Au temps de la guerre froide Oleg Antonov et ses équipes conçurent quelques-uns des avions de transport militaires parmi les plus réussis au monde. En service en URSS les bimoteurs Antonov An-14 Clod et An-26 Curl ou encore les quadrimoteurs An-12 Cub et An-22 Cock marquèrent durablement leur époque. Cependant après l’effondrement du bloc communiste l’avionneur, redevenu ukrainien, connut un sort assez similaire à ses désormais concurrents russes comme Ilyushin et Tupolev : la banqueroute. Celle-ci fut cependant de courte durée puisque trois plus tard l’avionneur revint avec de nouveaux appareils en développement, à l’image de l’An-140 construit en petite série.
C’est au Bourget en 1993 qu’Antonov suscita la surprise en annonçant travailler sur un bimoteur turbopropulsé de nouvelle génération. Sous l’égide de l’ingénieur en chef Piotr Balabuev cet avion devait permettre de donner un successeur au mythique An-24 Coke de transport civil et militaire. Pour autant les équipes ukrainiennes décidèrent de rompre avec l’architecture en vigueur en URSS et d’adopter celle dite à l’occidentale. Le futur avion ressemblait alors, en tous cas ses maquettes et vues d’artistes, autant à l’ATR-42 franco-italien, qu’au Bombardier Dash 8 canadien, ou encore au Fokker 50 néerlandais.
Afin de l’animé Balabuev fit appel à deux turbopropulseurs pourtant datées, les Klimov TV3-117 conçus à l’origine comme turbines pour les hélicoptères Kamov Ka-27 Helix et Mil Mi-8 Hip. Le motoriste ex soviétique et désormais russe Klimov offrit à son concurrent ukrainien Motor Sich de le produire comme TV3-117VMA-SBM1 sous la désignation AI-30. Celui-ci développait 2465 chevaux à l’unité et pouvait entraîner une hélice de nouvelle génération à six pales en matériaux composites. L’avionneur négocia également qu’une version occidentalisée soit animée par deux turbopropulseurs nord-américains Pratt & Whitney Canada PW127A de 2620 chevaux. Début 1995 la désignation d’Antonov An-140 apparut. Le client de lancement de l’avion fut la compagnie aérienne russe Aeroflot qui passa commande en juillet 1995 pour trois avions.
Extérieurement l’Antonov An-140 se présentait donc sous la forme d’un monoplan à aile haute droite bimoteur turbopropulsé. Sa cabine avait été pensée pour accueillir 52 passagers en version commerciale ou jusqu’à 44 parachutistes armés et équipés en configuration de transport tactique. Dans ce second cas l’avion était désigné An-140T. Doté d’un poste de pilotage biplace côte à côte il fut le premier avion de transport d’un ex pays de l’URSS a être pensé pour accueillir un système GPS. Son train d’atterrissage rétractable avait la capacité de modifier la pression des pneus en vol, comme sur de nombreux avions soviétiques dès les années 1980. Le prototype de l’An-140 réalisa son premier vol le 17 septembre 1997. La campagne d’essais en vol et de certification prit fin à Noël 2001 et en janvier suivant le premier avion volait. Sauf qu’entre temps Aeroflot avait annulé sa commande et que les trois avions avaient été rachetés par les forces aériennes russes comme appareils de servitude et de transport de personnels.
En fait les forces aériennes et aéronavales russes furent les principaux clients de ce petit bimoteur turbopropulsé ukrainien. Il faut dire qu’à l’époque les relations entre Moscou et Kyïv étaient plus que cordiales, franchement amicales. Les rares compagnies aériennes qui firent appel à l’An-140 furent russes, pour des vols intérieurs. Antonov tenta de proposer son avion aux compagnies européennes mais il demeurait encore trop soviétique pour elles. Une mauvaise image de marque renforcée par plusieurs incidents et accidents dont l’un d’entre eux en Azerbaïdjan en décembre 2005 causa la mort des 23 occupants de l’avion. C’est sa structure même qui fut mise en cause.
Afin de tenter de trouver de nouveau débouchés Antonov s’allia avec l’avionneur iranien HESA afin que celui-ci construise sous licence l’An-140 sous la désignation d’IrAn-140. Des exemplaires furent achetés par plusieurs compagnies intérieures ainsi que par les forces de police et par les Gardiens de la Révolution. Tous deux l’employèrent comme avion de liaisons et de transport de personnels. Malheureusement en Iran aussi l’An-140 connut son lot d’incidents et d’accidents, et notamment le crash en août 2014 d’un exemplaire de Sepahan Airlines. Dans l’accident 40 des 48 passagers et membres d’équipage furent tués.
La mort dans l’âme en 2016 Antonov annonça l’arrêt de la production de l’avion. Déjà à l’époque les exemplaires militaires russes ne recevaient plus de pièces détachées, l’invasion de la Crimée ukrainienne deux ans plus tôt avait rompu les relations entre les deux pays. Pour autant début 2024 les forces aériennes et aéronavales russes demeuraient, avec 11 exemplaires en service, les principaux utilisateurs de cet An-140. La guerre déclenchée en février 2022 contre l’Ukraine a obligé le ministère russe des situations d’urgence à se séparer de son unique An-140, un avion aménagé pour le transport médicalisé. Il avait notamment évacué des patients durant la pandémie de Covid-19 en 2020-2021.
À l’instar des Antonov An-70 et An-178 l’An-140 n’a jamais reçu de désignation OTAN. En fait la proximité diplomatique avérée entre l’Ukraine et les pays européens et nord-américains l’explique parfaitement. Objectivement parlant ce bimoteur n’a rien d’un avion réussi mais plutôt d’une machine bâclée, conçue et construite à la va-vite pour relancer son avionneur.
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