Durant la guerre froide la Yougoslavie du maréchal Tito sut maintenir un régime marxiste non aligné sur celui de Moscou. Résultat à partir de 1948 le régime titiste eut la possibilité d’adopter des matériels venant de l’ouest tout en jouant la carte de l’autonomie industrielle. C’est ainsi que dans le domaine aéronautique apparurent des avions et hélicoptères souvent propulsé par des moteurs ou des réacteurs produits en Europe occidentale voire carrément aux États-Unis. L’un des modèles d’avions les plus emblématiques de cette époque fut le monoréacteur de reconnaissance tactique et d’appui aérien rapproché Soko J-21 Jastreb.
En 1963 la société Soko reçut l’ordre de l’état yougoslave de développer un avion de reconnaissance tactique afin de pouvoir remplacer les Republic RF-84G Thunderflash de facture américaine alors en dotation. Afin de le propulser les ingénieurs yougoslaves recherchèrent plusieurs solutions : Bristol-Siddeley au Royaume-Uni, General Electric aux États-Unis, ou encore SNECMA en France. Cette dernière option fut rapidement écartée car les services de renseignement yougoslaves craignaient la présence de syndicalistes pro-soviétiques parmi les équipes du motoriste français. Des pourparlers furent alors engagés avec les deux autres industriels. Finalement en 1964 un accord fut signé avec Bristol-Siddeley autour de la fourniture de turboréacteurs Viper Mk 531. Il dérivait de celui équipant l’avion d’entraînement Hunting Percival Jet Provost alors en service dans la Royal Air Force.
En parallèle de ces négociations anglo-yougoslaves les designers ne s’étaient pas rouler les pouces. L’avion avait pris forme et on connaissait désormais son nom : J-21 Jastreb. Et ses grandes lignes n’avaient rien de nouvelles puisque Soko s’était appuyé sur l’avion d’entraînement avancé G-2 Galeb.
Extérieurement le Soko J-21 Jastreb était bien l’air du temps, il ressemblait même étrangement aux versions monoplaces de l’Aermacchi M.B.326 italien apparues quelques années plus tôt.
Il s’agissait d’un monoréacteur entièrement métallique. Globalement ce Soko J-21 Jastreb était un G-2 Galeb monoplace. Trois mitrailleuses Browning M2 de calibre 12.7mm montées dans le nez de l’avion assuraient son autodéfense. Surtout le J-21 fut le premier avion yougoslave doté d’un siège éjectable de série, un modèle britannique fourni par la société Folland. Deux appareils photographiques à grande vitesse d’obturation K14A/C de facture américaine étaient installés dans l’avion. C’est dans cette configuration que l’avion vola pour la première fois le 19 juillet 1965.
Les essais en vol démontrèrent des qualités de vol dans l’ensemble assez correctes mais également un rayon d’action parfois trop court. Pour autant il fut décidé que l’avion serait désormais proposé en deux versions : le J-21 de reconnaissance armée et d’appui tactique rapproché et le RJ-21 de reconnaissance tactique pure, avec pour seul armement dans ce dernier cas les trois mitrailleuses nasales. En juin 1967 l’avion était présenté par la Yougoslavie au salon du Bourget.
Les premières livraisons en unité furent assez rapides puisque au 1er janvier 1968 la force aérienne yougoslave alignait déjà cent Soko J-21/RJ-21 Jastreb. Les avions étaient versés dans des escadrilles mixtes mêlant avions de reconnaissance et avions d’appui.
En 1970 Soko enregistra sa première commande export pour trois J-21A livrés à la force aérienne zaïroise. L’avion était accompagnée d’un G-2 Galeb d’entraînement avancé. Dans la même année la Zambie fit l’acquisition de six Jastreb qui furent utilisés de 1970 à 1995 pour des missions d’appui tactique rapproché et de lutte contre les guérillas.
La Libye du colonel Khadafi fut également cliente de l’avion. Il y fut utilisé comme machine de reconnaissance tactique jusqu’au milieu des années 1990.
Quand la Yougoslavie se désagrégea au début des années 1990 une cinquantaine de Soko J-21 Jastreb était encore en dotation. Ces avions furent partagés entre les différents protagonistes suivant les endroits où ils se trouvaient. Si la Croatie et la Slovénie ne les conserva jamais en service, les trouvant trop gourmands en carburants ou en trop mauvais état général il en fut tout autrement la république serbe de Bosnie qui les engagea dans divers missions d’appui et de reconnaissance, souvent en appui des avions d’attaque au sol J-22 Orao.
Quand l’OTAN établit en 1993 une zone de sécurité aérienne durant l’opération Deny Flight plusieurs de ces avions assuraient encore des missions tactiques au-dessus du secteur interdit et cela conduisit à un des plus violents incidents. Un Boeing E-3A Sentry de l’OTAN repéra huit pistes radars qui survolaient la zone, au-dessus de la ville de Banja Luka. Une patrouille de chasseurs General Dynamics F-16C Fighting Falcon appartenant à l’US Air Force fut déployé sur site. Arrivés à hauteur des pistes radars les pilotes américains découvrirent six J-21 Jastreb et deux J-22 Orao. Les avions serbes tentèrent alors de s’opposer aux chasseurs américains. Même à huit contre deux ce n’était pas gagné. Quatre des J-21 furent descendus, dont deux au canon-mitrailleur, tandis que les deux autres et les J-22 réussirent à rentrer à leur base. Une fois au sol les forces serbes découvrirent qu’un des avions était bon pour la casse car criblé de onze impacts de calibre 20mm. C’était un exploit qu’il ait pu rentrer. Un des deux F-16C avait lui quatre impacts de calibre 12.7mm au niveau de l’impact, preuve qu’au moins un pilote de Jastreb l’avait touché.
Après cela les Soko J-21 Jastreb ne demeurèrent en vol que quelques années, le dernier quittant le devant de la scène en 2001. De nos jours plusieurs avions sont préservés en ex-Yougoslavie. Le musée aéronautique de Belgrade expose notamment le prototype.
Il faut savoir que la désignation NJ-21 concerne en réalité des biplaces G-2 Galeb destinés à la transformation opérationnelle des futurs pilotes d’avions de reconnaissance.
Au total l’avion a été produit à hauteur de 220 exemplaires de série.
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