L’un des grands défis que l’industrie aéronautique mondiale a eu à relever au début du 21e siècle, et le doit de fait toujours, c’est trouver un successeur à l’excellent avion américain de transport tactique Lockheed C-130 Hercules. Dans une moindre mesure il faut en faire autant avec son équivalent soviétique Antonov An-12 Cub même si ce dernier s’est moins bien vendu. La plus part des avionneurs majeurs ont essayé de s’y coller, certains avec des modèles plus imposants comme l’Airbus DS A400M Atlas et d’autres avec des appareils plus compacts. Cela a notamment été le cas de l’avionneur ukrainien Antonov avec son biréacteur An-178.
Quand en décembre 2004 vole pour la première fois le prototype de l’avion de ligne court-courrier Antonov An-148 il est alors difficilement concevable que le constructeur tenterait d’en développer une version à vocation militaire. Cependant moins de quatre ans plus tard, en juin 2009 il annonce lors du Salon du Bourget le développement d’une version légèrement allongée, appelée An-158. Et beaucoup alors y voient cette fois un futur avion de transport tactique. Quelques semaines plus tard Antonov révèle travailler sur fonds propres sur une telle machine.
Celui-ci a été baptisé Antonov An-178. L’avionneur vise alors le marché intérieur ukrainien et notamment le remplacement des Antonov An-26 Curl d’origine soviétique en dotation. Les relations en Kyïv et Moscou étant à cette époque encore très bonnes l’industriel propose son avion au Kremlin afin d’en faire le successeur également des Antonov An-12 Cub et Ilyushin Il-18 Coot militaires. Les autorités russes se disent alors très intéressées par l’avion sans pour autant signer le moindre chèque à destination d’Antonov. Celui-ci doit se débrouiller seul.
Afin d’être le moins dépendant possible de l’étranger, que ce soit de la Russie ou des pays européens, Antonov fait le choix du turboréacteur à double flux Progress D-436. Développé et produit en Ukraine celui-ci a déjà fait ses preuves sur l’avion de ligne soviétique Yakovlev Yak-42M Clobber-B. Malgré son âge le D-436 demeure extrêmement compétitif avec ses 7500 kilogrammes de poussée chacun.
Extérieurement l’Antonov An-178 se présente alors sous la forme d’un monoplan à aile haute cantilever doté de deux turboréacteurs à double flux D-436. Il est assemblé en métal et matériaux composites. L’An-178 possède un train d’atterrissage tricycle escamotable ainsi qu’un empennage en T. La cabine a été pensé pour emporter quinze tonnes de fret, treize seulement en configuration aérolargable. En configuration de transport mixte fret / personnels ce sont quarante-huit personnes qui peuvent prendre place à son bord avec un confort digne d’un avion de ligne ainsi que quatre tonnes de charges. En version tactique quatre-vingt-dix soldats armés peuvent embarqués à son bord ou soixante-dix parachutistes équipés.
Le premier vol du prototype est intervenu le 7 mai 2015. Quelques jours plus tard le monde découvre son incroyable manœuvrabilité due à ses commandes de vols électriques lors de l’édition 2015 du Salon du Bourget.
À cette époque Antonov a déjà fait une croix sur une possible vente à la Russie après que celle-ci ait envahie et annexée au printemps 2014 l’isthme ukrainien de Crimée. L’avionneur doit alors trouver d’autres débouchés. Cependant il doit se heurter à la concurrence féroce de l’Alenia C-27J Spartan II italien, de l’Airbus DS C-295 européen, et de l’émergent Embraer KC-390 Millennium qui lui aussi a volé quelques semaines avant le salon francilien. L’Arabie Saoudite et l’Azerbaïdjan l’approchent alors.
Les essais en vol se poursuivent tandis que les échanges économiques entre la Russie et l’Ukraine se font de plus en plus difficiles. La lettre d’intentions saoudienne est annulée en 2017, sur pressions de Moscou et des approches en provenance d’Arménie et de Biélorussie tombent également à l’eau. L’année suivante le ministère ukrainien de la défense commande seize avions, treize pour des besoins parapubliques et trois pour du transport tactique. L’année 2019 marque le premier contrat à l’export : l’Al Quwwat al Jawwiyah al Iraqiyyah, l’aviation militaire irakienne, fait part de sa commande de deux exemplaires. Elle sera imité quelques semaines plus tard par la Policia Nacional del Peru qui de son côté commande un unique exemplaire afin de remplacer son Antonov An-32 Cline.
On croit alors que tout sourit à l’An-178. La suite va démontrer que non.
La crise sanitaire mondiale due au coronavirus Covid-19 frappe durement l’Ukraine dès le début de l’année 2020. L’assemblage des deux premiers avions de série, destinés aux militaires ukrainiens, est stoppée. Elle ne reprendra lentement qu’à partir de Noël 2021.
Quelques semaines plus tard les usines Antonov sont sous les bombes, détruisant au passage l’unique An-225 Mryia, le plus grand avion de l’Histoire. En effet le 24 février 2022 sous un motif fallacieux le dictateur russe Vladimir Poutine décide d’envahir l’Ukraine. Son aviation bombarde les points névralgiques civils et militaires du pays, dont les usines d’aviation. Le programme An-178 est de facto stoppé de nouveau, là encore sans aucune certitude de reprise. Tout dépendra du bon vouloir du maître du Kremlin.
Avion fondamentalement moderne l’Antonov An-178 est sans doute aujourd’hui un des cargos volants les plus prometteurs. À condition bien sûr que la Russie laisse l’Ukraine reprendre sa production. À l’instar des An-70 et An-140 également militaires l’An-178 n’a jamais été codé par l’OTAN, celle-ci considérant Kyïv comme un partenaire voire un allié.
L’entrée en service opérationnel de l’avion est désormais annoncé pour le second semestre 2023.
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