Mieux connu sous sa dénomination militaire H-13 Sioux, le Bell 47 fut l’un des premiers hélicoptères fabriqués en grande série. Au fil des ans, le Bell 47 se déclina en une série de versions améliorées, dont la dernière fut le 47J. Détachée du bureau d’études de Bell, une équipe spéciale fut assignée pour développer cette ultime version. Cette équipe consulta plusieurs clients potentiels afin de répondre au mieux à leurs attentes. Sans délaisser le marché militaire, cette nouvelle machine visait à plaire davantage aux clients civils. Fruit de cette démarche, le Bell 47J vola pour la première fois en 1955 et obtint sa certification américaine en 1956. Différant grandement des versions précédentes du Bell 47, on assigna le nom Ranger à ce nouvel hélicoptère.
L’apparence extérieure du Ranger avait peu à voir avec celle de ses prédécesseurs. Il est muni d’une poutre de queue semi-monocoque à revêtement renforcé, remplaçant la traditionnelle poutre en tubes d’acier soudés. Un compartiment à bagages aménagé dans la poutre de queue permet d’accueillir jusqu’à 110 kg de bagages. Le compartiment de l’éprouvé moteur Lycoming à six cylindres est fermé avec des panneaux profilés s’enlevant facilement pour l’entretien mécanique. Protégée par une bulle en plexiglas garantissant une excellente visibilité pour le pilote, la cabine agrandie permet d’accueillir jusqu’à trois passagers sur la banquette arrière. Ceux-ci jouissent également d’une excellente visibilité avec les larges fenêtres des grandes portes latérales facilitant l’embarquement. L’aérodynamisme et l’esthétique du Ranger tranchaient nettement avec l’aspect strictement utilitaire de ses prédécesseurs.
En mars 1957, deux Bell 47J furent acquis par l’US Air Force comme transport présidentiel et désignés H-13J. Le 13 juillet 1957, un H-13J fut le premier hélicoptère utilisé par un président des États-Unis lorsqu’il transporta Dwight D. Eisenhower depuis la Maison Blanche jusqu’au Camp David. Bien qu’ils furent remplacés quelques années plus tard par de plus spacieux Sikorsky VH-34D, le prestige d’une telle fonction rejaillit sur l’image de marque du Ranger auprès des clientèles corporatives. Dès 1956, le Ranger se fit remarquer lors d’une tournée promotionnelle en Amérique du Sud de 27300km durant laquelle il devint le premier hélicoptère à franchir la Cordillère des Andes en atteignant une altitude de 5180 mètres. Avec sa gueule de vedette, le Ranger se vit offrir des rôles au cinéma, notamment aux côtés de Sean Connery/James Bound dans le film Thundeball (1965) ainsi qu’avec Elvis Presley dans Paradise Hawaiian Style (1966) où il jouait un rôle de premier plan.
Loin de se limiter à une clientèle des gens riches et célèbres, les concepteurs du Ranger misèrent également sur la versatilité de leur hélicoptère. Ainsi, la banquette arrière destinée aux passager se rabat facilement pour permettre d’embarquer jusqu’à 270kg de cargaison. Rapidement amovibles au besoin, les larges portes latérales facilitent la manutention. En option, un crochet extérieur permet le transport de charges extérieures avec élingue. Le Ranger peut également se transformer en ambulance volante et en hélicoptère de recherche et sauvetage. À cette fin, la banquette arrière peut facilement être retirée et remplacée par deux civières superposées. Un siège d’appoint pour le secouriste est prévu dans cette configuration. Un treuil pour l’évacuation des rescapés est également prévu pour les situations où le Ranger ne peut se poser. La liste des accessoires supplémentaires comprend également des flotteurs pour les opérations amphibies.
Cette versatilité va inciter une douzaine de pays à aligner des appareils Ranger dans leurs forces aériennes et agences publiques. Aux États-Unis, outre la fonction d’hélicoptère présidentiel, le Bell 47J servit aussi dans les rangs de l’US Navy, dans la grande famille des hélicoptères Sea Sioux. Ainsi, une trentaine d’appareils désignés UH-13P seront en service ainsi qu’une vingtaine de TH-13N avec cabine de pilotage bi-place modifiée pour la formation des pilotes. Un certain nombre d’appareils UH-13P vont également servir à bord de navires brise-glaces de l’US Coast Guard.
Dès 1952, Bell était à la recherche d’un partenaire en Europe où Sikorsky était déjà présent grâce à des accords avec la SNCASE en France et Westland Helicopters au Royaume-Uni. Bell et l’italienne Agusta vont s’associer pour la fabrication européenne d’hélicoptères Bell 47. Surnommés Jota en Italie, Agusta va fabriquer trois sous-variantes du Ranger connues sous les dénominations J-3, J3B et J3B-1. L’objectif de l’entreprise Agusta était de satisfaire les demandes des opérateurs de la zone alpine qui recherchaient des hélicoptères légers aux performances supérieures. Les premières améliorations apportées aux Jota, également connus sous le nom de Super Ranger, furent obtenues avec l’introduction en 1960 de moteurs Lycoming plus puissants qui culmina en 1963 avec l’introduction du J-3B-1. Similaire à ses prédécesseurs dans son aspect général, mais avec des performances en altitude bien supérieures à celles des premiers modèles de la série, le secret du J-3B-1 résidait dans son moteur Lycoming TVO-435-B-1A muni d’un turbocompresseur. Seulement une vingtaine d’exemplaires de cette dernière version furent assemblés car le Super Ranger faisait déjà face à un compétiteur français de taille, soit l’hélicoptère turbo-propulsé Alouette III. Les Jota seront tout de même largement utilisées par les forces armées italiennes, les carabiniers, la police, la Vigili del Fuoco et la Guardia di Finanza.
Du côté de l’Asie, Bell signa également en un accord de partenariat avec la société japonaise Kawasaki en 1953 pour la fabrication d’hélicoptères Bell 47. Le Ranger japonais sera connu sous le nom de Kawasaki KH-4. Le KH-4 se distingue du Ranger américain par la poutre de queue en tubulures d’acier, une cabine plus grande permettant d’accueillir jusqu’à quatre passagers, ainsi qu’une réserve accrue de carburant. À l’exception des KH-4 achetés par les forces armées du Japon, de la Thaïlande, de la Corée du Sud et des Philippines, la plupart furent exploités par des utilisateurs privés, notamment en Australie.
En comptabilisant les Ranger fabriqués aux États-Unis, en Italie et au Japon, un total de plus de 600 appareils furent livrés. Un nouveau venu va toutefois déloger le Ranger sur les chaînes de montage au début des années 1970, soit le légendaire Bell 206 Jet Ranger. Bien qu’un certain nombre de Bell 47J volent encore aujourd’hui, plusieurs coulent une retraite dorée dans divers musées. C’est le cas notamment des H-13J présidentiels dont l’un est préservé au National Air and Space Museum à Washington D.C., et l’autre au National Museum of the United States Air Force en Ohio.
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