blessés à son bord. Les dix-neuf morts du drame de Marana allaient sans le savoir retarder grandement la mise en service opérationnel du MV-22B.

Et c’est Sikorsky qui profita de l’aubaine pour proposer son CH-53X, une version profondément rajeunie du CH-53E Super Stallion. L’US Marines Corps hésita. Finalement il choisit de ne pas tourner le dos aux hélicoptères et de ne faire assurer aux MV-22B Osprey que le seul remplacement des CH-46/HH-46 Sea Knight. Finalement le CH-53X fut commandé en série comme CH-53K King Stallion.

Le temps que la commission d’enquête sur l’accident de Marana ne rende ses conclusions les vols sur Bell-Boeing MV-22B Osprey étaient limités aux seules missions d’entraînement avancé et de transformation opérationnelle du VMMT-204 Raptors. Il fallut attendre décembre 2005 pour que les livraisons à deux unités opérationnelles, les escadrons VMM-263 Thunder Chickens et VMM-266 Fighting Griffins, soient de nouveau autorisés. En mars 2006 les livraisons débutèrent donc tandis que les Vertol HH-46D Sea Knight quittaient progressivement le service actif. Huit ans plus tard les CH-46E/F les avaient imités, laissant les MV-22B seuls appareils d’assaut tactique en service à bord des porte-aéronefs de l’US Navy.

De nos jours sur un bâtiment de guerre amphibie comme l’USS Boxer par exemple jusqu’à douze MV-22B Osprey peuvent être embarqués. De son côté l’USS Tripoli configuré en Lightning Carrier n’en emportera que deux à trois. Dans un cas comme dans l’autre ces machines ont un rôle de transport d’assaut, ce qui signifie qu’en plus des troupes du corps des Marines elles disposent d’une puissance de feu bien réelle sous la forme d’une mitrailleuse mobile M2 de calibre 12.7 millimètres installée sur la rampe arrière et permettant d’agir comme une gundoor. Il n’est pas rare que ces convertiplanes agissent sous la protection de Bell AH-1Z Viper et UH-1Y Venom appartenant eux aussi à l’US Marines Corps.

Parmi toutes les unités du corps des Marines volant sur ce type d’avion la plus surprenante est sans nul doute la HMX-1 Nighthawks. Unité composite évoluant à la fois donc sur convertiplane et sur hélicoptères elle sert les intérêts de la Maison Blanche, assurant le transport du Président des États-Unis. Pour autant pas question de voir des Bell-Boeing MV-22B Osprey agir comme Marine One. Ce n’est pas leur rôle. Les douze appareils en question mènent des missions de soutien logistique au profit du cabinet présidentiel et des agents fédéraux de l’US Secret Service. Ils ont donc un rôle plutôt secondaire par rapport aux Sikorsky VH-3D et VH-60N dévolus aux missions de prestige. Ils ne portent d’ailleurs pas le fameux toit blanc mais dispose bien de l’élégante livrée verte olive brillante.
L’un d’eux est en permanence équipé pour réaliser des évacuations sanitaires lourdes au profit du président américain.

En mai 2015 la Japan Ground Self Defense Force est devenue la première cliente export de l’avion. Elle en a commandé dix-sept exemplaires dont les premiers ont été livrés pile cinq ans plus tard. D’une manière assez étrange les Bell-Boeing MV-22B Osprey de l’armée japonaise sont appelés CV-22B, et ce même s’ils n’ont strictement rien à voir avec les Osprey de l’US Air Force. C’est sans doute une coquetterie du Japon. En cette même année 2020 l’Indonésie avait fait connaître son intention également d’acquérir le MV-22B, sans pour autant poursuivre dans ce sens.

Première version du convertiplane américain à être entrée en service opérationnel le Bell-Boeing MV-22B Osprey a littéralement essuyé les plâtres. Il a surtout permis de démontrer qu’au 21e siècle les avions de ce genre avaient toute leur place dans les arsenaux modernes même s’ils ne peuvent pas (encore) totalement remplacer les hélicoptères de transport et d’assaut. Le MV-22B Osprey a donné naissance au CMV-22B actuellement en service dans l’US Navy.