Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale l’Union Soviétique chercha à combler son retard en matière d’aviation à réaction. Ses productions étaient largement inférieures aux aéronefs allemands et britanniques. Même les Américains avec leur décevant Bell P-59 Airacomet avaient réussi à faire mieux. Aussi c’est Joseph Staline lui-même qui ordonna que les trois grands constructeurs de chasseurs de l’époque : Lavotchkin, Mikoyan-Gurevitch, et Yakovlev redressent la situation. Et les résultats pour le premier d’entre eux ne furent pas brillants avec le chasseur demeuré sans suite La-150.
L’un des principaux soucis auxquels se heurtèrent les ingénieurs soviétiques était l’absence d’un turboréacteur de facture locale. Il n’existait alors que deux alternatives : copier un modèle allemand ou bien obtenir une licence de production auprès des Britanniques. L’Union Soviétique ayant mis la main sur bon nombre d’usines d’aviation du Troisième Reich et capturé des centaines d’ingénieurs allemands la première solution semblait la plus aisée.
Il restait à savoir lequel des turboréacteurs serait le plus adapté aux premiers plans dessinés chez Lavotchkin.
Le pouvoir central de Moscou ne laissa aucune latitude à l’avionneur dans ce dossier. Le moteur chois était le Jumo 004 conçu par Junkers. C’est lui qui avait jusque là propulsé le bombardier Arado Ar 234, le chasseur Messerschmitt Me 262, ou encore le prototype Heinkel He 280. Autant dire que dans l’Allemagne hitlérienne ce turboréacteur avait largement démontré ses capacités. L’idée communément répandue à l’époque dans les couloirs du Kremlin c’est que si ces très bons avions avaient volé avec ce moteur à réaction, des chasseurs soviétiques plus récents voleraient encore mieux. Mais en ingénierie aéronautique tout n’est pas aussi simple.
Le pouvoir soviétique passa commande pour quatre prototypes et quatre avions de présérie de celui qui était alors connu comme Lavotchkin La-150. Les ingénieurs de ce constructeur avaient alors pris le parti de développer un chasseur avec une architecture tranchant radicalement avec ce qui s’était fait alors ailleurs dans le monde.
Pourtant sous certains aspects l’avion reprenait en parti les plans du Focke-Wulf Ta 183, un jet demeuré à l’état expérimental en Allemagne et qui ne vola jamais.
Le motoriste Klimov fut choisi pour assembler les Junkers Jumo 004 à qui il octroya la désignation de RD-10. Celui-ci développait une poussée de 900kg sans disposer pour autant d’un système de réchauffe. Lavotchkin passa commande pour quinze de ces turboréacteurs afin de garantir au mieux la phase d’essais de son La-150.
Extérieurement l’avion se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute droite. De construction entièrement métallique il disposait d’une entrée d’air centrale de forme circulaire et d’un empennage classique. Son train d’atterrissage tricycle se rétractait directement dans le fuselage. Le pilote s’asseyait sur un siège éjectable, installé dans un cockpit monoplace disposant d’une verrière en forme de goutte d’eau. Un tel équipement pour le pilote était une grande nouveauté en URSS.
Bien qu’initialement désarmé, à l’état de prototype, le Lavotchkin La-150 était prévu pour emporter deux canons-mitrailleurs NS-23 de calibre 23mm dans le nez. Chacune de ces armes avait une capacité de soixante-quinze obus.
Le prototype numéro 1 réalisa son premier vol en septembre 1946.
Et dès le début les essais furent décevants. Le Lavotchkin La-150 n’avait rien d’un chasseur de son temps. Les essais d’armement démontrèrent en outre que cent cinquante obus en deux canons-mitrailleurs, c’était vraiment trop peu. Des rapports du KGB, les services soviétiques de renseignement, mirent même en lumière que l’avion était inférieur à ses deux principaux concurrents occidentaux de l’époque : le De Havilland D.H.100 Vampire britannique et le Republic F-84 Thunderjet américain. Pis le premier d’entre-eux deux avait été conçu durant la guerre, et donc ne bénéficiait pas des avancés technologiques acquises auprès des ingénieurs nazis.
Lors de l’hiver 1946-1947 le La-150 fut incapable de prendre les airs lorsque la température extérieure descendait en-dessous de -5°C, un comble pour un avion soviétique.
Les quelques vols d’essais furent assez médiocres, voire parfois catastrophique. L’aile haute et droite de l’avion gâchait toute forme d’espoir de vitesse élevé. Conçu pour voler entre 850 et 900 km/h il peinait à atteindre la plus basse d’entre elles deux dans les meilleures conditions météo possibles. Sa manœuvrabilité était plus que limité et le pilote ne pouvait pas virer sur l’aile avec une trop grande incidence, au risque de voir son avion se disloquer.
Finalement à l’été 1947 le programme du La-150 fut abandonné. Les quatre prototypes avaient été assemblés et avaient tous volé au moins une fois. Deux des quatre avions de présérie étaient eux dans l’atelier. Ils furent immédiatement démontés.
Il est étonnant de se dire que le bureau d’étude qui avait développé les très réussis LaGG-3 et La-7 ne réussit jamais à produire en série son premier avion à réaction. Pour autant le Lavotchkin La-150 servit de base au La-15, le seul jet de chasse construit en série par cet industriel.
Il ne semble plus rester quoi que ce soit de nos jours de ce chasseur expérimental.
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