Douglas XB-42 Mixmaster

Au cours de la Seconde Guerre mondiale les avionneurs américains se lancèrent tous azimuts dans le développements d’avions parfois très innovants. Si cela donna naissance à des machines demeurées légendaires comme le Boeing B-29 Superfortress ou encore le Lockheed P-80 Shooting Star cela eut aussi parfois pour résultat de ne pas dépasser le stade expérimental. De tels aéronefs étaient dans certains cas très bien pensés mais arrivés trop tardivement pour prendre part au conflit ils furent sacrifiés sur l’autel de la paix mondiale revenue. L’une de ces victimes fut un surprenant bombardier bimoteur construit à hauteur de seulement deux prototypes : le Douglas XB-42 Mixmaster.

Début 1943 les responsables de Douglas se mirent en tête de développer sur fonds propres un bombardier moyen rapide afin de remplacer l’A-20 Havoc. Ne faisant l’objet d’aucune demande officielle de l’US Department of War le programme fut lancé sur fonds propres. Le cahier des charges de l’avionneur était des plus ambitieux : trois tonnes et demi de bombes en soute et un rayon d’action de combat de 3000 kilomètres. Il était ainsi supérieur à tous les avions de son temps. Un avant projet très futuriste fut présenté à l’état-major de l’US Army Air Force au printemps 1943. Les militaires furent emballés par le projet de Douglas et y attribuèrent la désignation de XA-42 Mixmaster. À l’instar donc de l’Invader ce nouvel avion était vu comme une machine d’attaque et d’appui plus que comme un bombardier moyen.

Extérieurement le Douglas XA-42 Mixmaster était un avion très innovant. Monoplan à aile médiane entièrement construit en métal il possédait deux moteurs à douze cylindres en V Allison V-1710-125 d’une puissance unitaire de 1325 chevaux. Montés en tandem dans le fuselage de l’avion ceux-ci entraînaient une double hélice contrarotative à six pales. Une casserole d’hélice spécialement dessinée terminait le système. Les trois membres d’équipage prenaient place dans un poste particulièrement vitré. Pilote et copilote disposaient chacun d’une verrière en goutte d’eau à la manière d’un chasseur. L’officier de bombardement navigateur disposait lui d’un nez vitré issu de celui du A-26 Invader. Pour le reste le Mixmaster possédait un empennage de grande taille disposant d’une dérive verticale placée au niveau de l’intrados et assurait la stabilité vis à vis de la double hélice propulsive. Le train d’atterrissage escamotable était quand à lui tricycle. Niveau armement défensif l’avion possédait six mitrailleuses de calibre 12.7mm : quatre rétractables dans la voilure tirant vers l’arrière de l’avion et deux vers l’avant. L’armement offensif se composait d’une charge en soute de 3600 kilos de bombes.
C’est dans cette configuration que le premier prototype réalisa son vol inaugural le 6 mai 1944.

Quelques jours plus tard l’US Army Air Force décida de changer son fusil d’épaule. Il était évident que le XA-42 Mixmaster n’avait rien d’un avion d’attaque au sol et tout d’un bombardier rapide de pénétration. Il devînt donc officiellement Douglas XB-42 Mixmaster. L’état-major américain le voyait même comme le remplaçant vers la fin de l’année 1945 des plus anciens Boeing B-17 Flying Fortress. À cette époque le XB-42 était un des programmes les plus secrets aux États-Unis, au même titre que la bombe atomique ou encore les avions à réaction. Washington DC pariait beaucoup sur cet avion ô combien novateur.

Pourtant dans les faits le Douglas XB-42 Mixmaster n’était pas exempt de défauts. À commencer par le double cockpit pilote-copilote qui nécessitait un équipement radio complexe et rendait les communications internes difficiles. Cela fut corrigé sur le second prototype par l’adoption d’un cockpit plus classique. Ensuite les deux moteurs en tandem entraînaient une série de vibrations très fortes en vol qui rendaient les phases d’atterrissages particulièrement délicates. Enfin le train d’atterrissage était jugé trop fragile, il fut lui aussi modifié sur le second prototype.
Plus anecdotique tout en étant dramatique la position très particulière de la double hélice contrarotative sur l’arrière du bombardier entraîna une demi-douzaine d’accidents au sol avec des mécaniciens, dont deux qui se soldèrent par la mort des militaires qui intervenaient sur l’avion. Le second prototype réalisa son premier vol le 14 août 1944.

L’apparition dans la Luftwaffe des premiers Arado Ar 234 Blitz à réaction ringardisa d’un seul coup ce XB-42 Mixmaster. Pourtant dans les faits l’avion américain était loin d’être inférieur au jet allemand. Douglas décida alors de dériver du XB-42 une version à réaction auquel on attribua dans un premier temps la désignation de XB-42A avant de la renommer XB-43 Jetmaster.
Le Mixmaster venait de subir un coup d’arrêt mortel. Pour autant les deux avions ne furent pas envoyés à la casse.

En décembre 1945 alors que la paix était revenue le capitaine Glen Edwards et le lieutenant-colonel Henry E. Warden inscrirent à leu palmarès un record de vitesse de traversée ouest-est des États-Unis. Parti d’un aérodrome de Long Beach en Californie leur Douglas XB-42 Mixmaster traversa les États-Unis jusqu’à la base aérienne de Bolling à Anacostia dans la banlieue de Washington DC. À une vitesse moyenne de près de 698 kilomètres heures l’avion mit cinq heures et dix-sept minutes pour couvrir la distance de 2300 miles, soit environ 3700 kilomètres. Malheureusement pour eux leur avion fut détruit à l’accident suite à une rupture du train d’atterrissage. Il s’agissait du second prototype.
Les deux officiers américains s’en sortirent avec des brûlures légères et sans doute la peur de leur vie.

Le premier prototype vola encore jusqu’en septembre 1948, servant notamment de soutien aux essais en vol des réacteurs d’appoint Westinghouse J30-WE-20. Ainsi se terminait la carrière d’un avion pour le moins intéressant malgré ses défauts.
Aujourd’hui le premier prototype du Douglas XB-42 Mixmaster est toujours la propriété de l’US Air Force qui le conserve précieusement dans les réserves de son musée de Dayton dans l’état de l’Ohio.