L’expansion au début du 21e siècle des conflits asymétriques menées par les forces américaines en Afghanistan puis en Irak mais aussi par certains alliés de Washington DC comme la France poussèrent les avionneurs à repenser la place de l’aéronef dans ces guerres. Des jets de combat classiques comme l’avion d’attaque Fairchild-Republic A-10C Thunderbolt II ou le chasseur de pénétration McDonnell-Douglas F-15E Strike Eagle n’étaient-ils pas désormais disproportionnés ? C’est en partant de ce constat que plusieurs programmes furent lancés, souvent sur fonds propres, afin de répondre à un besoin naissant : celui d’avions plus rustiques mais disposant d’un armement tout de même de pointe. Et l’une des réponses fut celle du Beechcraft AT-6 Wolverine.
C’est fin 2006 que le groupe Textron chargea sa branche Beechcraft d’étudier une possibilité de transformer l’avion d’entraînement T-6 Texan II en plateforme d’appui tactique rapproché et de reconnaissance tactique armée. Les enseignements de l’engagement américain contre les forces talibanes en Afghanistan mais aussi l’émergence de groupes djihadistes dans l’Irak post-baasiste avaient menés à cette réflexion. Un avion léger, bien doté en avionique et doté d’un armement de pointe pourrait parfaitement faire la différence et trouver sa place dans les arsenaux modernes.
Porteur de l’immatriculation civile N610AT un prototype fut construit en ce sens sous la désignation d’AT-6 Wolverine, du nom d’un célèbre super-héros de bande dessinée.
En fait le Beechcraft AT-6 Wolverine n’était ni plus ni moins qu’un T-6 Texan II revu et corrigé. Souhaitant lui octroyer la plus grande polyvalence possible l’avionneur ne lui ôta aucun des équipements d’un avion d’entraînement. En revanche il augmenta très nettement sa puissance puisque désormais un turbopropulseur Pratt & Whitney Canada PT6-68D de 1600 chevaux remplaçait le PT6A-68 de 1100 chevaux qui équipait la version d’entraînement. Ce gain significatif de puissance permit à l’AT-6 de se doter d’équipements et d’armements de dernier cri. En version de reconnaissance la «boule» Wescam MX-15Di de captage électro-optique et infrarouge couplée à un système de désignation et illumination au laser. Grâce à une liaison 16 les données recueillies peuvent être transmis en toutes sécurités auprès des forces de l’OTAN. En mission de combat cet équipement peut être déposée et l’AT-6 Wolverine embarque des munitions non guidées telles des roquettes en paniers ou des bombes lisses. Pour autant son armement standard sont les munitions guidées laser et/ou GPS telles les GBU-12, GBU-38,et GBU-49 ou encore les missiles air-sol légers AGM-114 Hellfire et AGM-176 Griffin. En outre l’avion américain peut disposer de nacelles de mitrailleuses FN Herstal d’origine belge avec des armes de calibre 7.62 millimètres et 12.7 millimètres.
Le premier vol du prototype est intervenu le 27 juillet 2009. Il a ainsi ouvert la voie aux essais en vol. Deux avions de présérie ont également été construit par Beechcraft afin de valider les emplois de systèmes de reconnaissance, d’autoprotection, ainsi que les armements. Malgré une démarche commerciale agressive l’avion a véritablement peiné à décoller dans les ventes. Il fut même proposé à l’US Air Force et à l’US Navy sous la désignation d’AT-6B afin de fournir un avion d’entraînement avancé au tir. Mais sans succès.
Quelques contractors américains l’approchèrent également, sans pour autant donner suite à leurs intentions. La décennie 2010 fut blanche de tout contrat.
En parallèle l’avionneur croyait dur comme fer en son avion malgré la féroce concurrence de l’Embraer A-29 Super Tucano venu du Brésil. Aussi il proposa en 2019 l’AT-6E destiné exclusivement aux marchés d’exports. Une première touche eut lieu début 2020 avec la Tunisie qui commanda quatre exemplaires dont les livraisons prirent un retard avéré en raison de la pandémie de Covid-19 et du ralentissement industriel que l’aéronautique connut à sa suite. Au lieu de recevoir ses AT-6 Wolverine début 2022 le pays d’Afrique du nord ne les obtiendrait qu’au premier semestre 2024. Par la suite c’est la Thaïlande qui a fait le choix de cet avion à hauteur de huit exemplaires appelés localement AT-6TH.
Malheureusement pour lui le Beechcraft AT-6 Wolverine n’a jamais connu le feu à la grosse différence de son concurrent sud-américain. En effet les A-29 Super Tucano fournis par les États-Unis aux pays sahéliens engagés dans la lutte antiterroriste ont tous frappés à plusieurs reprises les troupes terroristes affiliées à Al-Qaïda ou à Daech. L’avion brésilien est donc beaucoup plus aguerri que son concurrent américain. Pour autant des marchés continuent d’être négociés par Textron.
Reprenant le concept d’avions aussi mythiques que le Douglas AD Skyraider ou le Piper PA-48 Enforcer le Beechcraft AT-6 Wolverine est sans nul doute un des appareils les plus intéressants de ce premier quart de 21e siècle.
Sur cet avion la désignation AT signifie Attack Trainer.
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