Plus petite des cinq forces armées américaines, l’US Coast Guard n’est en fait une unité militaire qu’en temps de guerre. Le reste du temps elle relève de l’autorité civile, même si ses missions l’obligent bien souvent à avoir recours à du matériel militaire lourd comme des hélicoptères de transport et des avions de reconnaissance, pour sa composante aérienne. Parmi son effectif figure un petit biréacteur conçu en France, le Dassault HU-25 Guardian.
Tout commença en juillet 1971, lorsque le Department of Transportation, l’administration civile des transports, responsable des gardes côtes américains, émit une fiche programme sous la désignation de MRS (Medium Range Surveillance) concernant la fourniture d’un nouvel aéronef de surveillance maritime et de sauvetage en mer. En fait, le programme MRS visait au remplacement des hydravions bimoteurs Grumman HU-16E Albatross utilisés à cette époque.
Plusieurs avionneurs se mirent sur les rangs pour fournir à l’USCG un nouvel appareil. Les plus prometteurs étaient les constructeurs d’avions d’affaires. Ainsi Cessna, Dassault, et Rockwell proposèrent chacun un avion différent. Mais rapidement le Mystère XX français et le Sabreliner de Rockwell se détachèrent du lot par leurs caractéristiques et leur polyvalence.
Le programme MRS prévoyait une entrée en service du nouvel avion dès 1977 toutefois des difficultés dans la mise au point des deux prototypes, obligèrent les gardes côtes à prélever cette année là un lot de 17 Convair C-131E Samaritan sur les stocks de l’US Air Force. Transformés à la va-vite en avions de sauvetage en mer et de reconnaissance, les bimoteurs reçurent la désignation de HC-131E. Ils permirent le retrait du service des HU-16E tout en faisant patienter l’USCG.
En 1979, à la stupéfaction générale le biréacteur de Rockwell, pourtant alors en service dans l’US Navy et les Marines pour des missions de liaison et d’entraînement avancé, fut éliminé et le Mystère XX sélectionné. L’appareil reçut donc la désignation de HU-25 et le patronyme de Guardian. C’était à cette époque, la plus grosse commande d’état pour le biréacteur français.Un accord industriel fut passé entre les gouvernements américains et français afin que l’usinage des Guardian ai lieu sur le territoire des Etats-Unis. C’est la société Falcon Jet Corporation, filiale à 100% de Dassault Aviation, qui fut chargée de cela depuis ses installations de Little Rock dans l’Arkansas.
En plus du premier prototype, quarante appareils de série furent commandés en tant que HU-25A. Extérieurement le HU-25A Guardian ressemblait fortement au Mystère XX mais avec des différences notables, au delà de sa livrée militaire américaine. De grandes baies vitrées d’observation avaient été installées de part et d’autres du fuselage, ainsi que des systèmes de communication HF/UHF/VHF. Les HU-25A furent dotés d’un radar AN/APS-127 permettant de surveiller diverses cibles maritimes dans un rayon de 150km. Les appareils furent dotés de deux réacteurs Garrett ATF-3-6 d’une poussée unitaire de 2 470kg chacun. Le premier Guardian de série vola en février 1982 depuis le centre d’essais de Little Rock.
C’est cette même année que les premiers exemplaires arrivèrent en unité, remplaçant en cela les HC-131E Samaritan, des avions qui n’avaient jamais vraiment convaincu les « Coasties » américains. Les HU-25A furent affectés à l’ensemble des bases de l’USCG sur l’Atlantique, le Pacifique, dans le Golfe du Mexique et dans la région des Grands Lacs. Rapidement, les Guardian démontrèrent de bonnes qualités dans la recherche et le sauvetage en mer.
A la même époque, huit avions furent transformés, directement sur la chaîne d’assemblage, en HU-25B destinés à des missions de reconnaissance tous temps et de recherche des navires suspectés de dégazages sauvages opérant depuis les Antilles et les Caraïbes. Parmi les modifications, on retrouvait un radar à ouverture synthétique AN/APS-131, un scanner infrarouge et ultraviolet RS-18C, et une caméra de reconnaissance tous temps KS-87B directement dérivée de celle embarqués sur les Mc Donnell Douglas RF-4B de l’US Marines Corps. Les Dassault HU-25B furent affectés aux 7ème, 8ème, 13ème, et 17ème districts, basés respectivement à Miami, la Nouvelle Orléans, Seattle, et Anchorage. Ils étaient les premiers véritables avions de lutte contre les pollutions maritimes.
En 1985, un lot de neuf HU-25A fut renvoyé chez Falcon Jet Corporation afin d’être transformés en HU-25C Night Stalker destinés à la pourchasse et à l’interception des go-fast, ces vedettes off-shore à grande vitesse destinées au transport de drogue, et des petits avions utilisés par les cartels de la drogue. L’US Coast Guard était pleinement entré dans la guerre contre les trafiquants.
Véritable plateforme de reconnaissance high-, le HU-25C disposait dans le nez d’un radar AN/APG-66 identique à celui équipant les chasseurs General Dynamics F-16A Fighting Falcon de l’US Air Force. Un système de reconnaissance passif FLIR du type WF-360 fut également installé. Cette caméra infrarouge permet de repérer des cibles très éloignées, de jour comme de nuit, sans être inquiété par ceux qu’on observe. Le HU-25C était optimisé pour l’emploi des jumelles de vision nocturne. Les Night Stalker étaient immédiatement identifiables, par rapport aux Guardian, grâce à leur « long nez » renfermant l’AN/APG-66.
Bien que destinés à opérer uniquement à partir de bases aux Etats-Unis, deux HU-25B furent détachés en décembre 1990 à Bahrain, suite à l’invasion du Koweït par les troupes irakiennes de Saddam Hussein. Le Pentagone savait que si les Irakiens étaient acculés ils n’hésiteraient pas à enflammer les puits de pétrole et à déverser du brut dans la mer. Pour tenter de contrer une telle catastrophe écologique, il fut décidé d’envoyer les Guardian. C’était la première fois dans l’Histoire qu’un tel bouclier écologique était déployé en marge d’une opération militaire de grande envergure. Les deux HU-25B débutèrent leurs opérations le long des côtés koweitiens le 19 janvier 1991, soit le surlendemain du déclenchement de Tempête du Désert. Pendant les premiers jours, les deux biréacteurs volaient sous la protection de chasseurs de l’US Navy. Une fois la menace des chasseurs irakiens écartée, les Guardian volèrent seuls.
Véritable saint-bernard des eaux américaines, les Dassault HU-25 Guardian ont participé à toutes les missions de sauvetage d’envergure. Lorsque le rayon d’action de ces biréacteurs est jugé trop faible les Coasties font appels à leurs Lockheed HC-130H Hercules.
A partir de 2006 avec la recrudescence de la menace des pirates en océan indien et dans la mer d’Oman, deux Night Stalker furent détachés sur la base française de Djibouti pour poursuivre ces bandits, à la manière des narcotrafiquants. En liaison radio permanente avec les navires de guerre et les avions d’arme de la coalition internationale, les biréacteurs de l’USCG ont permis l’interpellations de plusieurs esquifs et bateaux-mères.
Il est à noter que le Guardian a donné naissance à un cousin français destiné aux forces ultramarines, le Gardian, utilisé par la Flottille 25F de la Marine Nationale pour des opérations similaires aux HU-25 dans le Pacifique et l’océan indien.
Avec l’entrée en service des Casa HC-144 Deepwater, la charge de travail des Guardian, notamment en tant qu’avion de recherche et de sauvetage a été profondément amoindrie. Toutefois, cet avion demeure une formidable plateforme de reconnaissance et d’observation maritime et côtière, notamment pour la chasse aux trafiquants de drogue. Sur les 41 avions livrés entre 1982 et 1984, un total de 19 avions étaient encore en service au début de l’année 2012. Trente ans après leur entrée en service, leur retrait n’est pas vraiment à l’ordre du jour, notamment depuis que les Coasties se sont déclarés défavorables à l’utilisation de drones de grande envergure comme le Global Hawk. Le Mystère XX a ainsi encore de beaux jours devant lui aux Etats-Unis.
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