Depuis le conflit Boeing / Bombardier ayant poussé le programme CSeries dans les bras d’Airbus, l’avionneur américain tente de redorer son blason au Canada. Le scandale du 737 Max n’a rien fait pour arranger les choses. Espérant tirer profit des lucratifs contrats militaires qui s’annoncent au cours des prochaines années, Boeing courtise activement le Canada. Voici un bref tour d’horizon des projets qui font saliver Boeing Defence, Space & Security, ainsi que ses compétiteurs.

La décision quant au successeur de l’avion de combat CF-188 Hornet devrait tomber au cours des prochains mois. Ce sont 88 appareils qui sont en cause. Boeing fait actuellement la promotion des avantages pour le Canada du choisir le Super Hornet Block III. À cet égard, Boeing a récemment annoncé des ententes avec les entreprises CAE, L3Harris Technologies, Peraton Canada, Raytheon Canada et GE Canada Aviation. Globalement, Boeing s’engage à générer au Canada des retombées d’au moins 61 milliards de dollars durant la durée de vie du programme. Notons que Boeing est implanté au Canada depuis nombre d’années, notamment à Winnipeg avec son usine de pièces en matériaux composites. De plus, Boeing fait déjà affaire avec 500 sous-traitants canadiens. Le Super Hornet fait face à deux compétiteurs qui ne peuvent offrir des avantages économiques du même ordre: Lockheed-Martin F-35 Lightning II et Saab JAS 39 E/F Gripen. Toutefois, le volet des retombées économiques ne compte que pour 20% de la note globale des évaluations en cours. Le Super Hornet présente d’autres qualités indéniables, notamment au chapitre des coûts d’acquisition et d’opération, qui pourraient faire pencher la balance en prévision de l’inévitable austérité budgétaire post-pandémie. Rappelons que le Canada a déjà rabroué Boeing en annulant l’achat d’un premier lot d’appareils Super Hornet en réaction à son attaque en règle contre Bombardier. La raison pourrait l’emporter sur le coeur cette fois-ci.

CF-188 Hornet
Représentation d’artiste du Super Hornet Block III

Le projet de remplacement des avions d’entraînement BAE CT-155 Hawk, ainsi que des Canadair CT-114 Tutor dotant l’équipe acrobatique des Snowbirds, est initié. BAE Systems sera assurément de la course avec la nouvelle génération de son populaire Hawk. Autres compétiteurs potentiels: Alenia-Aermacchi  M-346 Master et KAI T50 Golden Eagle. Le projet Airbus AFJT ne sera pas dans la course car encore trop embryonnaire. Un nouveau venu pourrait toutefois jouer au trouble-fête, soit le Boeing/Saab T-7 Red Hawk.

CT-155 Hawk
CT-114 Tutor
T-7 Red Hawk

Le choix du successeur des avions ravitailleurs CC-150 Polaris est aussi à l’ordre du jour car ces avions commencent à sérieusement accuser le poids de leur âge. Bien évidemment, Boeing s’active déjà pour proposer son KC-46 Pegasus. Les déboires du Pegasus risquent toutefois de favoriser son compétiteur européen, l’Airbus A330 MRTT qui connaît davantage de succès.

CC-150 Polaris
KC-46 Pegasus

Boeing a également dans le collimateur le projet de remplacement des CP-140 Aurora initié en 2019. Là il faut bien le dire, Boeing risque fort de remporter la mise avec son P-8 Poseidon à moins que le Canada opte pour l’avion japonais Kawasaki P-1. Autre option envisageable, développer un tel avion sur une autre plate-forme existante, tel l’A220, que certains baptisent déjà Argus II en mémoire du Canadair Argus. L’échéancier de remplacement de l’Aurora ne joue pas en faveur d’une telle option, pas plus que pour le futur avion de patrouille maritime franco-allemand encore trop embryonnaire.

CP-140 Aurora
P-8 Poseidon

Il y a donc à parier que de nouveaux aéronefs du constructeur Boeing se joindront à ceux déjà en service dans l’Aviation royale canadienne (ARC), soit l’avion de transport stratégique CC-177 Globemaster III et l’hélicoptère tactique CH-147F Chinook.

CC-177 Globemaster III
CH-147F Chinook

Tout comme le Globemaster III, on peut dire que le CF-188 Hornet fait également partie de la famille élargie de Boeing depuis l’acquisition de McDonnell Douglas en 1997. Ce vieux soldat continuera à voler tant que l’Aviation royale canadienne n’aura pas en main une quantité suffisante de nouveaux avions de combat.

CF-188 Hornet

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Marcel
Fils d’un aviateur militaire (il est tombé dedans quand il était petit…) et biologiste qui adore voler en avion de brousse, ce rédacteur du Québec apprécie partager sa passion de l'aéronautique avec la fraternité francophone d’Avions Légendaires.
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Commentaires

4 Responses

  1. de cet article il ressort clairement que l’un des objectifs de Boeing est d’avoir un quasi monopole sur la fourniture d’avions et de systèmes d’armes dans la RCAF car, mis à part le marché des avions d’entraînement où il ne propose pour ainsi dire rien, Boeing est présent sur tous les autres créneaux et, à chaque fois, avec une grande chance d’emporter le marché.
    Si les gouvernants canadiens n’y prennent pas garde il peuvent se retrouver avec une force aérienne dépendant entièrement d’un seul et unique fournisseur.
    cela peut avoir des avantages pour obtenir des avantages commerciaux en matière de fournitures et d’entretien mais cela peut aussi avoir de gros inconvénients en cas de problèmes chez Boeing (la crise du 737 max a pas mal affaibli le fabricant) et de difficultés politiques entre Toronto et Washington.
    je sais que pour les USA le canada est un pays satellite mais il serait peut-être bon de laisser aux canadiens une certaine indépendance en matière de fournitures militaires entre autres choses au risque d’en faire de facto le 52ème état des Etats-Unis…

    1. Depuis l’avènement de Trump à la présidence, les relations Ottawa / Washington sont tendues, pour ne pas dire exécrables. Avec une administration Biden, la situation devrait s’améliorer. Allié des USA dans le cadre du NORAD et de l’OTAN, le Canada doit toujours trouver un équilibre entre interopérabilité des équipements militaires et préservation de sa souveraineté. D’ailleurs, la politique étrangère du Canada diffère souvent de celle de son voisin du sud. En signant divers traités de libre échange (rappelons l’entente Canada / Union européenne), le Canada cherche à élargir le cercle de ses partenaires économiques. Aussi, le Canada ne voudra certainement pas dépendre d’un seul fournisseur d’aéronefs, surtout si des alternatives valables existent. Boeing peut bien rêver d’hégémonie, mais la coupe et bien loin des lèvres.

      1. C’est sûr.
        Dassault Aviation et AirBus se sont retirés, plutôt que de dépenser inutilement plus d’argent pour un marché dont tout le monde sait quel sera résultat. Comme avec le marché Hollandais.
        Il suffit de voir comment la Canada a choisi ses futures frégates : un bateau sur plans deux fois plus cher que les FREMM franco-italiennes.

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