Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale les industries aéronautiques américaines surent rapidement combler leur retard sur leurs homologues britanniques. Il faut dire que leur Bell P-59 Airacomet était notoirement inférieur au Gloster Meteor. Et c’est en grande partie grâce au secours des savants nazis, capturés aussi bien chez Arado que chez Messerschmitt , qu’ils purent ainsi très vite se hisser à la première place mondiale des constructeurs d’avions à réaction. L’avionneur McDonnell qui avait principalement travaillé durant le conflit comme sous-traitant d’autres avionneurs put lui aussi compter sur cette main d’œuvre allemande. Et dès lors le constructeur devint un des spécialistes de l’aviation à réaction, malgré quelques ratés à l’image de son chasseur d’escorte demeuré sans suite XF-88.
C’est à la toute fin de l’année 1946 que l’US Army Air Force fit savoir qu’elle recherchait un chasseur d’escorte monoplace à réaction. Le futur avion devait être capable de voler sur une longue distance et ainsi remplacer les North American P-51D Mustang. Malgré leur remarquable palmarès durant le conflit ces avions étaient devenus obsolètes.
La majorité des grands, mais aussi de plus petits, avionneurs américains y répondirent. En février 1947 les militaires américains sélectionnèrent quatre constructeurs et leur commandèrent à chacun deux prototypes de leurs avions respectifs. Il s’agissait de Lockheed, McDonnell, North American, et Republic.
Chez McDonnell pourtant les expériences en matière de jets conçus pour les besoins de l’US Army Air Force n’étaient pas reluisantes. Hormis le chasseur parasite XF-85 Goblin, alors en cours de développement, McDonnell n’avait jamais rien produit. Pourtant c’était alors un fournisseur reconnu par l’US Navy. Avec son FH-1 Phantom le constructeur avait marqué son temps en construisant le premier chasseur embarqué à réaction conçu ab-initio.
En septembre 1947 avec la création de l’US Air Force le nouveau programme reçut la désignation de XF-88. Les autres avions en lice étaient alors le Lockheed XF-90, le Republic XF-91, et le North American YF-93 directement dérivé du fameux F-86 Sabre. Les désignations de XF-89 et XF-92 avaient été sautées car elles relevaient d’un autre programme, pour un intercepteur cette fois-ci.
Et à la manière de North American McDonnell aussi basa son futur avion sur une machine existant déjà.
Car à cette époque ses usines tournaient à plein régime pour fournir le futur chasseur embarqué standard de l’US Navy : le F2H Banshee. Et l’idée des ingénieurs de McDonnell était de développer une version terrestre à long rayon d’action de celui-ci dans le cadre du programme XF-88. L’idée était alors loin d’être saugrenue.
Le fuselage fut légèrement redessiné mais les modifications les plus profondes eurent lieu au niveau de la voilure désormais en flèche, du cockpit, et du nez de l’avion. La motorisation retenue pour ce premier prototype était deux turboréacteurs Westinghouse J34-WE-13 d’une poussée unitaire de 1361kg. Aucun armement n’était prévu dessus, celui-ci devant faire son apparition sur le second prototype.
Le premier vol d’un McDonnell XF-88 intervint le 20 octobre 1948.
Mais les premiers essais en vol démontrèrent que désormais une postcombustion était obligatoire sur un tel avion. Elle fit son apparition sur les réacteurs Westinghouse J34-WE-15 qui équipaient le McDonnell XF-88A, le second prototype. Ces moteurs à réaction développaient une poussée unitaire de 1633kg à sec et de 2190kg une fois la réchauffe activée. L’armement fit également son apparition sur l’avion, sous la forme de six canons mitrailleurs M39 de calibre 20mm installés dans le nez. C’est le 26 avril 1949 que l’avion vola.
Mais déjà le programme de chasseurs d’escorte avait du plomb dans l’aile au sein de l’US Air Force. Les progrès réalisés en matière de vitesse de croisière et de rayon d’action sur des bombardiers comme les Convair B-36 Peacemaker, North American B-45 Tornado, ou encore Boeing B-47 Stratojet avaient rendu toute accompagnement inutile. Jamais les chasseurs d’escorte ne pourraient voler assez longtemps pour cela, et surtout pas assez hauts. Aussi à l’été 1949 il fut abandonné et tous les avions arrêtés.
Ou tout du moins officiellement…
Car dans l’ombre les constructeurs Lockheed et McDonnell eurent pour ordre du Pentagone de poursuivre leurs études initiés sur respectivement le XF-90 et le XF-88. Il s’agissait d’un développer pour le premier un intercepteur pur et pour le second un chasseur de supériorité aérienne. Et les deux avionneurs reçurent le message cinq sur cinq. Lockheed se basa sur son XF-90 pour donner naissance à son F-104 Starfighter et McDonnell de son côté extrapola du XF-88 son F-101 Voodoo. Deux des plus légendaires chasseurs de la guerre froide étaient nés, des Century Fighters.
Pourtant ce ne fut pas la fin du McDonnell XF-88. En parallèle à ce programme débouchant sur le F-101 Voodoo l’avionneur utilisait comme banc d’essais en vol au profit de turbopropulseurs. C’est avec le motoriste Allison que ses ingénieurs travaillèrent. Ainsi modifié l’avion devint le XF-88B. Il s’agissait d’une modification du premier prototype. Les deux turboréacteurs avaient été déposés tandis qu’un turbopropulseur Allison XT38 d’une puissance de 2535 chevaux actionnant des hélices à grande et très grandes vitesses. Il était installé dans le nez.
Contrairement à ce qu’une certaine presse peu regardante déclara à l’époque le McDonnell XF-88B n’était en rien le monomoteur à turbopropulsion le plus puissant ou le plus rapide de son temps. Le chasseur britannique Westland Wyvern le surpassait de très loin.
Pour autant l’avion permit de grandes avancées au motoriste qui par la suite développa à partir du XT38 le turbopropulseur T56 qui allait motoriser rien moins que les Lockheed C-130 Hercules et P-3 Orion.
Utilisés plusieurs années comme bancs d’essais par le constructeur les McDonnell XF-88A/XF-88B furent envoyés à la ferraille à l’automne 1958. Ainsi se terminait l’aventure de ce chasseur pas si raté que ça, et qui avait permis des avancées significatives dans la technologie des turbopropulseurs.
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