Une opération aéroportée de la CÉDÉAO est t-elle envisageable face aux militaires factieux du Niger ?

Alors que ce jeudi 10 août 2023 en fin d’après-midi la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest a donné son feu vert à une intervention armée contre la junte militaire ayant renversé le pouvoir démocratique au Niger des rumeurs font désormais état d’une possible action aéroportée dans les prochaines heures. Un tel scénario est t-il envisageable sans l’assistance de puissances tiers comme les États-Unis et/ou la France ? Et surtout quels pays pourraient ainsi agir sous mandat de la CÉDÉAO en mettant à dispositions avions de transport tactiques et hélicoptères d’assaut. Le risque d’embrasement de la région est très élevé en raison de la prise de position des dictatures militaires du Burkina-Faso et du Mali en faveur de leurs homologues au Niger.

En parallèle de cette décision martiale la CÉDÉAO dit continuer à privilégier la solution diplomatique tout en maintenant une épée de Damoclès au-dessus des officiers séditieux nigériens à l’origine de ce coup d’état. À la manœuvre sur le champ strictement militaires trois pays ouest-africains pourraient tirer leur épingle du jeu : la Côte d’Ivoire, le Nigéria, et le Sénégal. Dans ce dernier pays le président Alassane Ouattara espère le déclenchement d’une opération «dans les plus brefs délais». Cette action militaire n’est en fait en rien une surprise puisqu’elle était dans les tuyaux depuis dimanche dernier et la fin de l’ultimatum lancé par la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest.

Parachuter des troupes aéroportées sur la capitale nigérienne n’est pas une chose aisée. D’abord parce que Niamey n’est pas une petite ville, c’est une mégapole de près de deux millions d’habitants grande comme un peu plus de deux fois Paris et traversée en son centre par le fleuve Niger. L’une des options les plus évidentes pour les forces de la CÉDÉAO sera de prendre l’aéroport international Diori-Hamani où se trouve notamment la Base Aérienne Projetée de l’Armée de l’Air et de l’Espace ainsi que des éléments de l’US Air Force. Peu de risques que les éléments américains et français viennent s’opposer à une action visant à rétablir la démocratie au Niger et donc aider à sa stabilité institutionnelle. D’autant que la plus part des pays membres de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest sont alliés de Paris ou de Washington DC voire dans certains cas des deux. Une action aéroportée au cœur de la ville est inenvisageable en raison de l’urbanisation de Niamey.

Reste ensuite à disposer d’avions de transport tactique. Très peu de chance que Paris prête ses Airbus DS A400M Atlas et que Washington DC en fasse de même avec ses Lockheed-Martin C-130J Super Hercules. Il faut donc compter sur des appareils appartenant aux pays membres de la CÉDÉAO. Les seuls avions actuellement adaptés à une telle missions sont disparates.

La Côte d’Ivoire pourrait aligner ses deux vieux Antonov An-26 Curl d’origine ex-soviétique, le Ghana de son côté deux Airbus DS C-295 nettement plus modernes, le Nigéria est le seul pays à aligner des Hercules sous la forme de trois Lockheed C-130H auquel il peut ajouter un vieil Aeritalia G.222, et enfin le Sénégal possède deux Casa CN-235M. C’est ce qu’en bon français on appelle une «armée à la Bourbaki» du nom du célèbre général du Second Empire Denis Bourbaki.

L’autre option envisageable pour «prendre» Niamey et ses centres du pouvoir putschiste est le recours à des hélicoptères d’assaut appuyés d’hélicoptères de combat. La capitale nigérienne se trouve en effet à moins de 300 kilomètres du Nigéria et à seulement 250 du Bénin, membre de la CÉDÉAO. Ce dernier pays pourrait parfaitement servir de point de départ à une telle action opérationnelle ouest-africaine. Cette fois la flotte aérienne serait légèrement plus homogène, faisant la part belle au Mil Mi-8 Hip ex-soviétique et à ses dérivés modernisés. Ainsi le Ghana possède quatre Mil Mi-17 Hip-H et deux Mi-171 Hip-K d’origine russe tout comme le Nigéria qui en aligne six en plus de cinq Eurocopter AS.332L Super Puma et de deux Bell 412EP spécialement adaptés aux opérations spéciales. Deux Mi-17 Hip-H figurent également dans l’inventaire sénégalais. On remarquera que contrairement à l’Asie du Sud-Est et à l’Amérique centrale l’Afrique occidentale n’est pas particulièrement attirée par le mythique Huey américain. Elle continue de faire confiance aux hélicoptéristes européens et russes.

Afin de protéger ces forces d’assaut, et peut-être aussi de jouer un rôle dissuasif face aux militaires nigériens séditieux, le recours à des hélicoptères d’escorte est largement envisageable. Le Ghana pouvant alors faire appel à ses quatre Harbin Z-9 Haitun d’origine chinoise déjà aperçus armés tandis que le Nigéria et le Sénégal offriraient leurs puissants Mil Mi-24 Hind et dérivés. Les deux Aérospatiale SA.342L Gazelle togolaises sont de leur côté adapté à l’emport et au tir de missiles HOT.

Bien sûr à l’heure où ces lignes sont écrites il ne s’agit encore que d’hypothèses de travail. La diplomatie doit tout faire pour permettre la fin de ce coup d’état et la reddition des officiers factieux. C’est seulement comme cela que le président nigérien Mohamed Bazoum pourra retrouver son poste et le pays sa stabilité institutionnelle. En filigrane trois pays non africains semblent porter les clefs de ce bras de fer entre démocratie et autocratie : les États-Unis et la France d’un côté et la fédération de Russie de l’autre. Reste à savoir si Moscou, Paris, et Washington DC réussiront à éviter la guerre.

Car la crainte autour d’une action militaire de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest est bien l’escalade vers une guerre du Sahel. Car au Burkina-Faso et au Mali les juntes militaires soutenues par la Russie, et respectivement aux mains des dictateurs Ibrahim Traoré et Assimi Goïta ont promis de s’engager aux côtés de la junte nigérienne en cas d’intervention étrangère. Goïta et Traoré pourraient ainsi mettre le feu aux poudres dans la région… sauf bien sûr s’ils venaient à se dégonfler face à une action de la CÉDÉAO trop rapide et trop efficace.
Par ailleurs n’oublions pas que Niamey «accueille» 2500 soldats alliés, 1500 de nationalité française et 1000 de nationalité américaine. Et que dans les deux cas on compte des forces spéciales aguerries aux opérations urbaines ainsi que des aéronefs, pilotés ou non, à même d’apporter une aide substantielle aux forces ouest-africaines.

Si la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest en venait tout de même à déclencher un action militaire conjointe contre les officiers séditieux nigériens cela serait aussi la démonstration d’une superbe indépendance de ces pays vis-à-vis des deux anciennes puissances coloniales que sont la France et la Grande Bretagne. Et donc un excellent message envoyé à l’avenir pour ceux qui voudraient faire vaciller la démocratie en Afrique.

Photo © Nigeria Air Force.


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Arnaud
Passionné d'aviation tant civile que militaire depuis ma plus tendre enfance, j'essaye sans arrêt de me confronter à de nouveaux défis afin d'accroitre mes connaissances dans ce domaine. Grand amateur de coups de gueules, de bonnes bouffes, et de soirées entre amis.
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Commentaires

9 Responses

  1. Bonjour Arnaud, merci pour cet article fort intéressant.
    Je me permet une petite critique, au deuxième paragraphe la tournure de phrase « Dans ce dernier pays » laisse à penser que Mr Ouattara est le président du Sénégal, or c’est celui de la Côte d’Ivoire.
    Cela ne change rien à l’intérêt de cette synthèse sur les moyens présent sur cette région relativement peu couverte par les médias spécialisés.

  2. Attention au Mali si celle ci s’insère dans le conflit. Grâce aux russes ils possèdent maintenant MIL MI 35, SU 25 et L39C en plus des MIL MI 24 et Tucano d’avant sans oublier les drones TB2 même si la plupart de ces aéronefs ont les pattes trop courtes pour faire l’aller retour jusqu’à Niamey.
    J’espère que la France ne va pas se mêler d’une manière ou d’une autre à ce conflit, sinon on se fera traiter encore de Néocolonialiste continuateur de la Françafrique.

    1. Tiens un Dimitri, tu aurais pu essayer de te fondre dans la brume de la propagande, mais la c’est raté

      Allez bon retour à Moscou

      1. Là où votre commentaire tombe à l’eau, pardon plonge même au plus profonds des abysses, c’est que Dimitri est un de nos lecteurs et commentateurs les plus fidèles, les plus fiables, et les plus respectueux qui soient. De grosses différences donc avec vous Lecoq !

      2. Je crois que vous n’avez pas compris le sens de mon commentaire. C’est pas bon d’être parano a ce point. Faut consulter.

  3. Le Sénégal à laviation militaire le plus fort d’Afrique devant le Nigéria. Nos pilotes apprenne en Amérique et en France. Le Sénégal n’a peur de personnes.

  4. OK pour les appareils, leur état reste à confirmer.
    Par contre quel emport de parachutistes cela représente ?
    Est-ce que ça suffit pour prendre un pays comme le Niger ?
    Que se passera-t-il si des tirs perdus causent des pertes françaises ou US sur la base de Niamey ?
    Une telle opération me parait très hasardeuse.
    C’est un peu différent de faire la guerre en vrai et sur Nintendo

  5. Pas sur que la force numeriquement soit du cote cedeao face au etats puchiste parrainée par les « antinazis ».
    Oseront ils ou pas y aller? Mais comme cité dans l’article cela sera plus terrestre car dans les airs ils ne sont pas optimisés

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