Dans le courant des années 1950 les États-Unis et l’Italie signèrent un protocole d’accord industriel entre Agusta et Bell. Il visait à ce que le premier puisse produire pour l’Europe occidentale le Model 47 du second. Cependant personne sans doute à l’époque ne pouvait imaginer qu’une véritable success story venait de naitre et allait déboucher sur un succès de plus de quarante ans. Dans le domaine militaire et parapublique c’est véritablement l’Agusta-Bell AB-204 qui allait marquer les esprits.
C’est en 1961 après que l’accord signé entre les deux hélicoptéristes ait permis de populariser le Bell 47 en Europe qu’Agusta demanda qu’il soit élargi au tout nouvel hélicoptère de l’US Army : le HU-1A Iroquois. En effet l’Aviazione dell’Esercito, l’aviation de l’armée italienne, s’intéressait à lui afin de développer le concept d’aéromobilité alors très en vogue aux États-Unis et en France. Les retours d’expériences des opérations de ces deux pays avaient démontré la nécessité de devoir déployer des troupes au sol grâce à des flottes d’hélicoptères. Agusta et Bell élargirent l’accord à la fin de l’année 1962 autour d’un modèle : le Bell 204B, version civile de l’UH-1B Iroquois alors en dotation dans l’US Navy et surtout l’US Marines Corps. L’appareil était appelé à devenir Agusta-Bell AB-204.
Un temps le constructeur italien tenta de négocier un changement de motorisation au profit de la turbine française Turboméca Astazou VI de 1475 chevaux de puissance. Il se heurta un refus net qui faillit même faire renoncer les responsables de Bell à l’accord. Finalement l’AB-204 devrait se contenter de la Lycoming T53-L-11A d’origine de «seulement» 1100 chevaux. Pourtant le constructeur italien réussit à apporter ça et là quelques petites modifications comme des indicateurs en systèmes métriques, des équipements de communication fabriquées en Italie ou en France, ou encore un treuil mécanique extérieur développé par ses soins. L’accord d’exportation prévoyait que Bell donne son accord à Agusta avant la signature de tout contrat. Il s’agissait ainsi pour le constructeur américain de ne pas griller ses possibilités d’exportation au profit d’Agusta.
Logiquement le premier client fut l’Aviazione dell’Esercito qui passa commande pour 48 exemplaires. Les premiers d’entre eux entrèrent en service sous la désignation EM-1 (pour Elicottero di Manovra n°1) dès l’été 1963. L’apparition de ces hélicoptères fut un déclic pour plusieurs clients européens qui avaient tous un point commun : ils n’étaient pas membres de l’OTAN. Malgré cela ils voulaient des Huey sans pour autant devoir les acheter aux États-Unis. L’Agusta-Bell AB-204 devint alors la machine idéale.
En parallèle de l’Aviazione dell’Esercito l’Aeronautica Militare passa également commande pour 43 exemplaires dédiés à des missions de recherches et de sauvetages et d’évacuation sanitaire.
Le premier client export dès l’année 1963 fut la Luftstreïkraft, l’aviation militaire autrichienne. Elle fit l’acquisition de vingt-six machines qui furent là encore ses premiers hélicoptères d’assaut et de manœuvres. Afin de satisfaire les Autrichiens le constructeur italien étudia des atterrisseurs amovibles permettant aux patins des AB-204 de se poser dans la neige. Ironie de l’histoire une licence de fabrication pour cet équipement fut ensuite cédé à… Bell Helicopter aux États-Unis. Les deux constructeurs se nourrissaient l’un l’autre de leurs réussites sur cette machine. Au cours de cette même année 1963 c’est la Koninklijke Marine, l’aéronavale néerlandaises, qui acheta neuf AB-204 pour des missions de recherches et de sauvetages en mer. Afin de les remplir ils furent dotés de sac de flottaison. Le contrat signé entre Rome et Amsterdam fut très moyennement accepté par les Américains mais ils le laissèrent se faire car le Pentagone avait de gros besoins en UH-1A et UH-1B. D’autant que la version italienne du Huey marquait alors des points avec un autre pays européen non aligné : la Suède. La Svenska Armen, l’armée, acheta quatorze exemplaires qui furent connus localement comme Hkp-3. De la même manière qu’avec les Pays-Bas Agusta dut batailler avec Bell afin d’arracher un contrat pour trente-six machine avec l’armée turque. Finalement celui-ci se fit. La Türk Kara Kuvvetleri fut la seule force militaire non européenne à voler sur AB-204.
Devant le succès de l’hélicoptère l’industriel italien négocia en 1966 le développement d’une mission qui n’existait pas aux États-Unis sur Huey : la lutte anti-sous-marine. Après avoir consulté l’US Navy qui confirma ne pas s’y intéresser, utilisant alors des Kaman SH-2 Seasprite qui lui convenaient parfaitement le constructeur américain donna son feu vert. L’Agusta-Bell AB-204AS venait de naître. Outre un radar météo et un système de guidage intégré le nouvel hélicoptère pouvait emporter une torpille de 550 kilogrammes de facture italienne. La Marina Militare fit l’acquisition de trente-cinq exemplaires destinés à ses navires de surface tandis que la Türk Deniz Kuvvetleri, la marine turque, en acheta onze.
Agusta tenta alors de placer sept exemplaire auprès de l’Armada, la marine espagnole. Le contrat fut signé en 1965 mais rapidement transformé afin que les hélicoptères soient livrés sans armement ni système de guidage. Les AB-204AS espagnols furent engagés comme hélicoptères de recherches et de sauvetage.
L’Agusta-Bell AB-204 connut également une carrière non négligeable comme hélicoptère de soutien aux missions parapubliques, pour forces de l’ordres et unités civiles de sauvetages. Au sein du Vigili del Fuoco, les pompiers italiens, il fut même le premier hélicoptère en dotation équipé d’un Bambi bucket afin de mener des opérations de lutte contre les feux de forêts. Quand l’AB-204 fit son apparition avec cette équipement en 1966 les soldats du feu italiens étaient des précurseurs en Europe. Les Carabinieri italiens et la Jandarma turque furent les principales forces de l’ordre à acquérir des AB-204, principalement pour des missions de transport et de maintien de l’ordre.
Même s’il se vendait bien l’Agusta-Bell AB-204 connut quelques échecs à l’international. Le plus flagrant fut avec l’Irish Air Corps qui lui préféra le Sud-Aviation SA.316B Alouette III plus compact mais plus adapté à ses besoins. Une Alouette III que le Portugal préféra également à l’hélicoptère italien. Des pourparlers furent entamés avec la Yougoslavie titiste mais cette fois c’est Washington DC qui apposa son véto. Ce pays «communiste» non aligné était sa chasse gardée !
S’il ne reste aujourd’hui plus aucun Agusta-Bell AB-204 en service dans une quelconque force en Europe ou en Turquie cet appareil eut un retentissement important dans l’histoire de l’hélicoptériste italien. Ses réussites permirent de développer ensuite l’AB-205 directement dérivé du UH-1H Iroquois et même le biturbine AB-212ASW qui se nourrit des enseignements de l’AB-204AS. De nos jours des AB-204 sont préservés dans des musées en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas, en Suède, et en Turquie. Preuve en est que cette machine marqua son époque.
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