C’est véritablement durant la Seconde Guerre mondiale que sont nés les avions de transport militaire. On en parlait pas encore de transport tactique et de transport stratégique mais de transport léger, moyen, et lourd. Les deux premières catégories étaient les plus répandues mais quelques avions de transport lourds virent le jour principalement dans l’Allemagne nazie, aux États-Unis, et dans une moindre mesure en Italie et au Royaume-Uni. La Luftwaffe utilisa notamment ses avions de transport lourd lors des combats sur le front de l’est face aux troupes soviétiques. Et l’un des appareils qui marqua son temps fut alors le quadrimoteur Junkers Ju 90.
Les origines de cet avion ne sont pourtant pas à chercher auprès de la Lufthansa comme cela fut souvent le cas dans l’Allemagne hitlérienne. En fait cet avion découle directement d’un bombardier lourd n’ayant jamais dépassé le stade du prototype. En 1935 le général Walter Wever, alors chef d’état-major de la Luftwaffe, lança un programme appelé Ural Bomber. Il était destiné à donner naissance à un avion pouvant frapper n’importe quelle cible dans un rayon de 2000 kilomètres de l’Allemagne, et donc les monts Oural en Union Soviétique.
Dans le plan de Wever l’Ural Bomber devait pouvoir également bombarder le sud de la France ou le nord de l’Écosse.
Deux avionneurs répondirent au programme : Dornier avec son Do 19 et Junkers avec son Ju 89. Les deux avions étaient d’ailleurs très proches dans leur conception. Il s’agissait de quadrimoteurs pouvant délivrer 1600 kilos de bombes à 1600 kilomètres de leurs bases et y revenir une fois la mission réalisée.
Malheureusement la mort de Wever dans le crash de son propre Heinkel He 70 le 3 juin 1936 sonna le glas du programme. Son successeur le général Albert Kesselring enterra le développement des deux avions. Lui ne croyait nullement dans les bombardiers lourds à long rayon d’action. Kesselring ne jurait que par les bombardiers moyens type Heinkel He 111 et Junkers Ju 88, la doctrine qui allait exister en Allemagne durant toute la guerre.
On pouvait alors croire que le Junkers Ju 89 disparaitrait dans les oubliettes de l’Histoire.
Là par contre c’était compter sans la Lufthansa. La compagnie aérienne étatique allemande avait déjà des vues sur cet avion dont elle espérait tirer un appareil commercial. Fin 1936 le prototype Ju 89V3 qui était inachevé fut sauvé de la ferraille et revêtu de l’immatriculation civile provisoire D-AFIT. Avec l’accord du RLM, le Reichsluftfahrtministerium en charge de l’aviation civile et militaire du 3e Reich, Junkers modifia sa désignation. Le bombardier Ju 89 devint l’avion de ligne Ju 90.
Les modifications furent profondes, le fuselage fut redessiné. Les moteurs à douze cylindres en V Daimler-Benz DB600A de 960 chevaux laissèrent la place à des BMW 132 à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 830 chevaux. Finalement l’avion fut réimmatriculé D-AALU.
Extérieurement le Junkers Ju 90 se présentait donc sous la forme d’un avion de ligne quadrimoteur destiné à transporter 40 passagers et huit membres d’équipage sur une distance de 2100 kilomètres. Il s’agissait d’un monoplan à aile basse cantilever construit intégralement en métal. Il possédait un train d’atterrissage classique fixe et un empennage double dérive.
C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 7 juin 1937.
Très rapidement deux autres prototypes désignés Ju 90V2 et Ju 90V3 furent construits afin d’établir différents tests en vue de l’entrée en service de l’avion. La presse internationale s’enflamma pour cet avion de ligne qui fut en son temps le plus gros avion commercial du monde. Lufthansa passa commande pour huit avions de série dès septembre 1937. À la fin de l’année la compagnie South African Airways l’imitait en achetant deux avions.
Pourtant le Junkers Ju 90 se confrontait à la concurrence directe d’un autre avions allemand : le Focke-Wulf Fw 200 qui connaissait lui-aussi un succès considérable sur le marché des avions de ligne quadrimoteurs.
Alors que les premiers Ju 90 étaient entrés en service dans la compagnie allemandes quelques semaines plus tôt le 26 novembre 1938 le second prototype s’écrasa lors d’une campagne d’essais réalisée en Afrique sub-saharienne. L’accident eut lieu à quelques kilomètres de la ville de Banjul, actuelle capitale de la Gambie. Douze des quinze membres d’équipage ce Ju 90V2 furent tués dans l’accident.
Au sein de la Lufthansa les Junkers Ju 90A-1 servaient principalement sur les lignes européennes les plus fréquentées entre Berlin et les capitales Amsterdam, Athènes, Bruxelles, Londres, Paris, ou encore Rome. Et à chaque fois ils volaient à plein.
En août 1939 Junkers termina l’assemblage du premier avion destiné à la South African Airways. Malheureusement l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale en décida autrement. L’Afrique du sud en tant qu’alliée du Commonwealth britannique se retrouva ennemi de l’Allemagne nazie. Les deux avions furent alors saisis et versés à la Luftwaffe qui leur affecta la désignation de Ju 90B-1. Par rapport aux avions civils il se différenciait par un armement défensif assez impressionnant : quatre mitrailleuses MG 131 de calibre 13mm en position ventrale, dorsale, et arrière. L’aménagement civil fut déposé et l’avion adapté au transport de troupes. Un total de 50 soldats équipés ou bien 44 parachutistes prenaient place dans l’avion.
À cette époque déjà Junkers travaillait sur une version de transport militaire lourd. Le premier vol du prototype de cette version vola en décembre 1939. Destiné à accueillir là encore 50 soldats en armes il pouvait aussi embarquer des véhicules légers types side-car, motos, ou mêmes voitures grâce à un ingénieux système de rampe arrière qui se relevait et mettait l’avion parallèle au sol, à la manière d’un appareil à train tricycle. Huit avions furent commandés par la Luftwaffe sous la désignation Ju 90B-2 pour une unité de transport spéciale.
Car en fait de manière doctrinale la Luftwaffe ne croyait pas aux avions de transport lourd. Elle préférait les machines plus compactes types Junkers Ju 52/3 ou encore Siebel Si 204.
Les Junkers Ju 90B-1 et Ju 90B-2 de la Luftwaffe furent livrés armés pour certains, et totalement lisses pour d’autres. Il n’y avait pas règle à ce niveau là. Par contre la plus part fut utilisée sur le front soviétique, notamment lors du siège de la ville de Stalingrad.
Il est à noter qu’un exemplaire fut utilisé comme plastron volant sous la désignation Ju 90V7 exclusivement par le constructeur. Il servit notamment au remorquage du planeur d’assaut géant Ju 322 Mammut demeuré expérimental. À la fin de la guerre deux avions furent saisis par les Alliés et testés en Angleterre avant d’être envoyé à la ferraille. Au total seuls 18 Junkers Ju 90 furent assemblés.
Aujourd’hui il demeure un avion assez mineur pour son constructeur. Pourtant il ne faut pas oublier que le Junkers Ju 90 donna naissance au bombardier de reconnaissance à long rayon d’action Ju 290, un des avions les plus réussis de la guerre dans sa catégorie.
En 2020 il ne reste plus rien de cet avion qui fut pourtant apprécié de ses équipages tant civils que militaires.
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