A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la firme Short qui avait connu un certain succès avec ses hydravions Sunderland et Singapore ou son bombardier Stirling se lança, sur fonds privés, dans l’étude et la conception d’un bimoteur triplace de lutte anti-sous-marine et de reconnaissance embarqué. Cependant la fin des hostilités arriva trop tôt pour le nouvel avion et la Fleet Air Arm (FAA), un temps intéressée par le concept, annula le marché. Néanmoins, elle demanda à l’avionneur de poursuivre son travail d’étude qui déboucha sur un prototype baptisé Sturgeon. L’idée de l’aéronavale britannique était d’utiliser cet avion comme machine d’entrainement et de tractage de cibles.
Le Sturgeon effectua son premier vol en juin 1946 devant plusieurs dizaines de hauts responsables de la RAF et de la FAA. Si la RAF ne jugea aucun intérêt à l’appareil, il n’en fut pas de même pour la FAA qui acquit tout d’abord deux machines de torpillage désignées Sturgeon S Mk-1. Cette version n’apporta aucun gain à l’aéronavale britannique qui se préparait à recevoir les Fairey Gannet et disposait encore d’un nombre substantiel de Mosquito. La FAA fit part à Short de son intérêt dans l’acquisition d’un avion de remorquage de cible à grande vitesse pour la formation et l’entrainement des personnels aériens et navals de la Royal Navy. Les ingénieurs travaillèrent alors sur une version désarmée du Sturgeon qu’ils baptisèrent Sturgeon TT Mk-2. Par rapport à la version armée, il disposait de moteurs entrainés par des hélices contrarotatives. Une première commande vint pour 23 Sturgeon TT Mk-2.
Le Sturgeon se présentait comme un bimoteur triplace à aile médiane cantilever, disposant d’un fuselage étroit. Le train d’atterrissage tricycle était totalement escamotable et se terminait par une crosse d’appontage facilitant les opérations sur porte-avions. L’avant de l’avion était en partie vitré, facilitant ainsi le travail de l’opérateur de calibration radar. Le fuselage, l’empennage, et les ailes (intrados et extrados) étaient revêtus d’un camouflage jaune et noire composé de rayure en diagonal, facilitant l’identification du Sturgeon comme appareils de remorquage de cibles. L’avion pouvait tracter simultanément deux cibles différentes pour les opérations d’entrainement de l’artillerie de marine ou une cible principale pour les mêmes opérations visant les pilotes d’avions de la FAA.
Au sein des unités opérationnelles, le Sturgeon TT Mk-2 remplaça une multitude d’appareils datant de la Seconde Guerre mondiale et utilisés pour des missions de remorquage de cible, réglage d’artillerie, ou entrainement des opérateurs radar, alors qu’ils ne s’agissaient pas du tout de leurs missions de base. Parmi ces appareils figurent entre autres des Bristol Beaufighter, des De Havilland Dominie, ou encore des Boulton-Paul Defiant. Le Sturgeon permit d’apporter une certaine rigueur dans cette mission d’entrainement très obscure. Au total, ce sont trois Squadrons qui utilisèrent ces machines, les numéros 703, 728, et 771. En 1952, ce dernier Squadron reçu cinq avions de plus, construit sur demande de la RAF et baptisés TT Mk-3. Ils demeurèrent sous l’administration de la Royal Navy mais servirent lors des manœuvres conjointes avec la RAF.
C’est un de ces nouveaux avions qui fut le seul et unique Sturgeon perdu en opération, lors d’un exercice conjoint avec l’Aéronautique Navale en 1956 en Méditerranée. L’avion fut abattu par un Hawker Sea Hawk du Squadron 899 lors d’un passage au-dessus de littoral corse. L’équipage fut tué. La mission de sauvetage mobilisa des éléments britanniques et français dont des Piasecki HUP de l’aéronavale. Ce fut un de ces birotors qui repêcha le corps du malheureux pilote. Les Sturgeon furent retirés du service à peine deux ans plus tard en novembre 1958 et remplacés dans leur rôle de remorqueur de cible par des Gloster Meteor modifiés et dans leur mission de calibration des radars par des Douglas Skyraider, eux aussi profondément changés.
Le Short Sturgeon demeure le seul et unique avion de remorquage/tractage de cible et de calibration radar quasiment conçu dès le départ pour ce type de mission si particulier. Les pilotes de remorquage ont effectués, et effectuent encore parfois, leurs missions en prenant des risques énormes avec des machines parfois très fragiles. Ce n’était pas le cas du Short Sturgeon. Jusqu’en 1965, un Sturgeon TT Mk-2 a servi au sein du Royal Aircraft Establishment pour les mêmes missions, il s’agissait d’une ancienne machine du Squadron 728, et il servit au développement du Kestrel, le prototype du programme Harrier.
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