La Première Guerre mondiale permit au secteur aéronautique britannique de se structurer et de sortir, à l’instar de ce qui se fit en France, de l’artisanat pour évoluer vers une véritable industrie. De l’assemblage de frêles aéroplanes tout juste bons à observer les champs de bataille elle évolua vers de véritables machines de guerre perfectionnées et robustes. Surtout cette aéronautique britannique sut s’adapter aux évolutions de la paix revenue en donnant naissance aux premiers avions de ligne, des appareils accueillant entre deux et quatre passagers sur des trajets très courts. L’un de ces pionniers fut un remarquable bombardier léger : l’Airco D.H.4.
Au début de l’année 1916 les Royal Flying Corps et Royal Naval Air Service possédaient bien une doctrine d’emploi de bombardier légers diurnes destinés à pilonner les troupes allemandes et austro-hongroises mais celle ci ne reposait sur aucun avion réellement adapté. Au lieu de cela les deux forces aériennes britanniques alignaient un mélange d’avions plus ou moins adaptés tels le monomoteur Royal Aircraft Factory R.E.7 ou encore le bimoteur Caudron G.4. Quelques avions d’entraînement Avro 504 étaient même employés dans ce sens, avec des résultats pas toujours au rendez-vous. Seul le Martinsyde G.100 Elephant semblait efficace, mais il n’était disponible qu’en nombre insuffisant.
Conscient du problème l’aviateur et ingénieur Geoffrey de Havilland décida de relever le défi et de proposer une machine simple et efficace pouvant assurer cette mission dans les plus brefs délais. La société Airco pour qui il travaillait baptisa l’appareil D.H.4. Ses équipes se focalisèrent sur un des meilleurs moteurs d’avion alors disponible en Grande Bretagne : le Beardmore HP à douze cylindres en V d’une puissance 120 chevaux. L’avionneur demanda au motoriste de le gonfler un peu de manière à atteindre les 160 chevaux. Mais les ingénieurs poussèrent le défi plus loin donnant au HP une puissance de 230 chevaux, du jamais vu à cette époque sur un monomoteur britannique.
Pour le reste Geoffrey de Havilland et ses équipes conçurent un appareil très académique dans sa forme générale : biplan d’envergure égale de construction mixte en bois entoilé et contreplaqué disposant d’un train classique fixe se terminant par patin de queue. L’armement proposé était pourtant assez puissant pour son temps : deux mitrailleuses Vickers de calibre 7.7 millimètres tirant en position de chasse et deux mitrailleuses jumelées Lewis de même calibre montées sur affût annulaire arrière. La charge de bombes, fixée sous voilure et en point centrale de fuselage atteignait les 209 kilogrammes. L’Airco D.H.4 était donc clairement un bombardier léger.
Son prototype réalisa son premier vol en août 1916.
Malgré des essais en vol très concluants Airco dut changer son fusil d’épaule concernant la motorisation. La société Beardmore se déclara incapable de suivre les demandes de l’avionneur en matière de production de son HP de 230 chevaux. À la même époque la société automobile Rolls-Royce avait conçu un remarquable moteur d’avion baptisé Eagle et dont la puissance débutait à 250 chevaux. L’un d’entre eux fut gréé sur l’Airco D.H.4 afin de reprendre les vols d’essais. Grâce à l’Eagle Mk-VIII de 375 chevaux le bombardier léger conçu par Geoffrey de Havilland se paya même le luxe d’être plus puissamment motorisé et plus rapide, une fois débarrassé de ses bombes, que la majorité des chasseurs alliés. Le D.H.4 avait enfin trouvé son moteur.
Les premiers exemplaires de série entrèrent en service en mars 1917.
Si le Royal Naval Air Service utilisa ses D.H.4 avec l’armement proposé par Airco le Royal Flying Corps de son côté préféra les acquérir avec une seule mitrailleuse sur affût mobile arrière et non deux. Cela n’augmentait pas la charge de bombes mais le rayon d’action des bombardiers.
Comme c’était devenu l’habitude depuis le début du conflit entre Britanniques et Français le D.H.4 fut proposé à l’Aéronautique Militaire qui à la grande surprise d’Airco déclina l’offre, non sans avoir essayé en vol l’avion. En fait l’aviation française se préparait à recevoir en unité un aéronef similaire : le Breguet Br.14. Des Airco D.H.4 furent cependant livrés à la Grèce et au Japon. Ce dernier ne reçut pourtant jamais les douze avions promis par Londres. Le cargo qui les transportait fut pris dans une tempête au large de Singapour et sombra avec sa précieuse cargaison.
Au-dessus de la Belgique et de la France les Airco D.H.4 ne tardèrent pas à se tailler une belle réputation comme bombardiers de jour mais aussi comme avions de reconnaissance armée. Surtout ce monomoteur était capable de tenir tête aux meilleurs chasseurs allemands du moment grâce à sa manœuvrabilité et à sa vitesse, en plus de son redoutable armement.
Quand la guerre prit fin en novembre 1918 un total de 1449 exemplaires avait été produit, dont environ un tiers par la jeune société Westland. Airco avait su faire fructifier son D.H.4 en développant une version profondément améliorée désignée D.H.9 qui s’imposa comme le meilleur bombardier britannique du conflit. Une vingtaine d’exemplaires fut livrée début 1918 comme hydravions à flotteurs de surveillance côtière. Malheureusement l’emploi de ces machines ne fut jamais vraiment probante.
La paix revenue ne sonna cependant pas le glas du D.H.4, loin de là d’ailleurs.
En septembre 1918 la société américaine Robertson Aircraft Corporation obtint d’Airco une licence de production locale pour le D.H.4 afin de l’adapter au marché civil naissant aux États-Unis. L’idée était alors de surfer sur un programme porté par son concepteur dès le début 1918 au travers de sept avions acquis par la jeune Royal Air Force sous la désignation D.H.4A. Il s’agissait d’avions dont le poste de mitrailleur avait été transformé en cabine fermé permettant l’accueil de deux passagers pour des missions de liaisons et de transport d’état-major. Les avions étaient totalement désarmés.
Robertson comptait bien produire ainsi de premiers véritables avions de ligne.
Dans le même temps les nouvelles sociétés Boeing et LWF acquirent elles-aussi des licences de production américaine du D.H.4, cette fois comme classique avion d’arme.
Airco développa également une version de transport postale qui fut reprise aux États-Unis.
Au début des années 1920 Boeing développa l’O2B, une version navale du D.H.4 destiné à l’US Navy et à l’US Marines Corps. Des versions spécifiques furent également produites après guerre en Belgique par la SABCA et en Union Soviétique par Polikarpov. Au final entre les version britanniques et étrangères ce biplan fut produit à 6295 exemplaires, majoritairement donc après-guerre et hors du Royaume-Uni.
Des Airco D.H.4 furent livrés à partir de 1919 aux aviations militaires américaines, belges, canadiennes, chiliennes, cubaines, espagnoles, iraniennes, mexicaines, néo-zélandaises, nicaraguiennes, soviétiques, sud-africaines, et turques.
Avion robuste et bien pensé l’Airco D.H.4 marqua un tournant dans la carrière de Geoffrey de Havilland. Grâce à lui l’homme se fit une renommée internationale et put ensuite engager le développement de sa propre entreprise, une des plus florissantes de l’histoire aéronautique.
De nos jours une quinzaine de D.H.4 est préservée dans des musées du monde entier, notamment au Museo del Aire de Madrid et au National Air & Space Museum de Washington DC.
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