Albatros D.III

Si la Première Guerre mondiale vit l’émergence de l’aviation de chasse elle amena aussi la prise de conscience de l’importance du facteur humain dans cette nouvelle aventure. Former des pilotes prenait déjà du temps à l’époque et coûtait donc cher aux états-majors, aussi bien dans un camp que dans l’autre. Il fallait donc garantir au maximum leur sécurité. Et là encore chacun s’y attela, que ce soit dans la Triple Entente et ses alliés autant qu’en Allemagne et en Autriche-Hongrie. Un des premiers avions conçus spécialement dans l’optique de protéger à minima ses pilotes fut le biplan allemand Albatros D.III.

Au début de l’été 1916 la société Albatros assurait l’assemblage de plusieurs avions militaires comme ses biplans de reconnaissance B.II et C.I ou encore son chasseur D.II. Ce dernier servait déjà dans les rangs de la Luftstreikräft, avec une relative efficacité contre les avions britanniques et français. Parmi ces derniers cependant le Nieuport XI Bébé causait quelques cauchemars et insomnies aux généraux allemands.
Au point même qu’ils demandent à l’ingénieur Robert Thelen de développer une version dérivée du D.II en y incluant une voilure dérivée de celle du chasseur français. La technologie dite des mâts en V fit alors son apparition dans l’aviation impériale allemande.

Au moteur de 185 chevaux à six cylindres en ligne Daimler Type 6 d’origine Thelen préféra cependant le Mercedes D.IIIa de 175 chevaux d’une architecture similaire. Moins puissant celui-ci était cependant nettement plus sûr et moins sujet à des pannes. De la même manière les mitrailleuses synchronisées MG 07/12 de calibre 8 millimètres furent remplacées par des LMG 08/15 de calibre 7.92 millimètres également synchronisées ayant elles aussi moins tendance à s’enrayer quand elles chauffaient. L’une des autres innovations apportées par Robert Thelen fut le décalage vers la droite du radiateur, jusque là central. L’idée était de protéger le pilote des jets d’eau bouillante et de vapeur en cas d’impact par des tirs ennemis. Ces trois améliorations allaient de la part de l’ingénieur dans le même sens : rendre le nouveau chasseur le plus sûr possible pour les hommes qui allaient s’y installer.
Désigné Albatros D.III ce biplan réalisa son premier vol fin août 1916, soit seulement un mois et demi après le lancement du programme. Extérieurement l’avion ressemblait en fait à un D.II doté d’une voilure avec mâts en V.

Une première commande fut immédiatement placée pour 400 exemplaires, bientôt rejointe par 50 de plus. Ces derniers devaient en fait compenser les D.II qui ne seraient pas produits au profit de ces nouveaux D.III. Les premiers exemplaires entrèrent en service sur le front de l’Ouest en décembre 1916. Au début de l’année 1917 l’Albatros D.III devint même le principal chasseur des Jasta 4, Jasta 6, Jasta 10, et Jasta 11. Réunies ensemble ces quatre escadrilles formaient le Fliegende Zirkus placé sous les ordres de l’as Manfred von Richtofen. Ce dernier acquit d’ailleurs sa renommée et la majorité de ses victoires aériennes sur D.III avant de changer de monture pour son fameux Fokker Dr.I.

En fait au cours de l’année 1917 l’Albatros D.III était avec le Pfalz D.III l’un des deux principaux chasseurs en service dans l’aviation allemande. Aussi des pilotes de renoms comme Ernst Udet, Hermann Göring, Karl Emil Schäfer, ou encore Kurt Wolff volèrent sur cette machine. À l’été 1917 le moteur Daimler Type 6 du D.II fit son retour sur les chasseurs destinés aux aviations austro-hongroises, bulgares, et ottomanes. En fait Albatros voulait conserver les moteurs les plus sûrs pour la seule aviation allemande. C’est elle qui assurait 75% des vols. À la même époque une nouvelle commande fut passée pour 840 exemplaires supplémentaires pour la seule aviation allemande. Les aviations alliées de leur côté devaient se partager un total de 220 D.III.
Finalement à partir de début 1918 les Albatros D.III durent laisser la place en première ligne à des avions plus récents comme l’Albatros D.V et surtout le Fokker D.VII.

Pour autant la guerre était loin d’être terminé pour cet élégant chasseur biplan. La majorité des Albatros D.III se retrouva déployée dans les Balkans et en Méditerranée, notamment face aux aviations italiennes et grecques. Quand l’Armistice fut signée le 11 novembre 1918 un peu plus de 1800 exemplaires de ce chasseurs avaient été produits, certains avec des moteurs Daimler de 200 chevaux.
La fin des hostilités ne marqua pour autant pas la fin de l’aventure de ce biplan.

En effet des Albatros D.III furent réquisitionnés et utilisés, au titre des dommages de guerre par des pays aussi différents que le Hedjaz, la Lituanie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, ou encore la Yougoslavie. Ils servirent jusqu’au milieu de l’année 1923, époque à laquelle les aviations polonaises et yougoslaves les retirèrent du service. La carrière de ce chasseur venait de prendre officiellement fin.

Figurant parmi les principaux chasseurs allemands de la Première Guerre mondiale l’Albatros D.III est préservé dans plusieurs musée comme le Flugwerft Museum d’Oberschleissheim en Allemagne ou encore le Royal Air Force Museum de Hendon au Royaume-Uni. En outre au moins une réplique vole aux États-Unis.