Jusqu’au début des années 1960 la France possédait un vaste empire colonial, comparable à celui de la Grande Bretagne. S’étendant de l’Afrique du nord à l’Asie du sud-est en passant par l’Afrique sub-saharienne, Madagascar, ou encore le Levant celui ci obligeait les autorités françaises à mettre en œuvre des moyens militaires considérables afin d’en assurer le contrôle et d’y maintenir l’ordre. Dès l’entre-deux-guerres des avions spécialement adaptés firent leur apparition, des machines qui n’auraient pas été judicieuses en métropole mais qui trouvaient toute leur raison d’être dans ces territoires occupés. L’un des plus représentatifs d’entre eux fut le trimoteur de transport colonial Bloch MB.120.
Aux yeux des généraux français et des gouverneurs coloniaux l’aviation devait permettre de relier les territoires entre eux. Sur le principe on ne peut qu’être en accord sauf qu’il s’agissait quasi exclusivement de transporter les colons et leurs familles voire les militaires. Les populations asservies étaient exclues de ces moyens de transport, ce qui ne favorisait pas réellement un essor de l’aviation dans les régions sous domination française. Au début des années 1930 l’Aéronautique Militaire Française peine encore à se moderniser. Son concours des trimoteurs coloniaux tourne bien vite au fiasco retentissant, une patate chaude qu’elle va léguer à sa descendante l’Armée de l’Air !
L’arrêt de ce programme laissa les aviateurs coloniaux français dans la même difficulté qu’ils étaient avant son lancement : ils n’avaient rien pour aller d’un point A à un point B en toutes sécurités. À la même époque à Saint-Cloud l’avionneur Marcel Bloch décida de donner un successeur à son MB.71 refusé dans le cadre du programme colonial. Désigné MB.120 le nouvel avion en reprennait les grandes lignes, jusqu’à la motorisation axée autour de trois Lorraine Type 9Na Algol à neuf cylindres en étoile d’une puissance unitaire de 300 chevaux.
Le prototype réalisa son premier vol le 30 octobre 1932 depuis le terrain d’aviation de Villacoublay dans le département de la Seine-et-Oise. C’est le pilote d’essais Zacharie Heu qui se retrouva aux commandes de l’avion.
Après quelques vols promotionnels et une tournée officielle qui l’amena à transporter des autorités civiles jusqu’en Union Soviétique le prototype du Bloch MB.120 poursuivit sa carrière dans l’Armée de l’Air comme avion de liaisons ministérielles sous l’immatriculation étatique F-AMSZ. Cependant son confort plus que spartiate n’en faisait pas un avion apprécié des hautes personnalités.
Dans la foulée la régie Air Afrique fondée par l’administration coloniale française pour assurer des vols en Afrique sub-saharienne fit l’acquisition de six exemplaires. Ayant testé le prototype l’Armée de l’Air en acheta quatre supplémentaires qu’elle envoya directement à Fort Lamy, aujourd’hui connue comme N’Djamena. La seule différence extérieure entre les MB.120 civils et militaires résidait dans la décoration. Les trimoteurs d’Air Afrique arboraient des immatriculations civiles de grande taille quand les exemplaires de l’Armée de l’Air disposaient d’un empennage peint aux couleurs du drapeau français.
Sur le papier la société Bloch annonçait son trimoteur colonial capable de transporter dix passagers et cent kilogrammes de courriers sur une distance de 1300 kilomètres. À l’usage Air Afrique et l’Armée de l’Air se rendirent compte que ces données avaient été fondées sur les essais en métropoles et non sur les réalités coloniales. Dans les faits les avions évoluaient généralement avec trois à quatre passagers et jusqu’à 200 kilos de lettres et colis. Surtout le rayon d’action du MB.120 n’excédait jamais 750 kilomètres franchis à une vitesse de croisière moyenne de 225 à 230 kilomètres heures. L’avion français était en outre bien connu pour son inconfort. Dès l’année 1934 donc et son entrée en service à la fois civile et militaire l’avion transportait tout ce que la République Française avait d’autorités et de fonctionnaires dans ses colonies africaines. Du cartographe à l’institutrice en passant par le préfet ou encore les gendarmes ces avions assuraient les liaisons aux quatre coins du continent. Trente ans après la loi de séparation de l’État et des Églises il n’était pas rare que l’Armée de l’Air accueille à bord d’un de ses MB.120 un ou deux missionnaires voire des nonnes.
Jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939 les Bloch MB.120 furent plutôt des avions sans histoire, malgré une conception dépassée et des capacités largement surestimées. Pourtant il volait à peu près correctement à condition que ses équipages aient conscience de ses limites. Deux avions supplémentaires furent pris en compte par l’Armée de l’Air, tous deux réquisitionnés auprès d’Air Afrique. Jusque là ils volaient sous les immatriculations civiles F-ANTK et F-APZV. Demeurés en Afrique même après l’armistice du 22 juin 1940 ces avions passèrent logiquement sous bannière pétainiste. Un imbroglio apparut alors qui cloua au sol les avions, des sabotages réalisés par des mécanos restés fidèles à la république n’arrangeant pas les choses. Finalement au moins trois d’entre eux furent récupérés par les Forces Aériennes Françaises Libres qui les utilisèrent au Tchad entre début 1941 et l’automne 1943. Ils furent finalement remplacés par deux Beechcraft C-45 Expeditor d’origine américaine, des bimoteurs bien plus modernes.
Avion relativement retombé dans l’oubli le Bloch MB.120 représente pourtant bien cette aviation coloniale française qui passa son temps à hésiter quant à sa définition. De nos jours il n’en reste plus aucun exemplaire.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.