Il est souvent coutume de dire que l’Armée de l’Air a débuté les combats de la Seconde Guerre mondiale avec un matériel aérien largement dépassé, notamment vis-à-vis de celui aligné par l’Allemagne. Si on peut relativiser cet état de fait sur l’aviation de chasse, il est indéniable que d’autres éléments faisaient peur à voir, à l’image de la reconnaissance tactique. Ainsi entre 1939 et 1940, la majorité des avions de reconnaissance mis en ligne par la France étaient totalement obsolètes. L’appareil le plus représentatif était certainement le monoplan parasol ANF Les Mureaux 115.
En septembre 1934, l’état major français fit savoir aux responsables de l’avionneur ANF Les Mureaux qu’ils recherchaient un nouvel avion de reconnaissance, apte à des missions secondaires d’appui aérien rapproché. Afin de réduire les coûts d’utilisations ceux ci demandèrent que le nouvel avion soit développé à partir du modèle 113, un appareil solide et bon marché déjà en service pour la reconnaissance photo pure.
Les ingénieurs travaillèrent alors sur un nouvel avion désigné ANF Les Mureaux 115. Si extérieurement il reprenait dans les grandes lignes de son prédécesseur, il faut savoir qu’il disposait d’une avionique améliorée et d’une motorisation revue et corrigée. Mais c’est surtout son armement qui fut amélioré. Le premier prototype fut assemblé au mois de février 1935.
Il se présentait sous la forme d’un monomoteur monoplan parasol construit intégralement en métal. Doté d’un cockpit biplace en tandem, il est animé par un moteur Hispano-Suiza 12 Ycrs de 860 chevaux entraînant une hélice tripale en métal. Ce type de moteur était fréquent à l’époque dans l’Armée de l’Air puisque équipant notamment son chasseur standard, le Morane-Saulnier MS.406. Il disposait d’un train d’atterrissage classique fixe, disposant de roues carénées et d’un patin d’atterrissage. L’armement de l’ANF Les Mureaux 115 tournait autour d’un canon fixe de calibre 20mm tirant dans l’axe de l’hélice, de quatre mitrailleuses MAC de calibre 7.5mm, deux en position de chasse et deux sur affût mobile en place arrière. En outre il emportait 200 kg de bombes sur des points externes. Son premier vol intervint le 6 mars 1935.
Rapidement l’avion fut commandé en série par l’Armée de l’Air, connu comme R2 dans sa nomenclature, c’est à dire biplace de reconnaissance. Les ANF Les Mureaux 115 étaient alors utilisés exclusivement pour la reconnaissance photographique de jour. Vu le contexte international après l’accession au pouvoir d’Adolf Hitler la majorité de ces avions fut basée dans l’est de la France.
A partir du 120ème exemplaire de l’avion celui ci reçut la désignation d’ANF Les Mureaux 117. Sa principale différence résidait dans l’absence du canon de 20mm, une arme jugée trop puissante pour cet avion, et surtout réservé en priorité à l’aviation de chasse. Cette seconde version fut construite à 115 exemplaires.
En septembre 1939 quand la Seconde Guerre mondiale éclata les ANF Les Mureaux 115/117 étaient les principaux avions de reconnaissance photo diurne en service dans l’Armée de l’Air. A l’instar des Bloch MB-131 ils furent immédiatement affectés à des missions de reconnaissance au-dessus du territoire allemand. C’est d’ailleurs un 115 qui fut le premier avion de l’Armée de l’Air abattu par la Luftwaffe. Un Messerschmitt Bf-109 descendit en effet l’avion au-dessus de l’Allemagne dans l’après-midi du 8 septembre 1939. Son équipage fut tué. L’hécatombe des ANF Les Mureaux 115/117 ne faisait que commencer. Deux jours plus tard le 10 septembre ce sont deux de ces monoplans qui tombèrent sur une patrouille de chasseurs allemands alors qu’ils réglaient des tirs de l’artillerie française. Seul un des deux réussi à rejoindre sa base, mais avec l’observateur tué.
Le début du conflit est appelé « drôle de guerre » car les forces en présence ont passé pas mal de temps à se regarder les uns les autres sans jamais vraiment se combattre, mis à part quelques escarmouches en mer et dans les airs. Britanniques et Français étaient installés dans la ligne Maginot tandis que les Allemands les observaient depuis la ligne Sigfried, deux fortifications puissamment armées, mais finalement totalement obsolètes dans leur conception.
Pendant cette drôle de guerre les vols de reconnaissance se succédaient les uns aux autres, et notamment pour les équipages d’ANF Les Mureaux 115/117. Malgré la lenteur et la vulnérabilité de leurs avions, les pilotes français n’hésitèrent jamais à franchir les lignes ennemies pour rapporter le maximum de clichés. Cependant les pertes étaient élevées. L’un des principaux faits d’armes de ces pilotes fut le survol le 12 mai 1940 des Ardennes belges. Là les équipages repérèrent des colonnes de panzers prêtes à fondre sur les armées alliées. Malgré les photos rapportées jamais l’état major français ne prit cette information au sérieux. Grand mal leur en a pris, comme l’avenir allait cruellement leur faire comprendre.
Dès le début de la Bataille de France les ANF Les Mureaux 115/117 furent également engagés dans des opérations d’attaques légères et d’appuis aérien rapprochés. Sans aucune capacité de bombardement en piqué ces avions frappaient avec une assez grande fiabilité les troupes allemandes. Leur lenteur était devenue une qualité remarquable. Le 13 mai 1940 lors de la percée de Sedan des ANF Les Mureaux 115 et 117 participèrent à une contre-offensive face aux forces de la Wehrmacht. Ils détruisirent plusieurs panzers ainsi que des camions et des automitrailleuses. Cependant la couverture aérienne de la Luftwaffe mit fin aux espoirs des pilotes français.
Sur les plus de 200 alignés au début de la guerre, seule une petite vingtaine volait encore lors de l’armistice franco-allemand du 22 juin 1940. Quelques pilotes avaient notamment déserté avec leurs avions, pour rejoindre l’Angleterre lors de l’évacuation de Dunkerque. Ils furent intégrés dans la Royal Air Force, mais leurs avions avaient déjà été ferraillés par les Britanniques. En France les autorités allemandes d’occupation autorisèrent l’Armée de l’Air de l’Armistice à conserver quelques ANF Les Mureaux 117 pour des missions d’entraînement avancé et de liaisons. Cependant ces avions volèrent peu.
Appareil dépassé lors de l’entrée en guerre de la France en 1939, les ANF Les Mureaux 115/117 furent pourtant parmi les avions militaires de première ligne qui volèrent le plus jusqu’en juin 1940. Ils furent les avions les plus construits par ce constructeur méconnu de nos jours. Il ne semble plus en demeuré aucun de nos jours.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.