Il n’est pas rare dans l’histoire de l’aviation qu’une machine réellement réussie puisse donner naissance à des sous-versions voire à des évolutions toute aussi bien ficelées. L’exemple type étant sans doute l’avion de transport tactique américain Lockheed C-130 Hercules américain. À contrario certains aéronefs très réussis n’ont jamais réussi à être à l’origine d’une descendance digne de ce nom, ce qui se vérifie d’ailleurs autant dans l’aviation civile que militaire. L’un des exemples frappant de ces avions ratés issus d’un chef d’œuvre technologique fut le jet d’entraînement français demeuré à l’état expérimental Aérospatiale CM.90 Fouga 90.
Au tout début des années 1970 l’Armée de l’Air émit un cahier des charges relatif à un futur jet d’entraînement permettant le remplacement des Fouga CM.170 Magister et Lockheed T-33 T-Bird alors en dotation. En fait il s’agissait d’une manœuvre politique suite à la création d’un consortium franco-allemand regroupant Dassault-Breguet et Dornier autour de la conception d’un biréacteur de nouvelle génération. Dans le paysage aéronautique français de l’époque personne ne s’attendait à ce qu’un autre candidat se mette sur les rangs.
Pourtant la toute jeune Société Nationale Industrielle Aérospatiale comptait bien proposé un avion.
Aérospatiale comptait appuyer sa candidature sur un avant-projet imaginé quelques années plus tôt par les ingénieurs Robert Castello et Pierre Mauboussin, les deux papas du CM.170 Magister. Pourtant depuis 1964 et le cuisant échec du CM.173 Super Magister construit par Potez beaucoup savaient en France qu’un tel avion n’attirait plus réellement l’engouement des militaires. Alors pourquoi un tel avion ? Tout simplement parce que les dirigeants d’Aérospatiale ne croyaient pas du tout dans le consortium de Dassault-Breguet et Dornier.
L’expérience du Potez-Heinkel CM.191 laissait un goût amer aux ingénieurs français qui croyaient vraiment en ce quadriplace éclipsé par le Morane-Saulnier MS.760 Paris.
Le futur avion reçut la désignation officielle d’Aérospatiale CM.90 et le nom de baptême de Fouga 90. En effet dans l’esprit des dirigeants de la SNIAS il s’agirait de l’avion vedette des années 1990, donc du futur. Et entre cette machine et le CM.170 Magister le lien de parenté était évident. D’abord grâce au fameux empennage papillon (ou empennage en V) conservé sur le CM.90 puis avec la voilure et le fuselage très similaires.
Quand le 26 octobre 1973 le prototype de l’Alpha Jet franco-allemand réalisa son premier vol l’assemblage du prototype Fouga 90 n’avait même pas débuté. Et de manière assez surprenante le nouvel avion de Dassault-Breguet et Dornier influença grandement son futur concurrent. L’avant des deux biréacteurs était très similaire.
Extérieurement l’Aérospatiale CM.90 Fouga 90 se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse en flèche. De construction entièrement métallique l’avion est animé par deux turboréacteurs Turboméca Astafan Mk-IIG d’une puissance unitaire de 695 kg de poussée. Les deux membres d’équipage prenaient place dans un cockpit biplace dont la place arrière était surélevée. Outre son train tricycle escamotable et son empennage papillon il conservait la roulette de queue issu du Magister. Bien que non montés sur le prototype deux canons de 20mm devaient être installés sous le nez de l’appareil. Le Fouga 90 avait été conçu pour emporter jusqu’à 750 kilos de charges externes sur quatre points.
C’est dans cette configuration que son premier vol eut lieu le 20 août 1978 sous l’immatriculation temporaire française F-WZJB.
Les essais en vol démontrèrent des qualités satisfaisantes mais pas d’extraordinaire. En fait le Fouga 90 français se révéla très rapidement bien inférieur à l’Alpha Jet franco-allemand, notamment en raison d’une sous-motorisation avérée. Manœuvrable mais pas assez pour satisfaire l’Armée de l’Air il vit son concurrent remporter logiquement la compétition en juillet 1979.
Décidant de surfer sur le succès du CM.170 Magister à l’export les responsables d’Aérospatiale décidèrent de le proposer à l’étranger. Ayant tirés les enseignements de l’échec français ils changèrent la motorisation de l’avion. Les Astafan Mk-IIG furent déposés au profit d’Astafan Mk-IVG de 790kg de poussée chacun. Mais là encore l’Alpha Jet et les autres jets de l’époque se vendaient mieux et emportaient les marchés. Aermacchi MB-339 italien, BAe Hawk britannique, et Casa C-101 Aviojet espagnol étaient tous trois plus réussis globalement que ce Fouga 90.
Finalement début 1983 Aérospatiale décida de ne plus jamais proposer à la vente son Fouga 90. Ainsi se terminait la saga initiée par Castello et Mauboussin. Anecdote sympathique : l’avion était présentée dans une livrée rappelant celle des avions de la Patrouille de France de l’époque : le CM.170 Magister. L’échec du Fouga 90 n’est pas sans rappeler celui du Socata TB.31 Oméga quelques années plus tard.
Après l’arrêt du programme l’avion passa de hangars en hangars avant de terminer dans ceux du groupe Airbus à Saint-Nazaire.
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