Comment remplacer un avion totalement mythique au sein d’une force aérienne ? À cette question on pense évidemment aux aviations ex-alliées durant les années 1950 et 1960 concernant la fin de carrière de l’avion de transport tactique américain Douglas C-47 Skytrain, tant la question se posa pour le Dakota. Pourtant cela exista pour d’autres aéronefs, notamment des avions d’entraînement. Là encore l’exemple qui vient le plus évident concerne le jet biréacteur français Fouga CM.170 Magister. Pourtant au Canada la question se posa au travers de celui qui demeure le plus fameux monomoteur monoplan léger de l’après-guerre : le De Havilland Canada DHC-1 Chipmunk. Et la réponse prit la forme d’un avion de tourisme américain jusque là inconnu des militaires du monde entier : le Beechcraft Model 23 Musketeer.
À priori rien ne prédestinait le Beechcraft Model 23 Musketeer a séduire un jour une aviation militaire aussi puissante que la Royal Canadian Air Force. Malgré ce que sa désignation constructeur peut laisser supposer le Model 23 est postérieur de plus de quinze ans au Model 35 Bonanza. En fait il a en partie été conçu pour lui succéder sur les marchés nord-américains et européens à partir de l’année 1963.
Son cœur de cible était alors les aéroclubs cherchant un avion de tourisme et les sociétés d’avions-taxis désireuses de trouver un appareil bon marché et disposant d’un rayon d’action à pleine charge de 1250 kilomètres. Comme c’était alors la mode au sein des avionneurs américains le Model 23 Musketeer était proposé en version à train fixe ou rentrant.
D’ailleurs son succès militaire fut assez tardif. Ce n’est qu’en 1969 que la Royal Canadian Air Force s’intéressa à lui après avoir essayé plusieurs modèles différents d’avions de tourisme. L’aviation canadienne cherchait alors un remplaçant pour les De Havilland Canada DHC-1 Chipmunk.
Pourquoi d’ailleurs chercher à remplacer ce très bon avion purement militaire par un appareil civil ? Simplement parce que le DHC-1 Chipmunk n’était plus adapté à la formation des pilotes canadiens, le gouffre technologique avec le jet Canadair CL-41 Tutor étant bien trop grand. Le recours à un avion de tourisme était dicté par des obligations budgétaires.
La proposition de Beechcraft autour de son T-34C Turbo Mentor n’était pas adaptée, malgré des facilités de paiement. Le Model 23 Musketeer pourtant allait faire l’affaire.
Celui qui se présentait en 1970 comme un pis-aller était extérieurement un avion de tourisme tout ce qu’il y avait de plus conventionnel. De construction métallique, disposant d’un train tricycle fixe, et pensé pour accueillir deux passagers en plus de l’instructeur et de son élève l’avion avait reçu la désignation militaire canadienne de CT-134 Musketeer. Beechcraft l’avait légèrement modifié à la demande de la RCAF pour lui octroyer quelques capacités limités de voltige aérienne. L’avion n’était pas armé.
Il entra en service au sein de la Royal Canadian Air Force en 1971.
Acteur de l’ombre, comme le sont souvent les avions d’entraînement primaire, de sélection en vol, et de formation à la voltige les vingt-quatre Beechcraft CT-134 Musketeer volaient régulièrement en formation à quatre ou cinq avions. Pour les instructeurs ils permirent de préparer au mieux les futurs pilotes à leur passage sur avion à réaction. Pour autant ils avaient la réputation d’être bien moins manœuvrables que leurs prédécesseurs. Pourtant ils furent rejoints par vingt-quatre avions supplémentaires en 1981. Désignés CT-134A ces nouveaux Musketeer dérivaient en fait du C23 Sundowner, une version amélioré de l’avion de tourisme. En 1983 la Royal Canadian Air Force avait reçu de Beechcraft un total de quarante-huit CT-134/CT-134A.
Au sein des écoles de pilotage les instructeurs canadiens les avaient surnommés les Muskrats, c’est à dire en français les rats musqués.
L’un des défauts majeurs de l’aéronef résidait dans sa propension à avoir des pannes tant électriques que mécaniques. Si bien que dès 1975 Beechcraft envoya au Canada des instructeurs afin de reprendre la formation des personnels mécaniciens. Cela ne changea pas grand-chose aux soucis. De nombreux ingénieurs américains et canadiens se penchèrent sur la question, sans trouver la solution. En fait c’est en 1984 qu’un simple mécano comprit que le CT-134 Musketeer n’était pas adapté à un emploi en environnement froid. Un vrai souci pour un avion d’entraînement de la Royal Canadian Air Force.
À contrario le CT-134 ne connut que peu d’accidents, et aucun ayant entraîné des blessures graves ou la mort de son équipage. Une fois les pannes réparées c’était donc un avion assez fiable.
Le retrait des premiers avions intervint en 1987 tandis que le dernier quittait le service actif en 1992 au profit du décevant Slingsby CT-111 Firefly de facture britannique.
Une fois que la Royal Canadian Air Force ait acheté ses Model 23 Musketeer des exemplaires furent vendus en petite quantité aux forces aériennes algériennes, marocaines, et mexicaines. Ces avions servirent aussi bien pour l’entraînement de base que pour les liaisons et communication.
La Royal Hong Kong Auxiliary Air Force en utilisa de 1988 à sa dissolution en 1993 où ils remplacèrent les excellents Beagle Bulldog. Comme au Canada avec le Chipmunk ils ne réussirent pas à faire oublier leurs prédécesseurs.
Si de nos jours de nombreux exemplaires civils volent encore un peu partout dans le monde aucun de ces avions ne le fait comme machine militaire. Le National Air Force Museum of Canada de Trenton dans la province d’Ontario préserve et expose le Beechcraft CT-134 Musketeer porteur du serial 201. Il s’agit d’un des premiers exemplaires retirés du service.
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