L’entrée en service du Dassault-Breguet HU-25 Guardian fut un mini séisme aux États-Unis. Jamais en temps de paix l’Amérique n’avait jusque-là acquis un aéronef à vocation militaire de conception étrangère en si grande quantité. Parmi tous les exemplaires livrés figurait celui porteur du serial 2118 dont le début de carrière se fit au sein de l’US Air Force Test Center en Californie. Et son rôle n’était pas exactement ce pourquoi il fut acheté à l’origine.
AFTC pour Air Force Test Center, alias Edwards AFB : la Mecque des essais en vol, le Panthéon des démonstrateurs technologiques et des prototypes. Ce nom demeure associé à des machines aussi extraordinaires que le Bell X-1, le Douglas X-3, ou encore le North American X-15. C’est à dire les avions qui nous ont à toutes et tous un jour donné le goût de l’aviation.
Pourtant entre le printemps 1983 et le milieu de l’été 1986 l’avion qui était souvent le plus visible sur le tarmac californien d’Edwards AFB n’avait rien d’aussi sexy. C’est un petit jet d’affaires aux couleurs de l’US Coast Guard. Assurant le remplacement d’un North American NT-39A Sabreliner à bout de souffle le Dassault-Breguet HU-25A Guardian ne fut jamais repeint aux couleurs de l’AFTC. Et pour cause il demeurait la propriété des garde-côtes qui avaient refusé de le céder aux aviateurs américains. D’ailleurs un coastie se trouvait toujours à bord lorsque le HU-25A codé 2118 menait un essais en vol.
Et en trois ans il est loin d’avoir chômé. Bien sûr il a testé des équipements qui allaient devenir essentiels à l’US Coast Guard quelques années plus tard comme le radar à synthèse d’ouverture qui se généraliserait sur les versions ultérieures. Le 2118 fut d’ailleurs le premier ancien avion d’affaire au monde à en être doté d’un en septembre 1983. Il testa même un système de ravitaillement en vol, moyennant une perche sèche (incapable de recevoir du carburéacteur) relié au nez de l’avion. Les essais d’accrochage furent réalisés grâce à un Boeing KC-135E Stratotanker spécialement modifié. Ce ne fut pas une réussite et l’avionneur Gulfstream qui avait commandé l’étude en resta là avec son idée de jets d’affaires biréacteurs ravitaillables en vol. On ne peut pas avoir raison à tous les coups. Les capacités d’accrochage sous voilure du HU-25A Guardian lui permirent de tester des emports de nacelles qui seraient ensuite essayées sur avions de combat.
En trois ans d’utilisation l’Air Force Test Center lui fit réaliser 268 heures de vol. Sa baie latérale bâbord en fit même une plateforme de suivi des essais en vol pour d’autres avions. Des personnels de l’US Air Force montaient à son bord et photographiaient ou filmaient les appareils en tests.
Pourtant en juillet 1986 CGAS Miami réclama son avion. En fait les garde-côtes floridiens auraient dû le recevoir depuis un an et demi s’il n’avait pas été bloqué à Edwards AFB. Le 2118 fut le premier avion de son genre livré directement comme HU-25B. La modification fut réalisée en Californie par les équipes américaine et françaises de Dassault-Breguet.
Il ne retomba cependant pas dans l’anonymat puisqu’accompagné de l’avion codé 2111 il participa aux missions de reconnaissance au-dessus des puits de pétrole en feu suite à la guerre du Golfe de 1991. Le 2118 ramena plusieurs dizaines de clichés qui permirent d’établir de manière factuelle ce qui s’il n’en portait pas encore le nom était déjà un écocide. Il servit jusqu’en octobre 2012. Depuis dix ans il est la propriété du California Aerospace Museum de Sacramento où il coule une retraite bien méritée.
Photos © Library of US Coast Guard.
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