Symboles contemporains de puissance et de force, à l’image du Liaoning chinois ou de l’USS Gerald R. Ford américain, les porte-avions n’ont pas toujours été des navires conçus dès le départ pour embarquer et mettre en œuvre des aéronefs. Pourtant les premiers d’entre eux furent souvent de conventionnels navires de guerre modifiés ensuite afin d’accueillir des avions voire des hydravions, tels les Béarn français et HMS Furious britanniques. Sur ce second bâtiment le tout premier chasseur spécialement conçu pour opérer depuis un pont d’envol fut le frèle Beardmore W.B.III.
À l’automne 1916 des officiers du Royal Naval Air Service proposent à la Royal Navy de développer un avion capable de décoller et de venir se poser une fois sa mission terminée sur un pont spécialement aménagé à bord d’un croiseur. Les amiraux britanniques acceptent le challenge et identifient le Sopwith Pup comme l’avion idéal. Il doit néanmoins subir quelques modifications afin de pouvoir opérer depuis un tel navire. Thomas Sopwith charge alors son partenaire William Beardmore du programme. La société de ce dernier fabrique déjà depuis plusieurs semaines des Pup dans ses propres ateliers et possède de ce fait tous les plans et toutes les côtes.
Le futur chasseur embarqué reçoit alors la désignation de Beardmore W.B.III.
Le prototype est rapidement assemblé, reprenant 80% des éléments du Sopwith Pup. Seuls véritables nouveautés les mâts d’entretoise ont été redessinés tandis que le train d’atterrissage a été renforcé. Le fuselage du W.B.III est par ailleurs légèrement rallongé. La Sa motorisation est assurée par un moteur rotatif français Le Rhône 9C à neuf cylindres en étoile. L’armement de ce chasseur se résume alors à une unique mitrailleuse de calibre 7.7 millimètres.
C’est pourtant sans arme que le W.B.III réalise son premier vol le 7 février 1917. Il est aussitôt remis au Royal Naval Air Service.
En août 1917 le Squadron Commander Edwin H. Dunning entre dans l’Histoire en devenant le premier aviateur à apponter à bord d’un bâtiment de guerre, en l’occurence donc le HMS Furious. Son avion est cependant un Pup terrestre à peine modifié. Le retentissement de son exploit dépasse largement les frontières britanniques, et est commenté jusqu’en France et au Japon.
Mais pourquoi un Pup et pas le prototype W.B.III ? Plus d’un siècle plus tard cette décision demeure obscure, il semble qu’en fait Dunning cumulait plus d’heures de vol sur le chasseur terrestre et que du coup il le préféra à sa version embarquée.
Cent Beardmore W.B.III sont ensuite commandés par le Royal Naval Air Service qui leur attribue la désignation officieuse de SBF, pour Ship-Board Folding. Cela signifie alors que ces chasseurs sont embarqués et disposent d’une voilure repliable afin de faciliter leur entreposage. On parle à la même époque d’eux comme SBD pour Ship-Board Drooping indiquant ainsi que le train d’atterrissage pouvait « tomber », c’est à dire être largué en cas d’amerrissage en urgence.
Les premiers W.B.III de série sont entrés en service en septembre 1917 et ont commencé leurs embarquement sur les HMS Argus et HMS Furious dès le début de l’année 1918. Ils sont alors couplés avec des Sopwith 1 1/2 Strutter utilisés pour de la reconnaissance tactique.
À l’usage les Beardmore W.B.III se montrent incapable de mener à bien des missions de chasse. Leur unique mitrailleuse s’enraye fréquemment en raison du sel marin rendant les combats aériens impossibles. Aussi les travaux sur la corrosion sont permanents sur ces avions, les embruns dégradant également fortement les structures en bois et toiles.
Quand en avril 1918 le Royal Naval Air Service fusionne avec le Royal Flying Corps pour donner naissance à la Royal Air Force le chasseur embarqué est déjà dans le collimateur des amiraux et généraux britanniques. Il quitte finalement la première ligne en juillet de la même année, laissant la place sur porte-avions à une version navalisée du Sopwith F.1 Camel.
Pour autant il n’est pas encore l’heure de la retraite pour les quatre-vingt-quinze Beardmore W.B.III encore en dotation dans la RAF. Chacun voit son unique mitrailleuse déposée. Désormais ces biplans seront affecté à l’entraînement avancé et à la qualification à l’appontage. Une mission qu’ils vont remplir jusqu’à l’été 2021.
Par ailleurs quatre exemplaires furent fournis à la marine impériale japonaise au début de l’année 1919 pour essais en vol.
Aujourd’hui retombé dans l’oubli le Beardmore W.B.III a pourtant donné naissance au très intéressant W.B.IV demeuré à l’état expérimental. Premier chasseur embarqué britannique et premier avion d’entraînement à l’appontage au monde il devrait pourtant faire partie du panthéon aéronautique mondiale. Pourtant non. Ses défaillances technologiques ont sans doute trop peser pour que l’on se souvienne vraiment de lui.
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