Avro Ashton

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale le Royaume-Uni possédait la construction aéronautique la plus florissante d’Europe, même devant celle de l’URSS. Celle-ci n’eut aucune difficulté à se remettre en ordre de marche afin de développer et construire de nouveaux avions de ligne. Et l’un des aspects les plus intéressants étaient que dès 1945 les Britanniques avaient des projets d’avions de ligne à réaction. L’un d’eux, malheureusement demeuré au stade de prototypes fut l’Avro 706 Ashton.

En février 1943 les réunions du comité Brabazon mirent en lumière la nécessité une fois la guerre terminée pour la Grande Bretagne de disposer d’un avion postal à grande vitesse, disposant d’au moins deux voire quatre réacteurs. Il s’agissait alors du Type IV selon sa nomenclature. Les travaux évoluant avec la guerre une fois celle-ci terminé ce programme avait changé. En décembre 1945 ce même comité Brabazon donna au Type IV la nature d’être un avion de ligne ayant un rayon d’action de moyen courrier de l’époque.

Trois avionneurs s’essayèrent à l’exercice : Avro, De Havilland, et Vickers. Le premier proposa une évolution de son avion de ligne quadrimoteur Tudor, lui-même dérivé du bombardier lourd Lincoln, et désigné Tudor Mk-9. Le second avança son D.H.106 Comet totalement nouveau. Le troisième eut une démarche assez similaire au premier en proposant de remotoriser son bimoteur Viking avec deux réacteurs. Chacun se vit gratifier d’une confortable enveloppe par le comité Brabazon et l’Air Ministry.

Si le D.H.106 Comet fut pensé autour de quatre réacteurs De Havilland Ghost les Tudor Mk-9 et Vickers Nene l’étaient autour du Rolls-Royce Nene, quatre pour le premier et deux pour le second. Les ingénieurs d’Avro eurent une idée originale dès le départ de la conception de leur avion : coupler deux par deux les réacteurs en question, afin de réduire la traînée de leur appareil.

Extérieurement l’Avro Tudor Mk-9, ou Type 689 selon la nomenclature constructeur, ne pouvait nier ses origines militaires. C’était un monoplan à aile basse cantilever construit intégralement en métal et disposant de quatre réacteurs Rolls-Royce Nene Mk-5 montés deux pas deux dans des nacelles d’intrados de voilure. Chaque réacteur développait 1814 kilogrammes de poussée, à sec. Bien que dédié à proposer un futur avion de ligne ce Tudor Mk-9 ne possédait aucun aménagement en cabine et son poste de pilotage quadriplace était des plus succints. C’est dans cette configuration qu’il vola le 6 septembre 1948.
À l’époque ses principaux concurrents en étaient encore aux phases statiques.

L’Air Ministry fit remarquer aux dirigeants d’Avro que le nom de Tudor Mk-9 risquait de poser des problèmes d’identification de cet avion à réaction vis-à-vis de la version à moteurs à pistons. Il fut décidé de le renommer. À Noël 1948 le Type 689 Tudor Mk-9 devint officiellement le Type 706 Ashton. Les travaux allaient bon train afin transformer le prototype et de le rendre plus séduisant pour les décideurs britanniques. Malheureusement pour eux le couperet tomba en février 1950 lorsque le De Havilland D.H.106 Comet fut officiellement déclaré vainqueur. Qu’à cela ne tienne le programme Ashton fut poursuivi.
Le Tudor Mk-9 était devenu l’Ashton 1 auquel succéda un Ashton 2, trois Ashton 3, et un Ashton 4. Le 1er septembre 1950 c’est sans la moindre pression que la campagne d’essais en vol reprit. Les responsables de l’avionneur croyaient dans les chances de leur avion sur le marché militaire.

Dans ce sens l’Avro Ashton 4 fut doté de lance-bombes d’entraînement sous voilure, de deux astrodômes percés dans le plafond de la cabine, et fut aménagé comme avion d’entraînement avancé à la radionavigation et au bombardement. Si la Royal Air Force l’essaya avec succès aucune commande ne fut passé. L’avion était bien trop gourmand en carburant pour permettre de remplir efficacement des missions de formation. Le motoriste Bristol-Siddeley fut le premier à penser à lui. Il fixa dessous un Ashton 3 ses réacteurs Olympus et Orpheus afin de valider leur emploi, en vol. En parallèle Rolls-Royce utilisa l’Ashton 2 dans un rôle identique de banc d’essais en vol afin d’assister au développement de ses Avon et Conway. Chacun réalisa son « premier vol » grâce à ce quadriréacteur sans avenir. Rolls-Royce envisagea un temps l’Ashton 2 afin d’assurer les mêmes essais pour son Pegasus pensé afin de propulser l’avion d’attaque Harrier mais se ravisa. L’avion d’Avro n’y était pas adapté.

Finalement les six Avro Ashton furent interdits de vol en 1961. Ironie de l’Histoire il fut utilisé dans le film britannique «Cone of Silence» sorti l’année précédente et joué notamment par les acteurs Bernard Lee et Peter Cushing, film dont le scénario tournait autour de l’enquête sur un crash de… D.H.106 Comet. De nos jours il ne subsiste plus que la partie avant du fuselage de l’Ashton 2, préservée par le Newark Air Museum sis dans le nord de l’Angleterre. Malgré des aspects assez proches il ne faut pas confondre l’Avro 706 Ashton et l’Avro Canada C-102 Jetliner. Ce sont deux avions différents.