Parmi les nations européennes mineures de l’histoire de l’aviation feue la Tchécoslovaquie tient une place à part. En effet sa production a su s’exporter aussi aisément que celles des constructeurs allemands, britanniques, ou encore français et ce dès les années 1930. Durant les années d’après-guerre l’avionneur tchécoslovaque Aero a été capable de produire des avions d’entraînement et d’attaque de grande qualité . Un de ses derniers modèle eut pourtant beaucoup à pâtir de la fin de la guerre froide, malgré une conception d’une excellente facture : l’Aero L-59 Super Albatros.
C’est à la fin de l’année 1985 que les ingénieurs d’Aero eurent l’idée de développer une version profondément modernisée du L-39 Albatros, son jet à succès. Leur idée était de se basé sur le nouveau réacteur soviétique à double flux Lotarev-ZVL DV-2 d’une poussée de 2200kg. Le nouvel avion devait en outre intégrer d’autres évolutions comme un collimateur tête haute, une première pour un jet d’entraînement conçu à l’est. Mais l’architecture de l’avion fut elle-aussi redessinée. Le profil de l’aile fut modifié tout comme le nez tandis que des réservoirs d’extrémités de voilure plus aérodynamiques furent installés. Mais surtout un atout de sécurité fut apporté : des sièges éjectables de nouvelle génération dits zéro-zéro.
Trois prototypes furent commandés alors de l’avion connu comme Aero L-39MS. Deux devaient rejoindre le constructeur et la force aérienne tchécoslovaque tandis que le troisième avait pour but à terme de servir de plastron volant pour le motoriste soviétique.
Le premier d’entre-eux réalisa son vol inaugural le 30 septembre 1986. Il fut suivi par les deux autres l’année suivante : le 26 juin et le 6 octobre 1987. Extérieurement le nouvel avion semblait un peu plus aérodynamique mais seuls de véritables experts pouvaient faire la différence entre les L-39 d’origine et ce L-39MS. Afin de rassurer l’avionneur la force aérienne tchécoslovaque passa commande début 1988 pour cinq exemplaires de série qui viendraient s’ajouter au deuxième prototype qu’elle utilisait déjà.
L’effondrement du mur de Berlin en novembre 1989 et l’implosion programmée du bloc communiste balaya les espoirs d’Aero de vendre son avion à l’Union Soviétique. Bientôt d’ailleurs celle-ci n’existerait plus. Fort d’un carnet d’adresses hors du commun le constructeur commença à prospecter les clients potentiels à l’export. De ce fait le L-39MS devint L-59 et on décida de lui attribué le patronyme de Super Albatros.
Et c’est vers le monde arabe et l’Afrique que l’avionneur se tourna. Des contrats furent un temps envisagés avec des pays comme l’Angola, l’Irak, ou encore la Libye mais c’est finalement l’Égypte qui en 1991 passa commande pour quarante-huit exemplaires. Il s’agissait pour ce pays de trouver un avion d’entraînement avancé capable de voler aux côtés de ses Alpha Jet MS1 franco-allemands. Les Super Albatros égyptiens furent livrés à partir de 1993 sous la désignation L-59E. Ils étaient employés dès lors notamment pour la formation au tir air-sol.
En 1992 un second contrat d’exportation fut signé avec la Tunisie pour cette fois douze avions. les Tunisiens avaient décidé que leurs Aero L-59T seraient utilisés à la fois pour l’entraînement avancé mais également pour des missions d’attaque légère et d’appui aérien rapproché en renfort de leurs quinze Northrop F-5E/F Tiger II. Les Super Albatros tunisiens furent notamment engagés pour des patrouilles armées le long de la frontière commune avec l’Algérie afin de veiller à ne pas «accueillir» de terroristes islamistes en fuite depuis ce pays voisin. Les avions de facture tchécoslovaques évoluaient alors avec un canon bitube GSh23 de 23mm et deux à quatre paniers de roquettes de 57mm. Un armement rustique qui s’avéra parfaitement adapté à ce type d’ennemi.
En 1993 quand la Tchécoslovaquie disparut le constructeur Aero tomba dans l’escarcelle tchèque. Les six L-39MS de l’ancienne force aérienne furent alors partagés. Quatre allèrent à la Tchéquie et les deux autres à la Slovaquie. Ils y demeurèrent jusqu’au début des années 2010 mais pour des raisons souvent de manque de rationalité ils furent peu à peu retirés du service. Cinq d’entre-eux furent revendus sur le marché de seconde main des avions de collection, notamment aux États-Unis et le sixième repeint aux couleurs du premier prototype prit la direction d’un musée aéronautique local.
L’Aero L-59 Super Albatros a donné naissance à deux avions radicalement modernisés : le L-139 Albatros 2000 qui demeura sans suite, ne dépassant pas le stade du prototype, et le L-159 ALCA qui lui a été produit en série. Au total le L-59 a été construit à hauteur de 68 exemplaires, prototypes compris. C’est globalement un très bon jet d’entraînement et un avion léger d’attaque et d’appui rapproché assez réussi mais qui est arrivé au mauvais moment : la fin de la guerre froide. Son remplacement dans les rangs égyptiens et tunisiens n’était pas à l’ordre du jour à la mi-2019.
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