Durant la guerre froide l’Union Soviétique fit un usage important des avions de transport tactiques. Peut être plus encore que n’importe quelle autre force aérienne majeure, l’aviation soviétique avait besoin de ces aéronefs. Il faut dire que le territoire soviétique, alors plus vaste que celui des États-Unis et de la CEE réunis, était un véritable challenge en matière de ravitaillement des bases et de soutien logistique. Mais surtout l’une des réalités les plus difficiles à gérer fut celle des bases se trouvant à proximité ou au-dessus du cercle polaire arctique. Pour cela l’aviation soviétique avait besoin d’une flotte d’aéronefs parfaitement adaptée. L’un des appareils les plus efficaces dans ce domaine fut un étonnant biréacteur court-courrier : l’Antonov An-72 et son dérivé direct An-74, alias Coaler pour les généraux de l’OTAN.
En 1974, le bureau d’études d’Antonov lança l’étude d’un avion de transport tactique destiné au remplacement des biturbopropulseurs An-26 alors en dotation dans les rangs de l’Aviation du Front. Le nouvel avion reprenait un concept à la mode à cette époque : l’effet dit de Coandā, du nom d’un célèbre ingénieur roumain figurant parmi les « pères » de l’aviation. Pour faire simple celui-ci prévoit que de se servir de l’écoulement d’un flux sur la partie externe d’une voilure afin de favoriser les capacités ADAC. A la même époque les ingénieurs américains travaillaient sur le même procédé avec leur Boeing YC-14 expérimental.
D’ailleurs lorsque l’Antonov An-72 réalisa son premier vol en décembre 1977 beaucoup y virent une copie soviétique de l’avion de Seattle. Cependant le Boeing YC-14 ne fut construit qu’à hauteur de deux avions, un prototype et un exemplaire de présérie lorsque l’An-72 de son côté connut lui les chaînes d’assemblage en série. C’est sous le nom de code de Coaler que l’OTAN le désigna.
Extérieurement cet avion détonnait alors. Rompant totalement avec la tradition des avions turbopropulsés il était doté de deux turboréacteurs Lotarev D-36-1A, dérivés de ceux équipant alors l’avion de ligne triréacteur Yakovlev Yak-42 Clobber, d’une poussée nominale de 6507 kg. Installés sur l’extrados d’un voilure en flèche il donnait vraiment à l’Antonov An-72 une allure très inhabituelle. Par ailleurs l’avion était doté d’un empennage en T et d’un train d’atterrissage rétractable. Comme la majorité des avions de transport militaires de son temps il était doté d’un rampe d’accès arrière permettant d’entrer ou de quitter la cabine. Celle-ci était prévue pour l’accueil de 52 passagers, de 44 parachutistes équipés, ou encore le transport de dix tonnes de charge marchande en configuration fret.
L’avion entra en service en 1981 dans les forces soviétiques. La même année, sous la livrée civile de l’Aeroflot, il fit son apparition au Salon du Bourget. Ses capacités hors du commun de manœuvrabilité et d’atterrissage sur courte distance firent sensation. L’OTAN ne possédait alors aucun équivalent.
Pourtant sa production fut lente et quelque peu chaotique.
En 1981 toujours Antonov lança le développement d’une version destinée au mission en environnements polaires désigné An-74. Globalement très similaire ce nouvel avion se distinguait par un train d’atterrissage renforcé permettant le montage de skis, d’une avionique révisée et d’équipements de conforts tel qu’un meilleur système de chauffage à bord de la cabine et du cockpit ou encore une… petite cuisine de bord comme sur les avions de ligne occidentaux. Le premier An-74 vola en novembre 1983 et entra en service quelques semaines plus tard. Pour l’OTAN cet avion devint le Coaler-B.
Clairement identifiables à leur livrée rouge et blanche les An-74 étaient des avions militaires volant sous les couleurs civiles de l’Aeroflot. De leurs côtés les An-72 portaient plus facilement la livrée militaire, même si certains furent aussi livrés à la compagnie aérienne.
En 1985 apparut l’An-72S destiné à des missions de transport de hautes personnalités. Quatre appareils furent ainsi construits pour permettre aux hauts dignitaires soviétiques de se rendre dans les régions les plus inhospitalière de l’URSS, là où leurs avions habituels ne pouvaient pas atterrir ou bien redécoller. Dans le même temps deux An-74 furent construits selon le même procédé.
À la même époque d’autres sous-versions des An-72 et An-74 furent développées dont une armée : l’An-72P de patrouille maritime et côtière, armé de pods-canons de 23mm, de paniers à roquettes air-sol (les mêmes que ceux employés par les hélicoptères Mil Mi-24) à capacités air-surface, et de charges de profondeur. Quelques exemplaires ont été pris en compte par l’AVMF, l’aéronavale soviétique. L’une des évolutions les plus surprenantes du biréacteur soviétique est l’An-71 de veille radar.
Avant l’éclatement de l’Union Soviétique, consécutif à l’effondrement du système communiste, le seul conflit où des An-72 avaient été engagés fut l’invasion soviétique de l’Afghanistan entre 1979 et 1989. Les premiers Coaler aperçus le furent en 1984, certains avaient été repeints aux couleurs de l’aviation afghane, bien que pilotés par des Soviétiques. En 1990 après la fin de l’URSS des Antonov An-72 et An-74 se retrouvèrent dans les forces aériennes des ex-républiques soviétiques suivantes : Arménie, Géorgie, Kazakhstan, Moldavie, Russie, et Ukraine. Début 2016 seuls ces trois dernières utilisaient encore ces avions. En Russie quelques An-72 ont été modifié localement comme avions de reconnaissance électronique et d’espionnage aéroporté.
Au début des années 2000, l’avionneur désormais ukrainien Antonov relança la production des An-74 non plus exclusivement comme avion polaire mais en tant qu’avion civil et militaire polyvalent sous les désignations respectives An-74T et An-74TK. Outre les aviations russes et ukrainiennes des versions militaires furent livrés à l’Égypte, l’Iran, le Laos, et le Venezuela. Dans ce dernier pays le seul An-74TK opère pour le compte de la police locale. Il faut savoir que Antonov a également développé une version de lutte contre les feux de forêt permettant le largage de près de dix tonnes d’eau et de liquide retardant. L’aviation libyenne notamment possède au moins un d’entre eux, tandis que le ministère russe de l’intérieur en alignerait entre quatre et six.
Avion fondamentalement très réussi l’Antonov An-72 a démontré largement que l’effet Coandā était une réalité palpable. Cependant il n’a jamais pleinement réussi à remplacer le surprenant An-26 pourtant bien plus rustique. C’est peut être sa trop grande complexité qui explique qu’il ne soit qu’un second couteau du transport militaire soviétique puis russe et ukrainien.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.