L’Histoire n’est parfois pas tendre avec les seconds, ne retenant que les premiers, les plus connus, les plus marquants. C’est ce qu’elle a fait autour des précurseurs néerlandais de l’aviation avec Anthony Fokker qui écrasa littéralement toute forme de concurrence. Pourtant le nom de Frederick Koolhoven est arrivé jusqu’à nous, pas forcément jusqu’au grand public mais au moins jusqu’aux aérophiles et historiens de l’aviation. Et fait intéressant c’est en Grande Bretagne que cet ingénieur néerlandais de talent réalisa une partie de sa carrière concevant aussi bien des aéronefs civils que militaires. Une de ses premières réussites fut l’étonnant chasseur biplan britannique F.K.23 Bantam.
Après avoir travaillé avant-guerre pour la British Deperdussin Company, la branche britannique de l’avionneur français SPAD, Frederick Koolhoven rejoignit la jeune société Armstrong Whitworth. Il développa pour elle des avions aussi différents que le F.K.3 d’entraînement, le F.K.8 de reconnaissance, et le chasseur quadriplan F.K.10 demeuré à l’état de prototype. Pour Armstrong Whitworth l’ingénieur néerlandais dessina même une série de gondoles pour dirigeables. Mais il s’y sentait à l’étroit.
Contacté par son ami Robert Noorduyn il accepta en mai 1917 de le rejoindre au sein d’une nouvelle société, la British Aerial Transport, ou BAT fondée par l’homme d’affaires Samuel Waring. Ce dernier nomma Koolhoven ingénieur en chef et lui octroya toutes libertés pour proposer aux forces britanniques et françaises alors en guerre contre l’Allemagne de nouveaux avions.
Koolhoven choisit de conserver les désignations de ses créations avec ses propres initiales. Et en juin 1917 il se lança dans le développement du F.K.22, un chasseur monoplace particulièrement profilé et ramassé. D’une structure en bois et contreplaqué le nouvel avion comptait rompre avec les traditionnels entoilages de voilure. Pour l’animer il fit appel à l’ABC Mosquito, un moteur à six cylindres en étoile non rotatif. Celui-ci développait 120 chevaux. C’est ainsi que le prototype vola le 12 septembre 1917 atteignant 3000 mètres d’altitude dès ce vol inaugural, et ce en à peine plus de 15 minutes. Pourtant l’absence de toilage avait démontré ses limites et le F.K.22 était lent et peu manœuvrable.
Frederick Koolhoven décida de changer son fusil d’épaule et de revenir à une architecture plus traditionnelle pour son biplan. Six exemplaires de présérie furent alors commandés par le Royal Flying Corps.
En fait chacun devait tester des motorisations différentes de l’ABC Mosquito, tels l’ABC Wasp de 170 chevaux, le Gnome Monosoupape de 100 chevaux, le Le Rhône 9J de 110 chevaux ainsi que des armements divers. Les militaires britanniques optèrent alors pour le quatrième avion de présérie et le commandèrent en série sous la désignation de F.K.23 Bantam. Pourtant ils exigèrent quelques modifications comme par exemple une nette diminution de la surface alaire, passant de 21.37 mètres carrés à 17.18 mètres carrés.
Douze premier exemplaires furent alors commandés. En homme d’affaire avisé Samuel Waring en fit produire deux de plus, sur fonds propres, afin d’en offrir un à l’Aéronautique Militaire et le second au tout jeune US Army Air Service. Il comptait ainsi s’attirer les bonnes grâces des États-Unis et de la France.
Le premier BAT F.K.23 Bantam de série ne vola qu’en mai 1918, en grande partie à cause de difficultés de la part du motoriste ABC à livrer ses moteurs Wasp à sept cylindres en étoile. Quelques semaines plus tard, en juillet, le Royal Aircraft Establishment de Farnborough en Angleterre réceptionnait les trois premiers exemplaires. Alors que la jeune Royal Air Force pressait l’avionneur de lui livrer l’intégralité de ses avions commandés celui-ci préféra privilégié l’Aéronautique Militaire et l’US Army Air Service… qui ne lui avaient rien demandé. Ainsi le quatrième F.K.23 Bantam fut expédié à Villacoublay près de Paris et le cinquième fut chargé à bord d’un cargo en direction des États-Unis, et plus particulièrement de Wright Field dans l’Ohio. Les autorités britanniques étaient furieuses.
Le résultat fut qu’en novembre 1918 quand l’Armistice fut signé seul huit Bantam leur avaient livrés. La pleine dotation n’arriva qu’en janvier 1919, une fois la guerre terminée.
Les douze BAT F.K.23 Bantam entrèrent cependant en service en mars 1919 mais pour une durée de service très courte. En effet en raison de pannes fréquentes du moteur Wasp de 170 chevaux ils furent retiré du service en février 1921, moins de deux ans après leur acceptation. Ironiquement ni les Américains ni les Français ne voulurent de cet avion là aussi à cause de sa motorisation jugée déplorable.
Stationné en Angleterre durant ses 23 mois de service le F.K.23 ne connut jamais le feu.
Pour la petite histoire Frederick Koolhoven réalisa durant l’entre-deux-guerres quelques avions particulièrement réussis comme le Desoutter Mk-I de transport léger et le chasseur monoplan Koolhoven F.K.58 acheté par… l’Armée de l’Air. De son côté son acolyte Robert Noorduyn fonda au Canada sa propre société éponyme. De nos jours un BAT F.K.23 Bantam est préservé à l’Aviodome, le très célèbre musée aéronautique des Pays-Bas.
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