Isolé sur l’île de Formose, au large des côtes chinoises, l’état de Taïwan cultive depuis les années 1970 une forme d’indépendance industrielle vis-à-vis de ses alliés américains et européens. Et cela est notamment visible au niveau de sa petite industrie aéronautique orientée principalement vers la sous-traitance au profit aujourd’hui d’Airbus et de Boeing.
Pourtant dans son histoire l’avionneur AIDC a produit quelques machines assez intéressantes, soit de sa propre conception soit adaptées d’aéronefs existant déjà. Dans cette seconde catégorie on retrouve notamment le petit avion d’entraînement basique PL-1 Chien-Shu issu d’un avion américain de construction amateur.
C’est en 1960 que l’ingénieur américain d’origine hongroise Ladislao Pazmany lança le développement d’un avion léger de tourisme et d’entraînement destiné au marché civil. Surtout il voulait que son appareil puisse être construit par monsieur et madame tout-le-monde, il le fit donc très simple à assembler. Le nouvel appareil reçut la désignation de Pazmani PL-1.
Le prototype réalisa son premier vol le 23 mars 1962.
Malheureusement pour Ladislao Pazmany son PL-1 était trop complexe pour être construit en version amateur. Les plans de trois exemplaires seulement furent acquis, ne donnant naissance qu’à deux avions. Le gros des avions produits aux États-Unis le furent dans l’usine de l’entreprise sise à San Diego en Californie.
À l’automne 1966 une mission d’achat taïwanaise fit le tour des avionneurs américains avec l’intention de trouver un appareil d’entraînement initial destiné à la Republic Of China Air Force. Celle-ci tenait à ce que le futur avion léger soit construit sous licence par AIDC avec des améliorations très nettes afin de le rendre apte aux exigences militaires. De grands avionneurs comme Beechcraft, Cessna, Mooney, ou encore Piper furent visités en premier. Cela n’eut aucun résultat. Cette même mission d’achat se rendit chez Pazmani.
Ladislao Pazmany lui déroula le tapis rouge. Non seulement il accepta toutes les clauses du contrat mais alla même plus loin en octroyant tous les droits de son PL-1 à AIDC pour les marchés militaires. L’ingénieur pensait en effet que malgré ses qualités son biplace n’avait que peu de chances d’être de nouveau commercialiser. AIDC signa le contrat au début de l’année 1967 et débuta rapidement l’assemblage de son prototype désigné PL-1B et baptisé Chien-Shu. Le vol inaugural fut réalisé auprès de l’usine taïwanaise le 26 octobre 1968.
À partir de là cinquante-huit exemplaires de série furent pris en compte par la ROCAF. Ils avaient deux missions : la sélection en vol des candidats et l’entraînement basique de ceux-ci devenus des élèves-pilotes. Les premiers exemplaires de série entrèrent en service en 1969 tandis que les derniers furent livrés en 1974.
Extérieurement l’AIDC PL-1B Chien-Shu se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever construit intégralement en métal. Il possédait un empennage classique et un train d’atterrissage tricycle fixe. Deux réservoirs de carburant étaient installés aux extrémités de voilure tandis que l’instructeur et son élève prenaient place dans un poste de pilotage biplace côte à côte. L’avion était animé par un Avco Lycoming O-320 à quatre cylindres à plat d’une puissance de 150 chevaux entraînant une hélice bipale en métal. Le PL-1B n’était pas prévu pour recevoir le moindre armement, sa mission de s’y prêtant guère.
C’est loin des projecteurs que la carrière de l’AIDC PL-1 Chien-Shu se joua. Avion ô combien discret il sélectionna et forma l’intégralité des pilotes taïwanais. C’était un avion réputé sûr, pardonnant beaucoup les erreurs de pilotage, notamment lors des phases d’atterrissages et de décollages. Il possédait même quelques qualités de voltige aérienne, essentielles pour les vols de sélection. Il fut dotés de panneaux day-glow, c’est à dire de surfaces repeintes en rouge orangé au niveau du moteur, de la casserole d’hélice, des réservoirs d’extrémité de voilure, et de l’empennage. Cela permettait d’identifier immédiatement l’appareil comme un avion-école.
L’AIDC PL-1 Chien-Shu demeura dans ce rôle jusqu’au début des années 1990, époque à laquelle il fut totalement remplacé par le Beechcraft T-34C Turbo Mentor. Une trentaine resta cependant en service afin de continuer les missions de sélection en vol mais aussi de remorquage de cibles pour les formations au tir. Finalement la Republic Of China Air Force retira du service l’intégralité de sa flotte de PL-1B en 2006, sans toutefois trouver un successeur à ce petit avion d’origine amateur.
La licence de production octroyée à AIDC permit de revendre six avions à la Sri Lanka Air Force en 1986. Il s’agissait d’avions militaires pris sur les stocks de la ROCAF. Ils furent utilisés jusqu’au milieu des années 1990. Par ailleurs l’avionneur taïwanais autorisa l’entreprise Nurtanio à produire quatre exemplaires pour les besoins militaires de l’Indonésie. Ils servirent quelques années comme avions de sélection avant d’être remplacés par des Cessna T-41D Mescalero. Taïwan sut ainsi faire fructifier son accord avec Pazmani.
Ironie de l’Histoire une dizaine d’exemplaires retirée du service par la ROCAF se retrouva à voler sur le marché civil de seconde main aux États-Unis. C’est ainsi qu’il n’est pas rare de nos jours de croiser un AIDC PL-1B Chien-Shu lors de meetings aériens parmi les warbirds. À Kaohsiung le Republic of China Air Force Museum préserve et expose actuellement un de ces petits avions d’entraînement.
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