Sous bien des aspects l’époque hitlérienne fut riche pour l’industrie aéronautique allemande. La dictature nazie favorisa le développement de nombreux aéronefs, dans tous les domaines. Et c’est ainsi que sur la dizaine d’avionneurs allemands de cette époque certains sont entrés dans la légende à l’image bien sûr de Dornier, Junkers, et Messerschmitt. Souvent considéré par les historiens comme le plus petit des grands constructeurs de cette époque l’entreprise Arado sut concevoir des avions et hydravions très divers, et souvent de grande qualité. Une de ses plus grandes réussites industrielles est paradoxalement un de ses avions les plus mal connus : l’Arado Ar 66.
Quand en 1932 l’avionneur allemand Arado fit voler le prototype de son avion d’entraînement élémentaire cela ne faisait aucun doute sur sa destination : les militaires. Sauf qu’à cette époque l’Allemagne vivait encore sous le coup des décisions prises à Versailles lors du traité de 1919. Bien entendu plusieurs aspects s’étaient assouplis dès 1931 sous l’impulsion des Américains qui voyaient d’un mauvais œil les sanctions prises, jugées trop lourdes. Pour autant face à la détermination des Britanniques et des Français, considérés comme les deux vrais vainqueurs de la Première Guerre mondiale la volonté diplomatique américaine pesait fort peu. Toujours est t-il que quand l’avion apparut sa vocation militaire ne faisait aucun doute.
Le patron d’Arado, Hugo Stinnes Jr, n’en était pas à son coup d’essais. Durant les années 1920 il avait conçu et construits plusieurs avions de chasse en total violation du traité de Versailles. Surtout celui-ci était un fervent nationaliste allemand. Il accueillit donc avec joie la nomination d’Adolf Hitler début 1933 au poste de chancelier d’Allemagne. Hitler dans la foulée nomma son compagnon de route Hermann Göring à la tête de la toute nouvelle Luftwaffe, l’aviation militaire allemande. Pour Arado c’était le feu vert à la production en série de son nouveau biplan d’entraînement.
Dès la création de cette force aérienne le ministère allemand de l’air décida d’attribuer des désignations par constructeur. C’est ainsi que le biplan d’entraînement devint Arado Ar 66.
Cet avion n’avait rien de très original, à une exception prêt : sa conception avait été chaotique. Initiée par l’ingénieur en chef Walter Rethel elle fut finalisée par son successeur Walter Blume. Rethel en effet avait été entre temps recruté par Willy Messerschmitt. Blume n’était pas un total inconnu, puisqu’il avait à son actif d’avoir été le chef de projet du chasseur Albatros D V de la Première Guerre mondiale.
Esthétiquement parlant l’Arado Ar 66 était très académique avec sa voilure en biplan, sa structure en tubes d’aciers et panneaux de contreplaqué, ou encore son train d’atterrissage classique fixe. La motorisation de l’appareil faisait appel à un Argus 10C à huit cylindres en V inversé d’une puissance de 240 chevaux. Hormis son architecture générale rappelant fortement les avions de l’époque, et notamment le De Havilland D.H.82 Tiger Moth britannique, la seule originalité de l’Ar 66 venait de son empennage en partie tronquée. Il s’agissait là d’une idée de Walter Blume afin d’offrir le plus de stabilité possible à l’avion lors des phases souvent critiques de décollages et d’atterrissages.
Les désignations Ar 66a et Ar 66b furent réservés aux deux prototypes. Une première production de 450 machines fut ordonnée dès février 1933. Dix d’entre-elles devaient être des hydravions à flotteurs Ar 66B et les quatre cent quarante suivantes des Ar 66C d’entraînement terrestre.
Et dès l’été 1933 ces avions et hydravions entrèrent en service. Ils formèrent au nez et à la barbe de la communauté internationale, de la Société Des Nations, des centaines et des centaines de jeunes pilotes. Ils permirent aussi à d’anciens aviateurs de la Grande Guerre de se refaire la main sur des appareils plus modernes.
L’Arado Ar 66 était tellement apprécié des instructeurs de la jeune Luftwaffe que d’autres commandes affluèrent pour lui. L’arrivée en 1935 du Gotha Go 145 et surtout du Bücker Bü 131 Jungmann bien plus moderne n’arrêta en rien l’engouement pour cet avion.
Quand le réarmement allemand fut finalement autorisé par la SDN en juin 1935 et la Luftwaffe officialisée par Adolf Hitler plus de 500 Ar 66 servaient déjà en son sein.
La production de cet avion se poursuivit jusqu’en 1938, pour aboutir à 1456 exemplaires de série dont trente hydravions Ar 66B.
À cette époque le seul pays à en acquérir à l’étranger fut l’Espagne franquiste qui acheta douze exemplaires qu’elle employa comme avions de liaisons.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata en septembre 1939 l’Arado Ar 66 était toujours, avec les Bü 131 et Go 145, le principal avion d’entraînement élémentaire allemand. Malgré un anachronisme tout relatif à l’époque ce biplan continuait de plaire aux instructeurs allemands. Il pardonnait beaucoup les erreurs de pilotage et permettait même aux élèves pilotes de goûter leurs premières joies de voltige aérienne. Finalement leur retrait du service débuta à l’été 1943 avec l’apparition d’avions plus modernes comme les Arado Ar 96 et Bücker Bü 181 Bestmann. Les monoplans supplantaient les biplans.
Pourtant environ 300 Ar 66C restèrent en service jusqu’à la fin des hostilités, notamment comme remorqueurs de cibles et de planeurs.
Un des rôles les plus surprenants de l’Arado Ar 66 fut le harcèlement nocturnes des troupes soviétiques. Engagés au seins de formations spéciales nommées Störkungkampfstaffeln et repeints intégralement en noir ils volaient en rase-motte au-dessus des positions de l’Armée Rouge et larguaient des munitions antipersonnels de deux et quatre kilos. La réalité tactique rattrapa vite la Luftwaffe : l’Ar 66 était une cible facile à la fois pour la chasse soviétique et pour sa DCA. On considèrent qu’une cinquantaine d’Ar 66 fut employée dans ce rôle entre 1943 et 1944. Quasiment aucun ne survécut à ces opérations.
Quand la Seconde Guerre mondiale s’arrêta en Europe, en mai 1945, l’Arado Ar 66 volait encore épisodiquement. Une vingtaine d’exemplaires fut saisie par les forces soviétiques et versées aux aviations roumaines et tchécoslovaques renaissantes. D’autres furent essayés par les Américains et les Britanniques. La majorité fut envoyée à la ferraille. Ainsi se terminait la carrière d’un des très rares avions à avoir servi la Luftwaffe de 1933 à 1945 inclus, sans jamais avoir été modernisé !
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