C’est un profond changement que le gouvernement japonais veut enclencher, avec si possible l’appui de nouvel empereur Naruhito. C’est avant tout une rupture claire avec la doctrine d’emploi des forces d’autodéfenses et la constitution japonaise. Beaucoup d’officiers nippons aimeraient que désormais leurs forces aériennes, navales, et terrestres jouent un rôle également offensif avec pourquoi pas des projections à l’extérieur de l’archipel. Pour autant cette réforme généralisée ne s’accompagnerait pas de la fin de la présence des forces américaines.
Pour mémoire au lendemain des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki le Japon fut désarmé par les Alliés. Cela fut entériné politiquement et institutionnellement par la constitution de 1947, la fameuse Sengo Kenpō à laquelle on dit que les Japonais contemporains sont toujours très attachés. Ce n’est que le 1er juillet 1954 que le Japon fut autorisé à voir revenir une armée restreinte : ses forces d’autodéfenses. Autant aériennes que navales ou terrestres celles-ci sont alors totalement inféodées aux troupes d’occupation américaines. Mais surtout elles ne sont autorisé à s’équiper qu’auprès de l’Oncle Sam.
Et sur le plan aérien cela s’est traduit par le fait que les pilotes japonais se sont taillés une réputation d’excellence dans le domaine de la chasse pure, c’est à dire le combat air-air. Pour autant leurs connaissances actuelles sur les domaines de l’attaque au sol ou encore du bombardement ne sont que théoriques, le Japon n’ayant rien attaqué depuis 1945. Pour autant ils participent régulièrement à des exercices internationaux dans la zone Pacifique.
En fait ce n’est pas tant dans les missions offensives que de projection de force que les militaires nippons voudraient gagner en flexibilité. Ils estiment désormais que leurs moyens de transport aérien et naval leur permettrait efficacement de participer à des opérations extérieures internationales. Les équipages des Lockheed C-130H Hercules japonais pourraient en effet parfaitement s’insérer dans un dispositif international, et la Japan Air Self Defense Force rappelle que le nouveau Kawasaki C-2 est un avion-cargo parfaitement taillé pour intervenir loin des limites de l’archipel.
Vu de l’extérieur, du Canada ou d’Europe, ces revendications peuvent paraître parfaitement logique. Nous sommes soixante-quatorze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et le Japon n’a plus rien de l’empire belliqueux et expansionniste qu’il était dans les années 1930. Pour autant à l’aune des récents accrochages entre l’aviation japonaise et ses homologues chinoises et russes on peut se demander comme réagirait un Japon autorisé désormais à se projeter militairement. Les Japonais pourraient parfaitement vouloir empêcher l’expansionnisme chinois dans le Pacifique par la force, comme son allié américain le fait actuellement. Or à Washington, et notamment au Pentagone, beaucoup ont accueilli assez fraîchement cette volonté du premier ministre Shinzō Abe de s’émanciper militairement. Les Américains craignent sans doute d’y perdre un peu de leur hégémonie dans la région. Ailleurs dans le monde, et notamment sur le Vieux Continent, les dirigeants sont plutôt globalement assez favorables à l’initiative nippone. Ils ont en tête ce qui se passe très positivement depuis une vingtaine d’années en Allemagne, en gros depuis la fin de la guerre froide et la réunification.
Pour autant ce changement doctrinal ne se ferait pas en un claquement de doigts. Une fois la décision officiellement prise, avec forcément l’aval du peuple, la procédure pourrait prendre une dizaine d’années pour modifier en profondeur l’aviation nippone. Certaines escadrilles devraient être remodelées afin de les affecter à des missions offensives ou de projection tandis que d’autres demeureraient dans celles de défense.
Malgré cela le premier ministre Shinzō Abe insiste sur le fait qu’aucune demande de départ des forces d’occupation américaines ne sera formulée. Et pourtant celles-ci sont de plus en plus impopulaires dans l’archipel, notamment en raison de grave débordements et d’accidents en tous genres. L’aviation américaine est souvent vue comme une plaie par les Japonais. D’ailleurs les renforts américaines arrivés récemment dans la région n’ont suscité aucun débat dans la classe politique nippone.
Reste désormais une inconnue importante dans l’équation : l’opinion publique. Le peuple suivra t-il cette démarche des militaires qui va quelque peu à l’encontre du Cool Japan ? Cette vision pacifiste et culturelle montre ce que doit être l’archipel nippon dans le monde entier pour les plus jeunes. Axé notamment sur la mode du kawaï et des mangas non violents le Cool Japan est très imprégné chez les générations qui ont grandi au moment de la fin de la guerre voire qui sont nées après. Chez les quadragénaires et quinquagénaires japonais le sentiment pacifiste, presque antimilitariste est très présent. De ce fait la réforme militaire risque de se heurter à un véritable mur idéologique.
Réponse de ce fait dans quelques mois, une fois le débat bien lancé.
Photo © Japan Air Self Defense Force.
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2 Responses
Ca fera un allié de plus pour les Américains.
Ce n’est pas une :mauvaise nouvelle, d’autant qu’en cas de guerre Trump/Jong-Un, les Japonais seraient parmi les premiers à répliquer en cas de tir d’un missile nucléaire.