Frédéric Curie est né le 20 février 1906 à Étuples, une petite commune du Doubs proche de Sochaux. Ce fils d’agriculteurs est un brillant élève. Dès l’enfance, puis plus tard à l’adolescence il se passionne pour l’aviation. Il dévore tout ce qui est écrit à l’époque sur les as français mais aussi belges et britanniques. Après le certificat d’études primaires il intègre un lycée de la région avant de rejoindre l’école Normale. Il en est diplômé en 1925 et devient donc instituteur. Quelques mois plus il effectue son service militaire comme EOR, Élève Officier de Réserve. Le lieutenant Curie sert alors au sein du 30e bataillon de chasseurs alpins cantonné à Grenoble. À l’issu de son temps opérationnel il signe pour un engagement, perdant son grade de lieutenant de réserve au profit d’un de sergent d’active.
À l’âge de 24 ans il intègre l’École militaire de l’infanterie et de la cavalerie mécanisée de Saint-Maixent. Il en sort sous-lieutenant. Il est affecté au 46e Régiment d’Infanterie de Fontainebleau.
Esprit libre, fervent républicain, le lieutenant Curie se sent pourtant dans son élément au sein des armées. Sa formation de normalien lui ouvre d’autres horizons et en février 1934 à seulement 28 ans il rejoint le régiment des sapeurs-pompiers de Paris, chargé de la protection de la capitale contre les incendies et risques naturels. Il est d’abord affecté à Château-Landon tout près de la gare de l’est avant de rejoindre Drancy, en banlieue nord.
À l’aube de la Seconde Guerre mondiale ce lieutenant bien noté est affecté au Vieux-Colombier, une des casernes du centre de la capitale, non loin du jardin du Luxembourg.
Résistant de la première heure il aide à cacher des armes pour les Francs-Tireurs et Partisans du colonel Rol autant que pour les Forces Françaises de l’Intérieur fidèles au général De Gaulle. Frédéric Curie est tout à la fois officier de sapeurs-pompiers et résistant, il participe à la fondation du mouvement Patriam Recuperare, organe de résistance rattaché à la loge maçonnique du Grand Orient de France. Curie a été initié aux rites maçonniques dès l’année 1933.
Pour ses actes de résistance, du moins ceux connus à l’époque par l’administration de la collaboration le lieutenant Curie écope de 15 mois de prison ferme. À sa sortie de cellule sa soif de liberté est toujours omniprésente il rejoint la Sécurité Parisienne. Cette unité de renseignement et de soutien opérationnel de la résistance englobe un nombre important de pompiers et de policiers refusant de soutenir les collabos et les nazis.
Au début de l’insurrection d’août 1944 Frédéric Curie est nommé commandant. Quelques jours plus tard il se tiendra à quelques mètres du général De Gaulle lors de sa célèbre descente à pied des Champs-Élysées aux côtés des colonels et généraux de la France Libre.
Nommé au grade de lieutenant-colonel pour l’ensemble de son action de guerre il demeure sapeur-pompiers. Il est affecté comme directeur du tout nouveau centre national d’instruction de la protection contre l’incendie. Il s’agit de la première véritable école des soldats du feu.
Conscient des progrès des Américains en matière d’hélicoptères le lieutenant-colonel Curie a alors l’idée d’intégrer un échelon héliporté au sein du régiment des sapeurs-pompiers de Paris.
La préfecture de police, qui assure le commandement organique du régiment, n’estime pas l’idée pertinente. Elle ne comprend pas l’intérêt d’une machine pour elle encore uniquement destinée aux liaisons et à l’observation.
Le nouveau directeur du CNIPI a alors tous loisirs pour instiller ses idées aux jeunes aspirants officiers de sapeurs-pompiers. Il émet notamment l’idée en 1947 que moyennant des fûts ou des conteneurs adaptés un hélicoptère pourrait assurer un bombardement d’eau au plus proche d’un feu de forêt. Il vient juste d’inventer le concept du Bambi Bucket, vingt ans avant sa première apparition. Curie fait venir dans son bureau un ami à lui, l’adjudant Joseph de Taddéo. Ancien résistant comme lui et également pompier parisien, il est lui aussi passionné des choses de l’air. Tous les deux réfléchissent alors à une possibilité d’intégrer un élément d’évacuation sanitaire voire de sauvetage par hélitreuillage au sein du régiment parisien. Bon prince le lieutenant-colonel Curie laisse son subalterne signer le mémo.
Pour s’assurer de ne pas essuyer un nouveau refus les deux pompiers louent un Hiller UH-12 Raven civil et l’adaptent à leur manière. En novembre 1949 ils font trois démonstrations devant les autorités françaises qui semblent bluffer. Le concept est validé, Curie se retrouve en charge du dossier. Par la suite le ministère de la défense nationale lui affecte pour essais un Bell 47 et un Westland Dragonfly, la version britannique du fameux Sikorsky R-5. Là encore Curie et son acolyte marquent les esprits.
Deux premiers Bell 47 sont achetés par le ministère de l’Intérieur et affecté à la Protection Civile, ancêtre de l’actuelle Sécurité Civile. Frédéric Curie est nommé à la tête de cette unité alors même qu’il n’est pas pilote lui-même. À la hâte il est alors formé et devient pilote à l’été 1950. Il enchaîne les heures de vol, toujours insatiable. Dès lors les missions s’enchaînent, ses premiers hélicoptères interviennent aussi bien sur les accidents de voie publique que lors d’incendie ou autres drames. Dès lors qu’un blessé grave doit vite rejoindre un hôpital Curie et son équipe sont présents. Il presse par la même occasion l’assistance publique des hôpitaux de Paris de créer des aires d’atterrissages permanentes, ce qui n’existe alors nul part dans le monde. La première est inaugurée en septembre 1953 à l’hôpital Beaujon de Clichy-la-Garenne. Quand il doit intervenir à l’Hôtel-Dieu il pose son hélicoptère sur le parvis de Notre-Dame voire dans la toute proche cours de la Préfecture de Police. Frédéric Curie ne s’arrête jamais. En septembre 1954 il est déployé sur ordre du ministre de l’intérieur à Orléansville (aujourd’hui Chlef) afin d’intervenir sur un séisme. Cette ville algérienne a été durement touché et l’hélicoptère est le seul moyen pour atteindre les sinistrés. Il évacuera par les airs une fillette de 9 ans souffrant d’une fracture ouverte du tibia, l’enfant survivra à sa blessure et remarchera quelques mois plus tard.
Le 7 octobre 1956 son Bell 47 décroche lors d’une démonstration au-dessus de la Seine. L’hélicoptère s’abîme dans le fleuve et Frédéric Curie réussit à s’en extraire mais au prix d’une grave pneumonie. La température de l’eau est alors inférieur à 10°C. Il meurt quelques semaines plus tard des complications du premier crash d’un hélicoptère de sauvetage en Europe, le deuxième dans le monde. Le lieutenant-colonel Frédéric Curie avait 50 ans.
L’émotion est alors immense dans le microcosme du secourisme mais aussi de l’aviation française. Lors de ses obsèques dans son village natal il y a là tout l’aréopage de l’aéronautique tricolore. C’est son ami, le jeune pilote d’essais Jean Boulet, qui lit son oraison funèbre en présence également de Valérie André pionnière comme lui du sauvetage par hélicoptère.
Il faut savoir que la Base de Sécurité Civile de Nîmes a été baptisée de son nom. En outre la drop zone de l’hôpital Beaujon existe toujours aujourd’hui, et elle sert toujours, de manière quasi quotidienne. Héros discret et méconnu de l’histoire de l’aviation Frédéric Curie fut avant tout un homme de valeurs, de combats, d’idées, et un vrai précurseur.
Il convient de ne pas le confondre avec son presque homonyme Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel de chimie en 1935 et lui aussi résistant parisien.
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